Claude Fournier : Un bonhomme en or


Dimanche 12 Avril 2009 - 11:13
canoe.ca/Benoit Aubin


Au départ, on est sceptique. Qui veut consacrer trois ans de travail à raconter sa vie, en 700 pages? Un narcisse qui s’élève un monument? Un révisionniste qui veut régler ses comptes? Non, c’est simplement Claude Fournier. Alors, on sait, dès les premières pages, qu’on va bien s’amuser.


Claude Fournier : Un bonhomme en or
Journaliste, poète, essayiste, cinéaste, entrepreneur, conseiller politique, et bon vivant accompli, Claude Fournier a ce talent rare de toujours être au bon endroit au bon moment.
Alors, forcément, ses mémoires, À force de vivre, sont un récit captivant (sur l’émergence du Québec moderne, vue de l’intérieur).
On y traverse la Grande Dépression, la fin du duplessisme, les débuts de la télévision et du cinéma québécois, les débuts du mouvement indépendantiste.
On y déshabille de la vedette, on y dénonce de l’hypocrite, on y prend un coup solide, on y travaille fort, on y rêve en couleurs, on y frappe des noeuds, on y tourne Deux femmes en or, on s’y chicane, s’y dispute; on ne s’y ennuie pas.
On suit la turbulente carrière de ce cinéaste ambitieux, mais casse-cou, qui a tenté de percer à New York, à Hollywood, à Paris. Il a courtisé les plus grandes vedettes, pactisé avec les plus grands producteurs, y a connu quelques succès, certes, mais aussi des échecs assassins, et s’est toujours remis, des uns comme des autres.
Tourner les pages
Claude, c’est aussi le frère jumeau de Guy Fournier, plus connu et controversé. Son livre est de ceux qui font qu’on se couche tard. En le lisant, on éclate de rire, on hoche la tête, on secoue les doigts en se disant: il n’a pas fait ça! Et on tourne les pages…
C’est que Claude Fournier était un méchant moineau. Un cabotin, un épicurien, un buveur, un fêtard, un noceur, un coureur de jupons, un gourmand, un amateur de voitures rapides, un fumeur de cigares, un connaisseur de whisky et de vin, absolument fou des femmes. Un cocktail Molotov ambulant. Il s’est brûlé, s’est planté, a connu la ruine et la fortune, s’est fait plusieurs ennemis, mais il ne s’est pas ennuyé. Et on ne s’ennuie pas à lire ses mémoires.
Fournier a l’oeil du cameraman, la plume du journaliste, et une maîtrise remarquable de la langue française: il peut passer au plus-que-parfait du subjonctif en racontant une scène de séduction avec aise, sans maniérisme aucun.
Il écrit des pages lyriques sur la peau d’une femme qu’il a aimée il y a longtemps, sur une sole de Douvres qu’il a dégustée à Paris il y a 50 ans, sur la lumière dans les rues de Calcutta. Comment peut-il s’en souvenir, lui qui a vécu la majeure partie de sa vie sur la brosse?
L’instinct
«Je ne suis pas un intellectuel. Je fonctionne à l’instinct, aux sentiments. Je ne me souviens jamais des discours, des informations. Mais je peux retrouver très précisément le goût d’un plat, le parfum d’une femme…»
Fournier dit qu’il était affligé d’une «rage de vivre» qui lui a fait brûler les étapes et les ponts, sauter les bouchons et les jupons, et multiplier les projets, en route vers l’avenir. «Mais, à 77 ans, l’avenir, on le consomme en doses homéopathiques», dit-il, avec un sourire résigné.
Les lecteurs sauront gré à Claude Fournier d’avoir voulu partager avec eux ses années de belle folie.
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À force de vivre, Libre Expression,
683 pages, 34,95 $


           

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