Les derniers calligraphes du Liban


Mercredi 27 Juillet 2011 - 10:39
AFP


Beyrouth - Des mots qui s'entrelacent, des lettres qui s'étirent et s'enroulent: au Liban, il ne reste plus qu'une poignée de calligraphes qui tentent de sauvegarder cet art minutieux aujourd'hui négligé.


Les derniers calligraphes du Liban
"L''''ordinateur, c''''est formidable, mais il n''''est pas un artiste, il ne peut pas faire des chefs-d''''oeuvre", affirme à l''''AFP Mahmoud Baayoun, l''''un des calligraphes les plus connus du pays.

Sur les tableaux qui décorent son bureau du centre-ville de Beyrouth, s''''enchevêtrent majestueusement des lettres arabes cursives ou anguleuses, pour former un verset coranique, un dicton arabe ou tout simplement un prénom.

Mais, la calligraphie, art par excellence au temps des califes, aujourd''''hui peu encouragé au Liban, peine à l''''heure des styles formalisés sur le programme Word ou des emoticons.

"Aujourd''''hui, la calligraphie est plus esthétique qu''''utilitaire et nous voulons tant préserver ce patrimoine", indique M. Baayoun, 75 ans, professionnel depuis l''''adolescence.

Tel un scribe antique, cet artiste consacre une partie de son temps à calligraphier les menus de la présidence de la République lors des réceptions officielles ou encore les correspondances personnelles du Premier ministre lorsqu''''il veut offrir condoléances ou félicitations.

"La plus longue lettre que j''''ai calligraphiée est celle que Rafic Hariri a adressée une fois à Hafez al-Assad à l''''occasion d''''une fête nationale", s''''enorgueillit l''''artiste, en référence à l''''ex-Premier ministre libanais assassiné et à l''''ancien président syrien.

"Il s''''agissait de quatre pages au style très élégant", se rappelle le septuagénaire à la barbiche blanche.

Il s''''apprête à calligraphier, pour la troisième fois et à titre personnel, le Coran, le livre sacré de l''''islam. Un travail minutieux qui requiert trois ans et quelques mois de dévotion.

"C''''est très différent des oeuvres commerciales. Quand je copie le Coran, je m''''investis spirituellement et physiquement", souligne M. Baayoun, qui expose aussi bien aux Etats-Unis qu''''en Iran.

L''''ordinateur tue la calligraphie

Née avant l''''islam, la calligraphie a connu son essor avec cette religion révélée en langue arabe au prophète Mahomet, selon la tradition. Avec la compilation et la copie du Coran, l''''écriture s''''est développée au fur et à mesure, faisant apparaître différents styles, toujours au service de la beauté du texte sacré.

Ces styles --six canoniques (roukaï, naskhi, farsi, diwani, koufi, thuluth)-- se sont ensuite formalisés, l''''art d''''écrire est devenu un savoir-faire, et le calligraphe, un métier très sollicité.

Le "diwani", le style plus élégant réservé autrefois aux califes, est le seul inimitable par l''''ordinateur, assurent les experts.

Si le Liban ne possède pas les impressionnantes calligraphies des mosquées du Maghreb ou d''''Andalousie, il comptait néanmoins d''''illustres maîtres comme Kamel el-Baba (1905-1991) et Nassib Makarem (1889-1971) connus à travers le monde arabe.

"Aujourd''''hui, il y a moins de dix authentiques calligraphes au Liban", selon M. Baayoun.

Dans son modeste appartement du quartier populaire de Basta à Beyrouth, Salah el-Hafi, 80 ans, se souvient encore du jour où Kamel el-Baba, a remarqué son talent. "Avant, le calligraphe gagnait bien sa vie. Avec l''''ordinateur, il ne lui reste plus rien", dit-il, perdu dans ses pensées.

Plus rien ou presque. Lui dont l''''écriture a été gravée sur de nombreuses plaques commémoratives depuis l''''indépendance du Liban en 1943, continue d''''orner les rubans des bouquets de fleurs ou les pierres tombales.

"Je travaille beaucoup lors des élections", ajoute-t-il avec un sourire, en référence aux nombreuses banderoles qui envahissent la capitale d''''un Liban très politisé.

Salah el-Hafi n''''a qu''''un rêve en tête, enseigner aux nouvelles générations cet art millénaire. "Je veux fonder un centre, mais je n''''en ai pas les moyens", soupire cet octogénaire.

Contrairement au Liban, où les écoles d''''apprentissage n''''existent pas, la Syrie en compte 18, l''''Egypte 36, l''''Irak 100 et l''''Iran 200.

Pour le moment, M. Hafi se contente d''''être un calligraphe "free-lance" et donne parfois des cours dans un institut de dessin à Beyrouth. "Il ne faut pas que cet art disparaisse", plaide-t-il.


           

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