Etudiant italien tué au Caire: les enquêteurs égyptiens à Rome


Jeudi 7 Avril 2016 - 10:12
AFP


Une délégation égyptienne doit rendre compte à Rome à partir de jeudi matin de l'enquête sur le supplice d'un étudiant italien au Caire, après lequel l'Italie menace de prendre des mesures de rétorsion.


Giulio Regeni
Giulio Regeni
Enlevé le 25 janvier au Caire, Giulio Regeni, 28 ans, avait été retrouvé mort dans un fossé 10 jours plus tard, le corps couvert des stigmates de tortures épouvantables.

Depuis, l'Italie réclame avec force que les coupables soient identifiés et punis, en rejetant les multiples versions -- accident de la route, crime crapuleux, règlement de comptes personnel... -- avancées par les enquêteurs égyptiens.

L'affaire a porté un coup sévère aux relations, pourtant au beau fixe, entre le chef du gouvernement italien Matteo Renzi et le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi.

Deux magistrats égyptiens, dont le vice-procureur général Mostafa Soleiman, et trois responsables de la police, qui devaient arriver mercredi soir dans la capitale, sont attendus à partir de 10H00 (08H00 GMT) par le procureur de Rome, Giuseppe Pignatone, son susbtitut Sergio Colaiocco et de hauts responsables des forces de l'ordre.

Les enquêteurs italiens attendent en particulier les relevés téléphoniques de Giulio Regeni et les images des caméras de vidéosurveillance du métro et des commerces dans le quartier où vivait le jeune doctorant de l'université britannique de Cambridge.

"Nous sommes à la veille de rencontres importantes qui pourraient être décisives pour le déroulement de l'enquête", a déclaré mardi le ministre italien des Affaires étrangères, Paolo Gentiloni, devant le Parlement.

- 'Vérité commode' -

Il a de nouveau rejeté comme "une tentative d'accréditer une vérité commode" la dernière version proposée par les autorités égyptiennes, annoncée le 25 mars, selon laquelle la police a tué quatre membres d'un gang criminel spécialisé dans l'enlèvement d'étrangers et retrouvé chez l'un d'eux les effets personnels de Regeni.

Si les réponses des enquêteurs égyptiens ne sont pas satisfaisantes, M. Gentiloni a assuré que le gouvernement italien était "prêt à réagir en adoptant des mesures immédiates et proportionnées".

"Nous n'accepterons pas de vérité fabriquée (... et) nous ne laisserons pas piétiner la dignité de notre pays", a-t-il insisté.

"Je n'ai pas souvenir d'avoir entendu un ministre italien des Affaires étrangères parler de la façon dont Gentiloni a parlé", a jugé sur ce point Mattia Toaldo, expert auprès de l'European council on foreign relations (ECFR), interrogé par l'AFP.

Le chef du gouvernement italien, Matteo Renzi, s'est voulu clair lui aussi dans une vidéo mardi sur Facebook: "Nous nous arrêterons à la vérité, point, la vraie vérité. Nous le devons à Giulio, à ses amis, à sa maman, à son papa, à sa petite sœur, et nous le devons aussi à nous tous".

Mais l'Italie, dont le groupe énergétique Eni vient de découvrir un gigantesque gisement de gaz en Egypte et qui a besoin de ce pays pour mieux stabiliser la Libye, marche sur des oeufs.

Selon M. Toaldo, l'Italie pourrait, en guise de représailles, rappeler son ambassadeur, publier de nouveaux conseils aux voyageurs au détriment de l'Egypte ou chercher le soutien de ses partenaires européens pour la condamner.

L'impact des conseils aux voyageurs resterait toutefois limité: l'affaire Regeni mais surtout les craintes d'attentat terroriste dissuadent déjà les Italiens. Les vols de la compagnie italienne Meridiana vers l'Egypte sont ainsi passés de 44 à 3 par semaine.

Malgré les vifs démentis du gouvernement égyptien, la presse italienne et les milieux diplomatiques occidentaux en Egypte soupçonnent des membres d'un des services de sécurité égyptiens d'avoir assassiné Giulio Regeni.

Selon les rapports d'autopsie, le jeune homme a vécu un véritable calvaire pendant plusieurs jours avant de mourir la nuque brisée.

"Je ne vous dis pas ce qu'ils lui ont fait. Sur son visage j'ai vu tout le mal de ce monde", a témoigné la semaine dernière sa mère Paola, assurant n'avoir reconnu que la pointe du nez de son fils et se disant prête à rendre publique la photo qu'elle a prise à la morgue si l'enquête continue de piétiner.


           

Nouveau commentaire :

Actus | Economie | Cultures | Médias | Magazine | Divertissement