Match Serbie-Albanie arrêté, le sport catalyseur des tensions dans les Balkans


Mercredi 15 Octobre 2014 - 16:18
AFP


Belgrade - La carte de la "Grande Albanie" sur un drapeau accroché à un drone survole le stade où les équipes de Serbie et d'Albanie se rencontrent pour le match de qualification de l'Euro-2016 à Belgrade


Match Serbie-Albanie arrêté, le sport catalyseur des tensions dans les Balkans
L'arrêt définitif du match de qualification pour l'Euro-2016 (GrI) entre la Serbie et l'Albanie mardi soir à Belgrade illustre l'hostilité persistante entre ces deux communautés avec une fois de plus le sport comme catalyseur des tensions dans les Balkans.

Les incidents à l'origine de l'interruption du match ont éclaté lorsqu'a survolé le stade, un drone auquel était accroché un drapeau d'une carte de la "Grande Albanie", projet nationaliste visant à regrouper dans un même État les communautés albanaises des Balkans.

La rencontre qui a dégénéré en scandale politico-sportif, risque non seulement de compromettre la première visite en Serbie d'un Premier ministre albanais en 68 ans, celle d'Edie Rama prévue le 22 octobre à Belgrade, mais aussi de raviver les tensions ethniques.

Le drapeau en forme d'étendard revendiquant une "Albanie ethnique" - représentant l'aigle noir à deux têtes albanais sur fond de carte rouge, associé aux portraits de héros historiques albanais - a provoqué une explosion de colère des supporteurs serbes dont certains ont lancé des fumigènes sur la pelouse et d'autres objets.

- Haine 'hallucinante' -

"L'intensité de la haine et je parle aussi bien des jeunes Albanais que des jeunes Serbes est hallucinante. Il s'agit, bien sûr, d'un grave scandale politique et international", a déclaré à l'AFP l'analyste politique Dusan Janjic.

La seule réponse à cette haine est "de ne pas arrêter le processus de rapprochement entre Belgrade et Tirana et de faire en sorte que M. Rama vienne à Belgrade", a-t-il dit.

Selon la télévision d’État serbe, les autorités à Belgrade soupçonnent Olsi Rama, le frère du Premier ministre Edi Rama d'avoir organisé l'incident et piloté le drone, ce que celui-ci a démenti de retour à Tirana.

La police serbe s'est borné à dire qu'une enquête était en cours.

Ivica Dacic, le ministre serbe des Affaires étrangères, a dénoncé "une provocation politique" préméditée inquiétante d'autant plus qu'elle apparait être "l’œuvre du frère du Premier ministre albanais".

La Fédération serbe de football (FSS) a, de son côté, condamné "une provocation planifiée" et qui "représente une offense non seulement pour les citoyens de la Serbie mais aussi ceux de la Grèce, de la Macédoine et du Monténégro", pays dont des territoires seraient visées par une "Grande Albanie".

La FSS affirme que la délégation albanaise a rejeté toutes les propositions faites pour reprendre la rencontre et demande que la rencontre soit enregistrée par le résultat de 3 à 0 en faveur de la Serbie.

- Les supporteurs au cœur des rixes interethniques -

Joseph Blatter, président de la Fifa, et Michel Platini, président de l'UEFA, ont condamné les incidents.

Michel Platini, président de l'UEFA, s'est lui exprimé par le biais du compte Twitter de Pedro Pinto, son chef de presse: "Le football est censé rassembler les gens et notre jeu ne doit pas être mêlé à toute forme de politique. Les scènes à Belgrade (mardi soir) étaient inexcusables".

Dans la région, ce qui inquiète tout particulièrement c'est que les supporteurs se sont de nouveaux projetés aux avant-postes des incidents et des tensions interethniques. Certains d'entre eux se sont frayé un chemin sur le terrain pour tenter d'agresser des joueurs albanais.

De leur côté, les supporteurs albanais dans toutes les régions et pays des Balkans où ils vivent ont célébré la "victoire" de l'Albanie en scandant "Grande Albanie".

"Le fait qu'un tel incident a pu avoir lieu au nez et à la barbe de près de 4.000 membres des forces de l'ordre est très perturbant", a relevé M. Janjic faisant allusion au fait que le drone a décollé du toit d'une église à proximité du stade où le match se déroulait.

"Les forces de l'ordre et particulièrement les services de renseignements ont failli à leur mission et cela au moment où le président de la République (serbe Tomislav Nikolic, ndlr) se trouvait dans le stade", a-t-il dit.

Dans le passé, le démantèlement de l'ex-Yougoslavie a commencé par des heurts monumentaux entre supporteurs lors d'un match de football à Zagreb entre le Dinamo (Croatie) et l'Étoile rouge de Belgrade, dont les sympathisants étaient dirigés par le défunt Zeljko Raznatovic Arkan, devenu par la suite le chef d'un des groupes para-militaires les plus féroces.

Serbes et Albanais entretiennent dans la région des relations toujours hostiles en raison de différends historiques et récents.

Le Kosovo, ex-province serbe peuplée en majorité d'Albanais, a proclamé unilatéralement son indépendance en février 2008, une décision soutenue par les États-Unis et de la plupart des pays membres de l'Union européenne.


           

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