Irak: Maliki sous le feu des critiques américaines, Obama réfléchit


Jeudi 19 Juin 2014 - 17:10
AFP


Bagdad - Le Premier ministre irakien Nouri al-Maliki était jeudi sous le feu des critiques américaines imputant les troubles en Irak à sa politique confessionnelle, au moment où les Etats-Unis examinaient leurs options pour l'aider face à l'offensive des insurgés sunnites.


Sur le terrain, l'armée a affirmé avoir repris le contrôle total de la principale raffinerie du pays à Baïji (200 km au nord de Bagdad) après plus de 24 heures de combats contre les assaillants qui voulaient s'en emparer, selon des responsables et des témoins.

Il s'agit d'un rare succès des forces armées après leur totale déroute aux premiers jours de l'offensive lancée le 9 juin par les insurgés menés par les jihadistes de l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL), qui ont réussi à prendre de larges parties de quatre provinces et sont désormais à une centaine de km de Bagdad.

Cependant, incapables d'enrayer seules l'avancée des insurgés, les autorités irakiennes ont officiellement demandé aux Etats-Unis de mener des frappes aériennes, deux ans et demi après le retrait de leurs troupes d'Irak après un lourd engagement de huit ans.

Alors que les responsables américaines examinaient leurs options, ils n'ont pas manqué de rendre la politique de M. Maliki, un chiite honni par la minorité sunnite qui l'accuse de la marginaliser et d'accaparer le pouvoir, responsable de la crise actuelle présentée par l'ONU "comme une menace vitale" pour l'Irak.

Lors d'une audition au Congrès, le général Martin Dempsey, chef d'état-major interarmées, a estimé que la marginalisation de la communauté sunnite avait planté les germes de l'insurrection.

A la même audition, le secrétaire à la Défense Chuck Hagel a lui aussi souligné le gouvernement Maliki n'avait pas tenu ses promesses de forger une véritable coopération avec les Sunnites et les Kurdes.

- 'Pas focalisé sur Maliki' -

Le vice-Président Joe Biden a insisté personnellement auprès de M. Maliki, lors d'une conversation téléphonique, sur la nécessité de "gouverner en incluant toutes les communautés".

Le président Barack Obama n'a pas encore annoncé ses intentions, un responsable américain précisant qu'il n'avait "pas pris de décision" mais qu'il a d'ores et déjà exclu toute intervention au sol.

Quoiqu'il décide, a souligné son chef de la diplomatie John Kerry, "rien de ce que le président décidera de faire sera focalisé sur le Premier ministre Maliki. C'est focalisé sur le peuple irakien". M. Dempsey a participé à cette distanciation face à M. Maliki.

L'ex-patron des forces américaines en Irak, David Petraeus, a d'ailleurs estimé que les Etats-Unis ne devraient pas devenir "une force aérienne pour le compte des milices chiites ou pour un chiite dans son combat contre des Arabes sunnites", dans une allusion implicite à M. Maliki.

Le gouvernement Maliki, au pouvoir depuis 2006, est miné par les divisions confessionnelles et confronté à des violences meurtrières depuis plus d'un an, alimentées par le mécontentement de la minorité sunnite et la guerre en Syrie voisine où l'EIIL est aussi actif.

Appuyé notamment par des partisans du président sunnite Saddam Hussein renversé par l’invasion américaine en 2003, l'EIIL a pris la deuxième ville d'Irak, Mossoul, une grande partie de sa province Ninive (nord), de Tikrit et d'autres secteurs des provinces de Salaheddine (nord), Diyala (est) et Kirkouk (nord).

- Rapts et évacuations -

Des centaines de milliers de personnes ont été déplacées avec l'avancée de l'EIIL qui ambitionne de créer un Etat islamique, alors que des centaines de personnes ont été tuées selon des bilans non officiels et impossibles à confirmer dans l'immédiat.

En outre, une quarantaine de travailleurs indiens ont été enlevés dans la région de Mossoul, où 80 Turcs sont retenus par les jihadistes depuis la semaine dernière.

Plusieurs pays ont annoncé, dans ce contexte chaotique, l'évacuation de certains de leurs diplomates d'Irak alors que des compagnies ont transféré leurs employés étrangers vers Bagdad, où un plan sécuritaire a été mis en place pour la protéger d'un assaut jihadiste.

La Chine, plus gros investisseur du secteur pétrolier irakien, a ainsi annoncé l'évacuation vers des régions plus sûres certains salariés de ses sociétés.

L'avancée de l'EIIL fait craindre pour les investissements à long terme dans l'industrie pétrolière du pays, deuxième plus gros exportateur au cartel de l'Opep, selon le président du Conseil mondial du pétrole, Renato Bertani.

Les Etats-Unis ont assuré que l'attaque contre la raffinerie de Baïji n'avait pas d'impact sur les exportations de brut, mais que Bagdad serait contraint d'importer temporairement des produits raffinés.

La crise irakienne a par ailleurs mis en lumière les divergences entre les deux poids-lourds de la région.

La monarchie sunnite saoudienne a accusé M. Maliki d'avoir conduit l'Irak au bord du gouffre par sa politique d'exclusion des sunnites, mettant en garde contre une guerre civile. En revanche, l'Iran chiite veut aider M. Maliki face aux insurgés.


           

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