Maroc- PJD : Le grand perdant de la formation du nouveau gouvernement


Vendredi 14 Avril 2017 - 17:13
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Rabat- Le parti de la Justice et du Développement est dans une mauvaise passe, la plus mauvaise de son histoire. Un secret de polichinelle si l’on considère que les dissensions ne datent pas d’aujourd’hui et que les choses se sont envenimées dès l’éviction de son Secrétaire général, Abdelilah Benkirane, de la primature. Qu’adviendra-t-il de ce parti qui jusque-là incarnait l’espoir des Marocains dans une transition démocratique mise à mal ?


« Il faut savoir gérer le temps », c’est par cette sentence qu’a clôturé le Secrétaire général du PJD, Abdelilah Benkirane, son discours d’adoucissement des mœurs prononcé devant une jeunesse indignée de son parti le samedi 8 avril. Cette citation abrège pour ainsi dire la stratégie du PJD sorti quasi-bredouille de la bataille des négociations pour la formation du gouvernement. Laisser le temps au temps, c’est l’expression du moment chez les islamistes marocains qui constituant, arithmétiquement, 52% de la majorité gouvernementale n’ont obtenu que 25% des portefeuilles.

Catastrophique voire humiliant disent ses partisans. Ceux-ci ne digèrent pas le fait que le Rassemblement national des indépendants (RNI), avec ces 37 sièges parlementaires, ait pu s’emparer de sept portefeuilles (contre seulement cinq au sein du gouvernement sortant avec 52 sièges lors des élections de 2011).

Une défaite démesurée, disent-ils, non seulement sur le plan arithmétique, mais aussi en termes de la qualité des départements. Le parti présidé par la troisième fortune du pays, Aziz Akhannouch, s’est adjugé des départements stratégiques tels que ceux de l’Economie et des Finances, de l’Industrie et l’Investissement et de l’Agriculture, outre la Justice arrachée d’entre les mains de dirigeant du PJD Mustapha Ramid.

Devant cette dilution au sein d’un gouvernement hétéroclite au profit des libéraux et du « septième parti de ce gouvernement », celui des technocrates qui a fragilisé le parti, a contrario, de ce que devaient refléter les résultats du scrutin, Benkirane joue ses derniers jours au pompier afin de recoller les morceaux.

Le PJD à la croisée des chemins

De leur coin de table, les « pjdsites », en particulier leur jeunesse, considèrent que le deuxième homme du parti, Saâd Eddine El Othmani, a accepté une « prosternation » longtemps refusée (plus de cinq mois) par Benkirane, quémandant ainsi une reddition des comptes et des explications du Chef du gouvernement.

Avec la vive polémique déclenchée par la déclaration de la composition gouvernementale, le PJD s’est trouvé à la croisée des chemins. Invitée à livrer sa lecture de ce qui se trame au sein de son parti, la députée Amina Maelainine a expliqué à Anadolu que le PJD est « dépourvu aujourd’hui d’une vision claire et commune ».

« Nous sommes dans le brouillard, nous sommes en train de sentir l’étape. Personne ne saurait vous dire qu’allons nous faire dans l’avenir », a-t-elle dit. Selon cette dirigeante connue pour son franc-parler, « le parti passe par une période critique, la plus critique peut être de son histoire. Je ne crois pas que le parti a vécu de telles difficultés quoi qu’il ait toujours été ciblé ».

Or, malgré ce fait, explique-t-elle, « il a toujours été clair, transparent et convaincant à l’égard de l’opinion publique qui s’est montrée compréhensive des contraintes confrontées par le parti ».

D’un autre point de vue, la jeune parlementaire considère que sa formation « faisait face aux défis qui se présentaient avec une unité des rangs assez particulière et une vision unifiée ». 

« Deux éléments fortement impactés, aujourd’hui, avec la formation du nouveau gouvernement », regrette la parlementaire dont les statuts sur Facebook ont provoqué l’ire de l’actuel ministre de la Gouvernance, Lahcen Daoudi, (proche d’El Othmani) qui a essayé de la faire taire avant que Benkirane ne prenne publiquement sa défense.

« Il y a un déficit de communication et l’opinion publique pose des questions qui demeurent toujours sans réponses », croit-elle savoir. Pour ce qui est de l’étape suivante, la députée comme la majorité des militants gagnés par la colère exige la tenue des instances du parti.

« Nous ne nous sommes pas encore entendus sur un listing des traits de cette étape cruciale dans notre parcours. Nous demandons la tenue des instances de notre parti afin de pouvoir déterminer comment va-t-on travailler avec l’actuel gouvernement et quelles seraient les priorités du parti », soutient-t-elle en soulignant que « l’entrée dans ce gouvernement ne va pas être facile tant sur le plan intérieur qu’avec les citoyens ».

L’heure de la reddition des comptes

«C’est vrai que le parti était devant des contraintes, mais est-ce qu’il les a gérées comme il se doit ? Ça reste au centre de moult questions », admet-on dit-elle. L’heure est, donc, celle de la reddition des comptes scandent les bases de la première formation politique du pays. « Il faut qu’il ait un débat intérieur transparent pour déterminer les responsabilités, on doit au moins découvrir ce qui s’est passé pour qu’on arrive à ce que j’appelle la série des concessions qui reste inexplicable chez les gens qui ont nuit à l’image du parti », insiste notre source.

De son côté, le vice-secrétaire général du PJD, Slimane El Omrani, qui fait partie des sages du parti a tout en affirmant qu’ « il n’y a pas encore eu évaluation du déroulement des négociations », mis en avant les arguments avancés par Benkirane lors de sa rencontre avec la jeunesse du PJD.

Tout en rappelant que Benkirane avait l’habitude de présider les réunions de la commission centrale de la jeunesse islamique, l’homme réservé a estimé que « cette fois sa présence s’imposait avec acuité étant donné qu’il y a eu des remarques relevées au sein de la formation, un débat dont une partie a infiltré à travers Facebook et dont une partie n’a pas dépassé les frontières des instances du parti ».

Appelant les choses par leurs noms, El Omrani a indiqué qu’ « il y avait disons une frustration régnante au sein du parti, et il fallait qu’il y ait un apaisement. Parce que les jeunes exigeaient l’intervention de leur secrétaire général ».

Choisissant des termes plus conciliants que le Secrétaire général qui a parlé « d’un match perdu et que des matchs restent encore à jouer », l’adjoint de Benkirane a déclaré à Anadolu que «le rendez-vous de la formation du gouvernement a été un trébuchement pour le PJD » et qu’il « il n’est pas si bon cheval qui ne bronche ». Pour lui, « il est prématuré d’évaluer la trajectoire des consultations d’autant plus que ce n’est pas la fin du monde ».

Contrairement aux analystes qui ont considéré que l’appel formulé par Benkirane à sa jeunesse de « mettre les négociations entre parenthèses », place le gouvernement hors contexte, El Omrani a estimé qu’il s’agit d’un appel à « se tourner vers l’avenir » et qu’il « viendra le temps de parler tranquillement de ce qui s’est passé ».

Pendant ce temps, le patron du PJD a réussi tant bien que mal à convaincre ses parlementaires, lors d’une réunion tenue ce jeudi 13 avril, de soutenir le gouvernement lors du vote de confiance qui aura lieu dans l’hémicycle le lendemain. « Un soutien conditionné » par la poursuite des réformes, a-t-il dit, en appelant les militants du parti à « sauvegarder l’unité des rangs ». 


           

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