L'Egypte inaugure en grande pompe l'élargissement du canal de Suez


Jeudi 6 Août 2015 - 15:27
AFP - Haitham EL-TABEI


Ismailia (Egypte) - A la tête d'une fastueuse parade navale et en présence de chefs d'Etat dont le français François Hollande, le président Abdel Fattah al-Sissi, qui dirige l'Egypte d'une main de fer, inaugurait jeudi l'élargissement du canal de Suez pour tenter de relancer une économie à genoux.


La cérémonie, annoncée comme grandiose par le Caire, risque cependant d'être éclipsée par une nouvelle atrocité du groupe jihadiste Etat islamique (EI), dont la branche égyptienne menace d'exécuter un jeune otage Croate travaillant pour une compagnie française. Au moment même où M. Sissi, l'ex-chef de l'armée qui a destitué il y a deux ans le président islamiste Mohamed Morsi et réprime implacablement toute opposition, veut rassurer touristes et investisseurs étrangers en proclamant qu'il a restauré la sécurité.

Ouvert en 1869, le canal de Suez relie la mer Rouge et la mer Méditerranée. C'est l'une des routes essentielles du commerce mondial et une source précieuse de devises pour l'Egypte, qui cherche à relancer une économie en crise depuis la révolte de 2011 qui a chassé Hosni Moubarak du pouvoir.

L'expansion du canal représente l'un des travaux phares de M. Sissi qui, à peine élu en 2014, avait lancé en grande pompe ce projet comprenant l'ouverture d'une nouvelle voie doublant, sur 35 km, le célèbre canal long de 193 km, et l'élargissement et l'approfondissement d'un tronçon sur 37 autres kilomètres.

- Défilé de Rafale et F16

Le président égyptien avait donné un an pour réaliser ce projet. Pari tenu, grâce à une souscription de quelque 9 milliards de dollars qui a attiré de nombreux Egyptiens.

M. Sissi, dans son uniforme de maréchal à la retraite, a embarqué en début d'après-midi à Ismaïlia, au beau milieu du canal, pour conduire la parade à bord d'un élégant yacht qui avait transporté l'impératrice française Eugénie, l'épouse de Napoléon III, lors de l'inauguration du canal en 1869.

"Invité d'honneur" de la cérémonie, M. Hollande devrait admirer en vol les trois premiers avions de combat français Rafale vendus à l'étranger, que l'Egypte vient d'acheter.

Ces appareils --l'Egypte en a commandé 24 au total-- vont ouvrir un défilé aérien, flanqués par huit F16 récemment livrés par le grand allié américain. La frégate multimissions FREMM également récemment achetée à la France, devrait être l'un des clous du spectacle.

L'émir du Koweït, et le roi de Bahreïn figurent parmi les personnalités attendues, comme les présidents palestinien, soudanais et yéménite, ou les Premiers ministres russe Dmitri Medvedev et grec Alexis Tsipras.

- Un Croate menacé d'exécution

La nouvelle voie doit permettre de doubler le trafic à l'horizon 2023, assure le Caire, promettant quelque 97 navires par jour sur le canal contre 49 actuellement. La nouvelle artère permettra la circulation dans les deux sens, réduisant de 18 à 11 heures l'attente des bateaux, et doit faire passer les revenus du canal de 5,3 milliards de dollars (environ 4,7 milliards d'euros) attendus en 2015 à 13,2 milliards de dollars (11,7 milliards d'euros) en 2023, selon les autorités.

Mais pour des experts du commerce international, il s'agit d'un très coûteux "voeu pieux", voire d'un gaspillage, au moment où la croissance du commerce mondial marque sensiblement le pas.

"La priorité pour les armateurs c'est de réduire les coûts du transport, pas d'accroître sa vitesse", commente Ralph Leszczynski, directeur des recherches de la compagnie de courtage maritime italienne Branchero Costa. "La tendance récente est de réduire la vitesse des navires pour réduire la consommation de carburants", explique-t-il, concluant: "Au bout du compte, tout le monde est content de faire la queue" pour passer le canal de Suez, "pourvu que l'on paye moins cher".

Pour M. Sissi, toujours avide d'une reconnaissance occidentale depuis qu'il a destitué M. Morsi --premier président démocratiquement élu en Egypte--, ce "nouveau canal" vise aussi à assoir sa légitimité sur la scène internationale. Il présente la nouvelle artère comme "le cadeau de l'Egypte au Monde".

La popularité de M. Sissi est très grande au sein d'une population égyptienne lassée par quatre années de chaos. Mais les organisations internationales de défense des droits de l'Homme jugent son régime -qui réprime dans le sang l'opposition islamiste et muselle toute dissidence libérale et laïque-, plus répressif que celui de Moubarak.

En représailles, l'Egypte est le théâtre de nombreux attentats perpétrés par des groupes jihadistes, dont la branche locale de l'EI, "Province du Sinaï".

Ces jihadistes ont menacé mercredi d'exécuter sous 48 heures un Croate de 30 ans, Tomislav Salopek, enlevé près du Caire en juillet, si le gouvernement ne libère pas "les femmes musulmanes" emprisonnées.

L'exécution de ce père de deux enfants travaillant pour la compagnie française d'exploration pétrolière CGG changerait la donne pour M. Sissi en effrayant les touristes, déjà moins nombreux, et les nombreuses entreprises étrangères présentes en Egypte.


           

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