Alcool interdit en Irak? Pas pour nous, disent les Kurdes


Jeudi 27 Octobre 2016 - 15:15
AFP


Erbil (Irak) - Les débits d'alcool sont ouverts "comme d'habitude" dans la région autonome du Kurdistan irakien, où des responsables se sont engagés à ne pas appliquer la récente interdiction-surprise des boissons alcoolisées décidée à Bagdad.


Cette interdiction de produire, de vendre et d'importer de l'alcool a été subrepticement glissée samedi soir dans un projet de loi sur les municipalités. 

Le président irakien Fouad Massoum a toutefois appelé mercredi le Parlement à la réviser en jugeant la manière dont l'article avait été rajouté incompatible avec "les principes démocratiques". 

En attendant, au Kurdistan, une province de trois régions du nord de l'Irak qui a son propre gouvernement, ses forces de sécurité et son drapeau, beaucoup sont bien décidés à tout simplement ignorer la mesure. 

"Nous ne reconnaissons pas ce genre de lois" qui "ne seront pas appliquées au Kurdistan", affirme ainsi Farsat Sophie, membre de la commission législative du Parlement régional kurde. 

Même réaction chez le ministre régional de la Culture. "Cette décision est contre la démocratie et les libertés individuelles", tonne Khalid Doski. 

En pratique, Bagdad n'a pas les moyens de faire appliquer la mesure au Kurdistan si les autorités kurdes décident de faire fi de la législation. 

La consommation d'alcool est largement considérée comme étant interdite par l'islam, mais en boire est assez répandu en Irak, y compris à Bagdad où existe une multitude de petits débits d'alcool. 

Si l'interdiction, qui n'est pas encore entrée en vigueur, est appliquée partout sauf au Kurdistan, elle conduira à l'essor d'un marché noir de l'alcool ramené de cette région autonome vers les zones contrôlées par le gouvernement fédéral. 

Raed Bassel Hanna, propriétaire d'un débit d'alcool à Ainkawa, juge que les autorités irakiennes devraient plutôt se concentrer sur "améliorer les conditions de vie de la population et la sortir de la pauvreté" au lieu de "prendre des décisions qui ne profitent à personne". 

L'Irak, dont des dizaines de milliers de soldats participent à une offensive pour reprendre la ville de Mossoul au groupe Etat islamique, doit aussi faire face à une myriade d'autres problèmes, comme une crise économique due à la baisse des prix du pétrole et des services de base dans un état calamiteux. 

Dans tous les cas, "nous avons obtenu l'approbation du gouvernement de la région et nous travaillons comme d'habitude", affirme M. Hanna, qui travaille dans la vente d'alcool depuis plus de 25 ans. 

En plus, "la plupart de ceux qui ont soutenu cette décision boivent de l'alcool", ajoute-t-il avec un sourire. 

Un autre vendeur d'alcool, qui ne souhaite pas être identifié, assure de son côté que "la plupart" de ses clients "sont musulmans". 

A Bagdad, le sort de cette interdiction est moins clair. Selon la Constitution, le président --qui a donc critiqué la mesure sans toutefois la mentionner spécifiquement-- a le pouvoir "d'approuver des lois votées par la Chambre des représentants", mais elle ne précise pas s'il a le droit de les rejeter. 

Yonadam Kanna, un important homme politique chrétien, s'est dit furieux après le vote de samedi, le condamnant à la télévision et promettant de le contester devant un tribunal fédéral. 

L'alcool est rarement disponible dans les hôtels et restaurants d'Irak, mais des jeunes gens en boivent assis sur les rives ou les ponts du Tigre. 

Des sociétés irakiennes produisent également plusieurs types d'alcool, comme la bière Farida ou l'arak Asriya (un alcool anisé de la région). 

Les débits d'alcool de Bagdad ferment pendant Arbaïne, une période de 40 jours suivant la date à laquelle les Irakiens chiites commémorent la mort de Hussein, petit-fils du prophète Mahomet et fils de l'imam Ali. Ils baissent également le rideau pendant le mois de jeûne sacré musulman de ramadan, ce qui signifie que les vendeurs d'alcool sont au chômage pendant plus de deux mois par an. 

Certains en vendent malgré tout pendant les occasions religieuses, mais risquent des attaques de la part des milices opérant dans la capitale.


           

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