En cette saison des fêtes, juifs, chrétiens et musulmans jettent un regard sur 2010


Jeudi 30 Décembre 2010 - 12:51
CGNews - Le prince El Hassan bin Talal


Amman - En cette époque de l’Aïd el-Adha, qui marque la fin du pèlerinage musulman à La Mecque, de hanoukka, lorsque les juifs commémorent la consécration du temple de Jérusalem, et de Noël, lorsque les chrétiens fêtent la naissance de Jésus, jetons un regard en arrière, une fois encore, sur l’année “qui aurait pu être”.


En cette saison des fêtes, juifs, chrétiens et musulmans jettent un regard sur 2010
Musulmans, juifs et chrétiens sont liés par un héritage commun sous un seul dieu. La coïncidence qui entoure nos célébrations religieuses nous rappelle que nous partageons le même mécanisme de renouveau spirituel. Elle nous rappelle que nous partageons aussi le péché que nous avons commis en nous détournant des vrais principes.

Ironie du sort, c’est en s’efforçant de conserver les coutumes et traditions de notre civilisation commune que certaines personnes sapent les fondations sur lesquelles elle a été construite.

Au Proche-Orient, 2010 s’est annoncé sous de bons auspices, dans l’espoir même. Le rapprochement renouvelé et sincère avec la région et le monde musulmans, que le président Barak Obama avait esquissé au Caire en juin 2009, aurait dû se mettre en train, guérissant de vieilles blessures et réduisant les fractures. Le changement de ton et d’attitude semblait augurer d’un changement en profondeur : après plus de dix ans de guerre, d’affrontements et de souffrances au Proche-Orient, le concert des nations allait siffler la fin de la partie.

L’affrontement israélo-palestinien allait être la pierre de touche de ce nouvel effort, surtout aux yeux des populations de la région. Mais d’autres indices annonçaient le changement : l’armée américaine commençait son retrait d’Irak, un nouveau gouvernement irakien était formé.
Cette année serait celle où, grâce à des efforts renouvelés, al-Qaïda serait tenue en échec en Irak, tandis que l’économie mondiale retrouverait son rythme après l’ébranlement causé par le plus grand effondrement économique en près d’un siècle.

Hélas, l’histoire qui s’est déroulée est marquée au sceau de la fatalité de l’échec. Dans leur grande majorité les troupes américaines ont bien quitté l’Irak, mais le gouvernement sur place n’est toujours pas formé, après les élections peu probantes du mois de mars. Même avant le massacre insupportable de chrétiens irakiens rassemblés pour la messe, le 31 octobre, à Bagdad, des dizaines de chrétiens perdaient la vie chaque jour en Irak. Pour l’une des plus anciennes minorités religieuses de la région, c’est l’exode massif.

Al-Qaïda reste incrustée en Afghanistan et dans des régions entières du Pakistan, tandis que le Yémen est devenu le dernier théâtre du terrorisme. Dubaï a été fouetté par la tempête financière, tandis que l’Iran continue sa délicate danse diplomatique nucléaire et qu’Israël s’impatiente.
Quant au processus de paix au Moyen-Orient, qu’en dire de neuf ? On peut partir de l’hypothèse qu’une solution à deux Etats est à exclure si la construction des implantations continue.

Dix ans après le début de ce siècle, nous profitons des bienfaits d’une technologie phénoménale. Nous pouvons communiquer sans effort dans le temps et dans l’espace. Nous sommes allés sur la Lune, nous avons exploré l’abîme des profondeurs, nous avons fait de la planète un village. Et pourtant nous sommes dans l’incapacité de façonner le monde selon nos désirs, contrairement à la génération de l’après-guerre, qui a su développer de nouvelles institutions internationales, et l’espoir. Comme elle, nous devons cette fois encore transformer la pensée et les convictions en actes.

Jetant un regard sur 2010, le Moyen-Orient nous apparaît comme un haut lieu de l’extrémisme. Or rien n’est plus éloigné de la vérité. Les défis y sont certes extrêmes. Les pays arabes continuent de protéger férocement leurs intérêts, malgré les leçons que nous a enseignées l’histoire. Cinq millions de jeunes sont au chômage dans la région. Depuis 1990 les guerres ont fait plus de déplacés qu’à aucune autre période.

L’Aïd el-Adha, Noël et Hanoukka sont l’occasion de rendre grâce, l’occasion de jeter un regard en arrière. Cette année 2010 n’a apparemment apporté aucun changement visible, en tout cas pas la paix. Soyons au moins reconnaissants qu’elle n’ait pas apporté davantage de guerres.

Elle nous a apporté peut-être une conscience plus aiguë de la gravité de nos problèmes, du prix qu’il faudra payer pour les régler, et une idée plus précise de ce que seraient les conséquences d’un échec. En 2010, nous, la communauté internationale, en toute humilité, prenons enfin conscience des défis quasi insurmontables qui se posent à nous.

Pour sortir de cette impasse, nous devrons faire appel à l’éthique et aux valeurs que nous partageons – à notre humanité commune. Ces valeurs, qui sont au cœur même de nos fois respectives, balisent la voie de l’ « anthropolitique » que nous devons mettre en oeuvre. Reconnaître ces similitudes peut donner aux gens animés de fois différentes l’inspiration qui leur permettra, ensemble, de travailler au bien du genre humain.

Mais avant tout, c’est d’espoir que nous avons besoin, cet espoir que seuls des hommes d’Etat doté d’une vision pour un avenir plus prospère et plus humain peuvent nous apporter, et non des hommes politiques avides de popularité et de pérennité politique. Quant tout est dit, nous devons combler la brèche, toujours plus profonde, qui sépare une technologie sans cesse accélérée de nos valeurs et de notre morale.


           

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