L'ex-rebelle kosovar Haradinaj remis en liberté en France


Jeudi 12 Janvier 2017 - 14:52
AFP


La justice française a ordonné jeudi la remise en liberté de l'ancien chef rebelle kosovar Ramush Haradinaj, arrêté la semaine dernière à l'aéroport de Bâle-Mulhouse à la demande de la Serbie, tout en le plaçant sous contrôle judiciaire pour qu'il reste en France en attendant la suite de la procédure.


Les Serbes veulent juger cet ex-haut responsable de l'Armée de libération du Kosovo (UCK), brièvement Premier ministre en 2004-2005, car ils le soupçonnent de crimes de guerre sur des civils durant la rébellion contre les forces de Belgrade (1998-1999).

Après une semaine de détention en France, M. Haradinaj est ressorti libre jeudi du tribunal de Colmar où il venait de plaider pour sa remise en liberté, tout en dénonçant une procédure "politique" de la part de Belgrade.

La justice lui a ordonné de déposer son passeport auprès de la police française et de répondre à une future convocation, lorsque la demande d'extradition formulée par la Serbie sera examinée sur le fond - ce qui devrait prendre plusieurs semaines. Pour l'heure, cette demande n'est pas encore officiellement parvenue aux magistrats de la cour d'appel de Colmar.

Cette remise en liberté, après une semaine en détention, est "une première étape" pour l'ancien chef rebelle, âgé de 48 ans, a commenté son avocate, Me Rachel Lindon. "La suite sera évidemment l'annulation de la notice Interpol qui n'a pas lieu d'être, et de la demande d'extradition qui doit être refusée", a-t-elle ajouté.

"Ces accusations qui viennent de la Serbie sont purement politiques", a déclaré d'une voix calme l'ancien Premier ministre kosovar, devant les magistrats.

"Ce que vous faites ici est un abus de droit", a encore dit en français M. Haradinaj - vêtu d'un costume sombre et d'une cravate bordeaux.

- Tortures et traitements inhumains -

A l'audience, la présidente de la chambre d'instruction a précisé que, selon les informations communiquées à Interpol, la Serbie reproche à M. Haradinaj d'avoir en 1999, au Kosovo, ordonné la "détention illicite de civils", lesquels ont "subi des tortures, traitements inhumains et viols". "Certains ont été tués, parfois des mains même de M. Haradinaj", selon les accusations de Belgrade.

"Cette notice Interpol est illégale", a soutenu pour la défense Me Lindon, soulignant que son client avait été acquitté pour ces faits en 2012 par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY).

"La Serbie viole les résolutions de l'ONU, elle a violé les statuts du tribunal pénal international en osant demander cette extradition. Elle n'est pas compétente pour juger mon client", a martelé l'avocate.

Elle a assuré la cour que M. Haradinaj disposait de garanties de représentation, puisque le consulat du Kosovo s'était porté garant de son maintien sur le territoire français d'ici à la fin de la procédure.

"Vous croyez sincèrement qu'il va fuir face à une demande illégale? Non! Il veut évidemment se confronter à cette demande manifestement illicite. Il veut entendre de vous l'avis négatif que vous rendrez à cette demande d'extradition", a dit l'avocate aux juges.

Cette affaire menace le fragile dialogue amorcé par la Serbie et le Kosovo, suscitant une tension inédite depuis 2013.

Député et opposant au président Hashim Thaçi, Ramush Haradinaj bénéficie d'une grande popularité auprès de nombreux Kosovars qui le considèrent comme un héros de la guerre d'indépendance de 1998-1999 contre les forces de Belgrade.

L'arrestation de cet ancien haut responsable de l'UCK, acquitté en 2008 et 2012 par la justice internationale, suscite un vif émoi au Kosovo, mais aussi en Albanie.

Ultime conflit ayant déchiré l'ex-Yougoslavie, la guerre au Kosovo a fait 13.000 morts. Elle a conduit à la sécession de cette région majoritairement peuplée d'Albanais mais que la Serbie considère comme son berceau historique.

Le Kosovo a déclaré en 2008 son indépendance, désormais reconnue par plus de 110 pays, dont la France.


           

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