A Raqa, s'approvisionner en eau au péril de sa vie


Samedi 8 Juillet 2017 - 10:46
AFP


Raqa a longtemps tiré profit de l'Euphrate, le fleuve qui traverse cette ville syrienne. Mais aujourd'hui, des habitants assoiffés sont prêts à risquer leur vie pour s'approvisionner en eau sur fond de combats entre le groupe Etat islamique (EI) et les forces antijihadistes.


Car cette cité du nord de la Syrie est sans eau courante depuis plusieurs semaines, après la destruction de canalisations dans des bombardements, dont certains sont imputés à la coalition internationale anti-EI dirigée par les Etats-Unis.

Sous une très forte chaleur, des habitants déshydratés sont ainsi forcés de s'aventurer vers les rives de l'Euphrate ou des puits de fortune creusés à travers la ville.

Et cela au péril de leur vie, à mesure que les combats s'intensifient entre l'EI et les Forces démocratiques syriennes (FDS), une alliance arabo-kurde soutenue par Washington, qui est entrée le 6 juin à Raqa, fief des jihadistes en Syrie depuis 2014.

"Je suis allé pomper l'eau d'un puits dans le sud de la ville près du fleuve", a affirmé à l'AFP Karim, un militant du réseau Raqqa24. Toujours bloqué dans la ville, il a préféré utiliser un nom d'emprunt par peur de représailles des jihadistes.

Ces derniers ayant coupé la rue qui reliait un quartier du sud de la cité au fleuve, lui et d'autres hommes se sont rassemblés autour d'un trou creusé par un habitant.

"Nous avons pu puiser de l'eau pendant une heure mais ensuite nous avons dû fuir à cause de tirs d'artillerie. Un obus est tombé seulement à 50 mètres de moi", confie-t-il.

- 46°C -

Il décrit une scène de panique: des familles traînent des jerricanes d'eau à travers la ville puis se mettent brusquement à courir pour se protéger des tirs de mortiers et des frappes aériennes.

Des civils ayant fui Raqa ont également dit à l'AFP avoir été la cible de tireurs embusqués de l'EI alors qu'ils tentaient de remplir leur bidon dans le fleuve.

Avec des températures atteignant les 46°C, les habitants de Raqa font face à un dilemme: souffrir de la soif à l'abri ou risquer leur vie pour l'étancher.

"Le manque (d'eau) est en train de nous tuer. Et l'eau froide n'existe que dans nos rêves", explique Karim.

Depuis sa prise par l'EI en 2014, Raqa est associée aux atrocités commises par les jihadistes comme les pendaisons publiques.

Avec l'appui de la coalition, les FDS tentent de les en déloger à la faveur d'une vaste offensive lancée en novembre.

Il y a encore quelques années, Raqa jouissait de sa localisation dans la vallée fertile de l'Euphrate ainsi que des barrages hydro-électriques voisins qui alimentaient en énergie une grande partie du pays.

- 'Ironie' -

"La plus grande ironie tient au fait que cette ville située sur les rives de l'Euphrate est aujourd'hui en train de mourir de soif", relève "Raqqa is Being Slaughtered Silently" (RBSS, Raqa est massacré en silence).

Selon cette organisation, l'une des rares à maintenir le lien entre la ville et le monde extérieur, au moins 27 personnes ont été tuées ces dernières semaines par des raids aériens de la coalition, alors qu'elles tentaient de rallier le fleuve ou des puits avoisinants.

"Mon oncle et sept enfants ont été tués il y a environ deux semaines alors qu'il se dirigeait vers une école près du centre-ville où se trouvait un puits", assure le cofondateur de RBSS Abdalaziz al-Hamza.

Mais ceux qui réussissent à puiser de l'eau dans le fleuve s'exposent à des problèmes de santé, a récemment mis en garde l'ONU, faisant état d'une eau potentiellement "impropre à la consommation" qui pourrait engendrer des maladies.

"La population de Raqa utilise cette eau pour tout, leur toilette, boire, ...", s'alarme un autre militant de RBSS, Houssam Eesa. "Mais elle n'est pas propre, surtout à cause de tous les obus et les cadavres qui s'y trouvent", explique-t-il.

RBSS dit avoir documenté des symptômes de maladies d'origine hydrique comme de la fièvre et des pertes de conscience, craignant des cas de choléra.


           

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