Décès à 106 ans de Manoel de Oliveira, doyen mondial des cinéastes


Jeudi 2 Avril 2015 - 17:54
AFP


Le réalisateur portugais Manoel de Oliveira, doyen mondial des cinéastes, est mort jeudi à l'âge de 106 ans, son décès suscitant une vive émotion dans les milieux politiques et culturels.


Décès à 106 ans de Manoel de Oliveira, doyen mondial des cinéastes
Sa mort a été annoncée à l'AFP par son producteur Luis Urbano. Le cinéaste s'est éteint dans sa maison de Porto (nord), sa ville natale, selon les médias locaux.

Témoignant d'une inépuisable "faim de vivre et de tourner", le réalisateur avait tenu à fêter à la fin de l'année dernière son 106e anniversaire auprès de son public, à l'occasion de la sortie au Portugal de son dernier film, "Le Vieux du Restelo".

Malgré sa santé fragile, il avait réalisé ce court-métrage, qu'il avait décrit comme une "réflexion sur l'humanité", au printemps 2014.

Manoel de Oliveira avait promené jusqu'au bout l'acuité de son regard sur la condition humaine, dans une perpétuelle interrogation sur le sens de la vie.

Il avait dû attendre très longtemps le financement de son dernier projet, dans un contexte de fortes restrictions budgétaires pour le septième art portugais.

Le titre de ce film s'inspire d'un personnage qui est une sorte de prophète de la disgrâce dans le poème épique "Les Lusiades", écrit au XVIe siècle par Luis de Camoes pour raconter les grandes découvertes maritimes des navigateurs portugais.

- Exigeant -

Né le 11 décembre 1908 à Porto, la grande ville du nord du Portugal, mais enregistré seulement le lendemain à l'état-civil, Oliveira était le dernier survivant du "beau vieux temps du cinéma muet" qu'il continuait d'évoquer avec nostalgie.

Il avait réalisé l'essentiel de son oeuvre la soixantaine passée, et s'était fait connaître du grand public après ses 80 ans.

Fils d'un industriel qui l'emmène voir les films de Charlie Chaplin et Max Linder et lui offre sa première caméra, Manoel de Oliveira, un athlète accompli, champion de saut à la perche et de course automobile, débute au cinéma à 20 ans comme figurant dans un film muet, "Fatima miraculeuse".

En 1931, il tourne un premier documentaire - toujours muet - "Douro, travail fluvial", sur la vie des travailleurs du fleuve qui baigne sa ville natale.

Acteur dans le premier film parlant portugais, "La chanson de Lisbonne", en 1933, c'est surtout la réalisation qui l'intéresse et après plusieurs documentaires il se lance dans la fiction en 1942, avec "Aniki-Bobo", sur la vie des enfants d'un quartier populaire de Porto.

Mais le contexte politique et culturel dans le Portugal du dictateur Salazar l'éloigne des caméras. Il gère l'usine de textiles héritée de son père et entretient les vignobles familiaux. Ce n'est qu'en 1963 que sort son deuxième long métrage, "Le Mystère du printemps", évocation de la passion du Christ.

A partir de 1971, Oliveira se lance dans une tétralogie dite des "Amours frustrées", gagnant l'image d'un "cinéaste exigeant" qu'il impose en 1985 avec la sortie du monumental "Soulier de Satin", fresque de près de sept heures tirée de la pièce de Paul Claudel, Lion d'Or spécial à la Mostra de Venise.

- Cinéaste des cinéphiles -

Créateur acharné, il réalise à partir de 1985 pratiquement un film par an et travaille avec les plus grands acteurs comme les Français Catherine Deneuve et Michel Piccoli, l'Italien Marcello Mastroianni, l'Américain John Malkovich ou les Portugais Luis Miguel Cintra et Leonor Silveira.

Ses films, où dialogues et musique prennent une place essentielle, ont la lenteur du Douro de son Porto natal, avec de longs plans fixes, semblables à des tableaux, et de lents mouvements de caméra.

Plusieurs fois primé à Cannes ou à Venise, ce "cinéaste des cinéphiles", marié et père de quatre enfants, aura attendu d'être octogénaire pour atteindre le grand public avec notamment "Je rentre à la maison" (2001), où Piccoli incarne un vieux comédien qui s'interroge sur la solitude, la mort et la vieillesse après avoir perdu sa famille.

En 2008, le cinéaste au sempiternel chapeau de feutre avait reçu sa première Palme d'Or à Cannes pour l'ensemble de son oeuvre.

"Recevoir des prix, c'est sympathique", déclarait avec malice le vieil homme. Mais, ajoutait-il aussitôt, "le plus beau cadeau qu'on puisse me faire, c'est me laisser continuer à faire le reste de mes films".


           

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