Attentats: le bar "À la bonne bière" rouvre pour "rebondir" après l'horreur


Samedi 5 Décembre 2015 - 12:52
AFP


Les lumières sont revenues, les impacts de balles ont disparu: trois semaines jour pour jour après les attentats de Paris, À la bonne bière, l'un des bars attaqués, a rouvert ses portes vendredi, pour "refaire vivre" ce quartier meurtri.


Après les travailleurs du matin venus savourer leur café sur le coin du zinc, des clients présents en masse pour un long déjeuner, le bar-brasserie était bondé à 21H30 pour le dîner. Une affluence rarement atteinte, selon le voisinage.

"On est très content. On a beaucoup d'habitués qui sont venus nous soutenir toute la journée. Ça montre que le lieu manquait au quartier", s'est réjouie Audrey Bily, la gestionnaire.

En début d'après-midi, Anton Solnitzki, un réalisateur de 30 ans, expliquait ainsi "ne pas (avoir) choisi ce bar par hasard".

"Cela me fait plaisir et du bien de rendre ainsi hommage aux morts", commentait-il. "Ce n'est pas un acte de bravoure ni de résistance, mais une manière pour moi de dire merde au mal et à la bêtise".

Ici, le 13 novembre, cinq personnes ont été tuées et plusieurs grièvement blessées. De l'autre côté de la rue, la pizzeria Casa nostra, elle aussi prise pour cible, est toujours fermée. Au total, 129 personnes ont perdu la vie dans ce quartier de l'Est parisien et une autre au Stade de France.

La réouverture du café, le premier des six bars et restaurants attaqués par le "commando des terrasses" à reprendre vie après trois semaines bien sombres, relève du symbole.

"On veut leur montrer qu'on est plus fort qu'eux, donc on veut le faire repartir et on veut refaire vivre ce quartier, rebondir", affirmait Audrey Bily vendredi matin devant un mur de caméras, d'objectifs et de micros.

Pendant trois semaines, les fleurs et les messages de solidarité se sont amoncelés devant son bar, devenu lieu de recueillement, avant d'être enlevés. Aujourd'hui, quelques témoignages spontanés subsistent, mais ils ont été décalés de l'entrée, pour permettre à l'activité de reprendre.

Les impacts de balles lézardaient les vitres, des chaises renversées ou des verres non terminés laissaient entrevoir la violence de l'attaque. Plus rien de cela ne subsiste.

"On a fait quelques travaux, repeint les murs, lavé les traces" de la fusillade, résume Mme Bily.

- "Traumatisme" -

Mais, si tout semble normal vendredi, la clientèle, elle, reste ébranlée.

"Quand un événement se passe loin, vous le regardez de loin. Là, vous vous sentez plus concerné", explique MC1, un DJ travaillant dans le quartier.

"Le boulanger d'en face, chez qui j'achète mon pain et mes croissants, a pris une balle. Son ouvrier est arrivé dix minutes en retard, sinon il serait peut-être mort. C'est vraiment pesant", poursuit cet homme chapeauté, portant une veste de cuir.

À ses côtés, un voisin raconte sa fuite le soir des attaques, loue l'héroïsme de certains commerçants, en invective d'autres. "Moi, le bruit des kalachnikov, je connais ça, après dix ans d'Algérie. Je peux te dire que je suis parti en courant", dit-il.

David, qui habite trente mètres plus loin, confesse avoir encore "les jambes en coton", bien qu'absent du quartier le 13. "Bien sûr, on n'a pas le monopole du traumatisme, mais là, il y a un effet de proximité terrible", confesse ce quadragénaire aux cheveux longs.

"On n'a pas besoin d'aller à Beyrouth pour être loin. De l'autre côté de la Seine ou même à 300 mètres d'ici, c'est déjà loin. Là, on a l'impression que ça s'est passé chez nous, dans notre hall d'immeuble. Les victimes, c'est pas des gens comme toi, c'est toi".

Une cellule psychologique aide les habitants à reprendre le dessus. Certains se réfugient dans la prière, "la Bible et les bougies", pour "prendre un peu de distance".

Ibrahima Gueye, gardien d'immeuble, fait de même. "Mais je ne vais plus à la mosquée, je prie chez moi. Si quelqu'un me voit rentrer dans la mosquée, il va me prendre pour un terroriste", juge-t-il sobrement.


           

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