Projet de loi sur le renseignement dévoilé en conseil des ministres


Jeudi 19 Mars 2015 - 19:04
AFP


Le projet de loi sur le renseignement encadrant l'activité des services en leur donnant des moyens considérables contre les filières jihadistes, qui a été présenté jeudi en Conseil des ministres, fait l'unanimité politique mais certains s'inquiètent d'atteintes aux libertés individuelles.


Manuel Valls
Manuel Valls
 Au cours d'une conférence de presse à l'Elysée, le Premier ministre Manuel Valls a détaillé les mesures de renforcement des moyens mis à la disposition des services de renseignement pour lutter notamment contre le terrorisme islamiste, en insistant sur le fait qu'ils seraient étroitement encadrés.

Cette loi, dont les mesures avaient été largement détaillées dans la presse ces derniers jours et qui devrait être adoptée avant l'été, "a pour premier objectif de donner aux services les moyens à la hauteur des défis auxquels notre pays est confronté", a dit le chef du gouvernement au lendemain de l'attentat de Tunis, et trois ans jour pour jour après l'attentat contre une école juive à Toulouse.

Mais elle "sera aussi protectrice des citoyens, car les limites de ce qu’il est possible de faire dans un Etat de droit seront gravées dans le marbre. Il n’y aura plus de zone grise", a assuré M. Valls, "il n'y aura aucune surveillance de masse".

Le projet vise à doter les six services de renseignement français de moyens supplémentaires face aux nouvelles technologies. Ils pourront infiltrer et surveiller les terroristes potentiels grâce à des autorisations administratives, sans passer par la justice.

Ils pourront effectuer en toute légalité des "interceptions de sécurité" portant sur les contenus des courriels et des conversations téléphoniques, uniquement s'ils sont en lien direct avec l'enquête. Le texte prévoit aussi le recours à de nouvelles technologies permettant aux agents de poser micros, balises, caméras espions partout où ils l'estiment nécessaire. Ils pourront également capter en direct de ce qui est tapé sur un clavier en temps réel.

Ces nouvelles possibilités de contrôle et d'espionnage seront étroitement encadrées, a assuré M. Valls, par "une nouvelle autorité administrative indépendante, la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement(CNCTR). Elle sera composée de 9 personnes contre 3 aujourd’hui. Quatre magistrats, issus aussi bien de l’ordre judiciaire qu’administratif, 4 parlementaires issus de la majorité comme de l’opposition, et un spécialiste en communications électroniques".

Malgré ce contrôle, ces nouvelles dispositions inquiètent: la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) redoute des "mesures de surveillance beaucoup plus larges et intrusives" que celles existantes, la Ligue des Droits de l'Homme dénonce une "logique de la pêche au chalut".

- "Pas de surveillance généralisée" -

Les procédures seront "précisément définies" et limitées à des enquêtes terroristes et à l'urgence des situations. Toute demande des services devra être "motivée", les décisions seront prises par le Premier ministre en personne et leur durée limitée.

En cas de contestation, un particulier s'estimant injustement pris dans les filets du renseignement pourra saisir le Conseil d'Etat.

Le gouvernement estime ne pas avoir agi sous la pression des attentats de janvier qui ont fait dix-sept morts en France et affirme que la nouvelle loi n'a pas été élaborée dans l'urgence mais est le fruit d'un travail de "plusieurs mois".

"Nous étions l'une des dernières démocraties occidentales à ne pas disposer d'un cadre légal cohérent et complet pour nos services qui sont demandeurs", a dit un membre du cabinet du Premier ministre.

Les attentats du début d'année en France ont accéléré le processus, reconnaissent des experts, des leçons ayant été notamment tirées du défaut de surveillance des trois auteurs présumés qui ont été tués.

"Je veux le dire solennellement", a déclaré Manuel Valls, "il ne s'agit en aucun cas de mettre en œuvre des moyens d'exception, ou de surveillance généralisée des citoyens".

Le projet de loi, qui sera déposé vendredi sur le bureau de l'Assemblée, sera ensuite débattu en séance à partir du 13 avril.

Il y a pour l'heure unanimité politique. Nicolas Sarkozy, président de l'UMP, a affirmé mardi sur TF1 que son parti voterait la loi si elle "n'est pas dénaturée dans le cadre du débat parlementaire".


           

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