Mohammad Assaf redonne une voix aux Palestiniens


Mardi 28 Mai 2013 - 11:08
AFP


Gaza (Territoires palestiniens) - Eclipsés par les révolutions arabes, les Palestiniens retrouvent une source de fierté en suivant les succès d'un chanteur de Gaza, étoile montante du concours régional "Arab Idol".


Mohammad Assaf redonne une voix aux Palestiniens
Chaque vendredi et samedi, jours de diffusion par la chaîne panarabe MBC à Beyrouth de l'émission, déclinaison d'un programme occidental, les prestations de Mohammad Assaf, 23 ans, retransmises sur écran géant, font vibrer l'assistance, en Cisjordanie comme dans la bande de Gaza.

"Il mérite de gagner", commente d'un air appréciateur May Ifranji, 19 ans, savourant un narguilé dans un restaurant de Gaza avec sa mère, Sana. "Sa voix est superbe et sa présence encore davantage, personne ne peut rivaliser avec lui".

La concurrence est pourtant rude, face à de jeunes chanteurs prometteurs venus de tout le monde arabe, y compris de Syrie en proie à la guerre civile. Mais après 16 sessions, Mohammad Assaf, résident de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, figure parmi les sept candidats encore en lice.

A chaque prestation, le jeune homme, né à Misrata (Libye), où il a vécu jusqu'à l'âge de 5 ans, emprunte au répertoire patriotique palestinien, devant un public arborant des keffiehs et un jury manifestement conquis.

Les Palestiniens se mobilisent sur les réseaux sociaux pour faire voter en faveur de leur candidat et une entreprise privée parraine une campagne d'affichage en ce sens dans les rues de Gaza.

"Assaf se bat pour les couleurs de la Palestine et de Gaza. Je le soutiens et je suis fière qu'il soit d'ici", explique Maya.

"Assaf a surmonté le blocus et les restrictions sociales. Gaza n'est pas que le terrorisme, la mort et la violence, il y a aussi des artistes qui ont besoin de découvrir leurs capacités et d'un peu de liberté pour cela", souligne sa mère.

Israël impose un blocus terrestre, maritime et aérien à Gaza depuis la capture en juin 2006 d'un de ses soldats -- libéré en octobre 2011 en échange d'un millier de prisonniers palestiniens. Ce blocus a été renforcé en juin 2007 à la suite de la prise de contrôle par le mouvement islamiste Hamas de la bande de Gaza, désormais considérée comme un "territoire hostile", puis allégé sous pressions internationales à la suite de l'assaut meurtrier israélien le 31 mai 2010 contre une flottille humanitaire à destination de l'enclave palestinienne.

"A Gaza la politique domine tout"

Le père du chanteur, Jaber, ne cache pas sa fierté. "Son talent est extraordinaire et personne ne peut l'arrêter", estime-t-il.

"Il donne le sourire aux gens et les unit, malgré la division", s'enthousiasme-t-il, en référence à la division entre Gaza et la Cisjordanie. "C'est lui l'idole des Arabes".

"S'il choisit de continuer dans la chanson, ce ne pourra pas être à Gaza, parce que la scène artistique ici est limitée", soupire-t-il néanmoins, déplorant le conservatisme régnant dans le territoire palestinien.

Selon la mère de Mohammad Assaf, Oum Chadi, "les jeunes de Gaza aiment la vie et veulent échapper à la pression, comme tous les jeunes dans le monde. Ils ne manquent ni de talent ni d'ambition, mais ils ont besoin de briser le cercle vicieux".

"L'artiste, en particulier à Gaza, est brimé, et en l'occurrence ce n'est pas lié au régime du Hamas", précise cette enseignante dans une école pour réfugiés, "ici la politique domine tout".

Si le Hamas manifeste peu d'enthousiasme de voir l'enfant du pays s'illustrer dans un registre fort peu islamique, l'Autorité palestinienne, qui gouverne les zones autonomes de Cisjordanie, ne lui ménage pas son appui moral. Le président Mahmoud Abbas a téléphoné à Mohammad Assaf pour l'encourager, selon l'agence officielle Wafa, et son Premier ministre Salam Fayyad lui exprime son soutien sur sa page Facebook.

"Gaza m'a pris ma voix mais rendu mon âme", avait déclaré en décembre le chef en exil du Hamas, Khaled Mechaal, originaire de Cisjordanie, lors de sa première visite dans la bande de Gaza, qu'il avait qualifiée de "nouvelle naissance".

Avec Mohammad Assaf, les Palestiniens espèrent bien avoir retrouvé leur voix.


           

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