De Kaboul à Cannes, le rêve de Salim Shaheen, le "Ed Wood" afghan


Vendredi 26 Mai 2017 - 09:02
AFP


"J'aimerais bien voir Arnold Schwarzenegger et je crois que lui aussi": Salim Shaheen, réalisateur star de films de série Z en Afghanistan, s'est senti comme chez lui à Cannes, pour son premier Festival où était présenté "Nothingwood", un documentaire qui lui est consacré.


Salim Shaheen
Salim Shaheen
La folle aventure cannoise de Shaheen, personnage bonhomme haut en couleurs, a pour point de départ Kaboul. C'est dans la capitale afghane, qu'elle connaît bien, que Sonia Kronlund, journaliste à France Culture, a eu l'idée pour sa première réalisation de raconter l'histoire de ce "Ed Wood" (réalisateur mythique de séries B) afghan, auteur de plus de 100 films dans un pays constamment en guerre depuis 40 ans.

Dans ce documentaire, elle suit Shaheen en train de tourner son 111e film, avec sa petite équipe dont son acteur fétiche et efféminé Qurban Ali. Au mépris des risques encourus, ils vont jusque dans les endroits les plus dangereux d'Afghanistan pour assouvir leur soif de cinéma, comme à Bamiyan (centre-est) où les bouddhas géants vieux de 1500 ans ont été détruits par les talibans.

"Je suis prêt à mourir pour le cinéma", affirme à l'AFP, droit dans les yeux, Shaheen, des traces de fatigue sur son visage rond après une courte nuit. La soirée de fête mercredi dans un restaurant n'a pas permis de rattraper le décalage horaire.

"Dans mon pays, je me bas pour qu'on puisse parler de tous les sujets, comme la sexualité ou la drogue. C'est dangereux car on risque d'être tué pour ça. Mais je le répète, le cinéma c'est une question de vie ou de mort."

Le réalisateur afghan vit en grand un rêve d'enfant. Dans "Nothingwood", il raconte comment son père et ses frères le corrigeaient parce qu'il allait en cachette au cinéma. "Ca fait un certain temps que j'essaie de convaincre les gens des bienfaits du cinéma, sourit-il. J'ai déjà réussi à convaincre 70% de la population afghane."

- Quatre films en même temps -

Shaheen, dont "l'idole d'enfance" est l'acteur star en Inde Dharmendra, puise son inspiration dans les films de Bollywood.

Ses films flirtent avec tous les genres, action, drame, comédie, policier... On y chante faux, on y danse mal, on y joue en criant. Derrière son cinéma exubérant, improvisé, fait de bric, de broc et de sang du premier poulet croisé, le sérieux et la sincérité priment.

Succès aidant - ses films sont mêmes vus en cachette par des talibans, apprend-on dans "Nothingwood" -, des vocations naissent: "95% des gens qui font du cinéma aujourd'hui en Afghanistan sont des gens que j'ai formés", affirme-t-il, en tirant fièrement sur sa veste grise.

Mercredi matin, la standing ovation longue de plusieurs minutes après la projection presse a été forte en émotions.

"J'ai déjà eu des larmes de joie quand j'ai appris que je venais ici, confie-t-il. C'est tellement important. Mon rêve est de revenir un jour en sélection avec un de mes films. J'y travaille."

Accompagné à Cannes par son acteur Qurban Ali, Shaheen a évidemment pris sa caméra. "J'ai déjà tourné des plans, on est en tournage", dit-il.

"Le film aborde un sujet fait pour plaire ici. C'est une histoire qui n'a jamais encore été racontée au cinéma, mais je ne veux pas en parler car sinon on va me la voler", poursuit le réalisateur, qui tourne actuellement "quatre films simultanément".

Outre Schwarzenegger, les idoles de Shaheen se nomment Sylvester Stallone et Jean-Claude Van Damme. "Je ne sais pas quelles stars sont ici, je n'en ai pas encore rencontrées à cause des sollicitations", grimace-t-il.

Sur le tapis rouge, jeudi soir, il a précédé David Lynch, une des idoles cannoises, pour la montée des marches. "Lui je ne le connais pas", disait-il quelques heures auparavant.


           

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