Pakistan: 28 morts dans l'attaque des taliban contre l'aéroport de Karachi


Lundi 9 Juin 2014 - 17:55
AFP


Vingt-huit personnes ont été tuées lundi lors d'un assaut de plus de 12 heures mené par un commando taliban à l'aéroport de Karachi, le plus important du Pakistan, symbole de l'échec des tentatives de paix du gouvernement avec les rebelles.


Parmi les morts figurent les dix insurgés auteurs de cet assaut mené dans la plus grande ville et capitale économique du pays, qui n'avait pas connu d'attaque rebelle si spectaculaire contre des institutions étatiques depuis plusieurs années.

L'attaque confirme comme c'était son but la fragilité de la situation sécuritaire dans le pays et les défaillances de l'Etat en la matière, y compris sur ses sites les plus stratégiques, donc en principe les plus sécurisés.

Elle a paralysé l'aéroport, qui reprenait lentement ses activités dans l'après-midi. Si des avions étaient attendus plus tard à l'arrivée, les départs étaient toujours retardés pour cause d'inspection des avions en vue d'éventuels dégâts, a expliqué à l'AFP une source à l'Aviation civile.

Revendiquée par le Mouvement des talibans du Pakistan (TTP), principal groupe rebelle du pays et proche d'Al-Qaïda, l'attaque avait débuté vers 23H00 locales (18H00 GMT) dimanche soir.

Certains des assaillants étaient vêtus d'uniformes militaires, pour nourrir la confusion, selon les autorités qui ont ensuite présenté à la presse leurs restes mutilés, fusils d'assaut, grenades et lance-roquettes. Selon des témoins, au moins trois des assaillants ont fait explosé les vestes bourrées d'explosifs qu'ils portaient sur eux.

Venue en renfort de la police avec les Rangers (paramilitaires), l'armée pakistanaise a crié victoire un peu trop tôt à l'aube en déclarant l'attaque terminée. Mais de nouveaux tirs se sont ensuite fait entendre, selon un journaliste de l'AFP sur place, conduisant les forces de sécurité à une nouvelle offensive.

L'assaut suicide -- les kamikazes n'avaient guère de chance de s'en sortir -- a finalement pris fin vers 11H00 (06H00 GMT) lundi, a annoncé le porte-parole des Rangers, Sibtain Rizvi.

Les corps des 18 victimes de l'assaut taliban, parmi lesquels 11 gardes de l'aéroport et quatre employés de la compagnie aérienne publique pakistanaise PIA, ont été emmenés à l'hôpital central de Karachi, où étaient également soignés 26 blessés, a indiqué à l'AFP un responsable de l'établissement.

Après la fin de l'attaque, une cinquantaine d'employés de l'Aviation civile et de PIA pris au piège pendant le siège ont été vus quittant l'aéroport. La compagnie aérienne pakistanaise a précisé qu'aucun de ses passagers n'avait été menacé par les assaillants, qui selon les autorités ne se sont pas approché à moins d'un kilomètre du terminal passager.

- Appels à l'offensive militaire -

Les talibans du TTP ont annoncé par la voix de leur porte-parole, Shahidullah Shahid, avoir mené cette attaque pour "venger la mort de Hakimullah Mehsud", leur tué en novembre dernier par un tir de drone américain dans leurs bastions rebelles du nord-ouest.

Le TTP a déclaré la "guerre sainte" au gouvernement d'Islamabad en 2007 pour dénoncer son alliance avec les Etats-Unis, et les innombrables attaques du mouvement et de ses alliés ont tué depuis plus de 6.000 personnes à travers le pays.

Son porte-parole Shahidullah Shahid en a profité pour dénoncer les tentatives de pourparlers de paix avec le TTP initiées par le gouvernement et actuellement dans l'impasse, jugeant qu'il s'agissait d'un leurre visant in fine à neutraliser les talibans.

La proposition de paix gouvernementale lancée fin janvier n'a pas empêché la poursuite des violences rebelles, avec une trentaine d'attaques qui ont fait depuis plus de 300 morts, selon un décompte de l'AFP.

Dans son communiqué de lundi, le TTP se dit toutefois toujours prêts à de futures négociations avec le gouvernement.

Pour l'analyste pakistanaise Hasan Askari, spécialiste des questions de sécurité, la situation révèle l'impasse de la tactique d'attente actuelle du Premier ministre Nawaz Sharif.

D'un côté "il n'est pas prêt, ni psychologiquement ni idéologiquement à attaquer les rebelles de front", et de l'autre "s'il insiste trop sur la paix, il se créera des problèmes avec l'armée", qui reste l'institution la plus puissante du pays, a-t-il estimé.

Pour un autre analyste spécialiste des questions de sécurité, le général à la retraite Talat Masood, les rebelles "ont la capacité de mener d'autres attaques similaires à l'avenir" et le gouvernement doit enfin, pour les éviter, "lancer avec fermeté une opération militaire d'ampleur dans leurs repaires".

Ces repaires sont notamment les zones tribales frontalières de l'Afghanistan, à commencer par le Waziristan du Nord. Les alliés occidentaux du Pakistan n'ont cessé ces dernières années de l'appeler à intervenir militairement pour y éradiquer les repaires islamistes.

Mais le gouvernement s'y est jusqu'ici refusé, par peur des attentats chez lui en représailles mais aussi car la zone est stratégique pour son influence dans l'Afghanistan voisin, lequel se trouve dans une année décisive à l'approche du retrait des forces de l'Otan en fin d'année, selon nombre d'observateurs.

Karachi, incontrôlable monstre urbain de 18 millions d'habitants, est également considéré comme l'un des principaux refuges clandestins du TTP dans le pays. En 2011, le TTP y avait attaqué une base navale, détruisant deux avions et tuant dix membres du personnel au cours d'un siège qui avait duré 17 heures.


           

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