"Madame Céline", gardienne du temple, aura cent ans en juillet


Mardi 15 Mai 2012 - 11:46
AFP


Paris - Voyage au bout d'une sacrée vie : Lucette Destouches, qui fêtera ses cent ans en juillet, a partagé pendant un quart de siècle l'existence tourmentée de Louis-Ferdinand Céline et veille toujours sur sa mémoire et la postérité de son oeuvre, depuis leur maison de Meudon.


"Madame Céline", gardienne du temple, aura cent ans en juillet
Pour célébrer l'anniversaire de cette femme à la fidélité hors du commun, une dizaine de familiers du 25 ter Route des Gardes, où l'écrivain vécut de 1951 à sa mort en 1961, lui ont offert un bouquet de textes inédits, rassemblés dans "Madame Céline" (éditions Pierre-Guillaume de Roux).

On y entend les voix de grands spécialistes de l'oeuvre de son mari, tels l'académicien Frédéric Vitoux, Marc Laudelout ou encore l'avocat et biographe de Céline, François Gibault, conseil de Lucette depuis 1968, mais aussi le comédien et réalisateur Christophe Malavoy, des danseurs comme Gang Peng ou Maroushka.

Chacun donne un témoignage vivant sur la mystérieuse et discrète Lucette, unique ayant-droit de l'écrivain et dernière gardienne du temple, qu'ils ont côtoyée depuis des années ou plus récemment.

Ainsi, Christophe Malavoy l'a rencontrée pour son projet d'adaptation au cinéma de la "trilogie allemande" de Céline.

"Je suis toujours à la recherche d'un producteur. Le scénario est achevé depuis deux ans. Le film se partage en images réelles et images d'animation", explique-t-il à l'AFP.

A Meudon, "j'ai été très impressionné par la découverte de ce lieu si incarné, je peux même dire hanté par les forces du destin... Lorsque j'ai vu Lucette Destouches, j'avais l'impression d'entrer dans l'Histoire", raconte-t-il.

C'est Céline qui importe, "moi je ne suis rien", dit celle qui a tout traversé avec lui : les coups durs, la fuite en Allemagne, la vie clandestine à Copenhague, l'arrestation, la prison, l'exil. La gloire et l'opprobe. Elle n'a plus voulu voir de caméra depuis la parution posthume de "Rigodon" en 1969.
   

"Lili"

"Mme Destouches n'était pas au courant de ce livre. Le secret a été bien gardé. Me Gibault lui a apporté un exemplaire dimanche à Meudon. Elle était très surprise et contente. Elle est en train de le lire", confie à l'AFP David Alliot, auteur de "D'un Céline, l'autre" (Robert Laffont 2011), qui a coordonné l'ouvrage et livre aussi son témoignage.

"Beaucoup de gens la connaissent, ou l'ont connue. J'ai fait un choix en fonction du type de relations", explique-t-il. "On a commencé à travailler sur le projet en novembre. Les derniers témoignages sont arrivés fin février".

Née Almanzor, Lucette rencontre Céline en 1936. Elle a 23 ans, lui 41.

Elle est danseuse, jeune et fantasque. Il est écrivain. L'un des plus grands et sulfureux du XXe siècle, dont la puissance de l'oeuvre reste entachée par son antisémitisme.

"Lucette Almanzor professeur de danse classique et de caractère" indiquait un écriteau route des Gardes, non loin de la plaque "Dr Destouches".

Céline l'appelait Lili dans ses livres. Il la disait "excessive en tout", compliment qu'il aurait pu se retourner, souligne François Gibault.

Lucette a toujours défendu son mari. Son rempart: empêcher une nouvelle publication des pamphlets antisémites.

Des cheveux blancs encadrent aujourd'hui son visage aux traits épargnés par le temps, comme sa silhouette forgée par la danse arrêtée... à 85 ans. Elle est maintenant forcée à l'immobilité.

Certes, Lucette a vécu dans l'ombre de Céline mais sa personnalité lumineuse s'est imposée à tous ceux qui l'ont approchée : "Ophélie dans la vie, Jeanne d'Arc dans l'épreuve", selon les mots de l'écrivain.


           

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