Roberto Ceretti, l'artisan qui offre ses guitares de prix contre une chanson


Vendredi 30 Janvier 2015 - 12:09
AFP


Barge (Italie) - Offrez à Roberto Ceretti des fortunes pour l'une des guitares qu'il fabrique et il est probable qu'il refuse: cet artisan italien ne travaille pas pour les collectionneurs mais pour de grands musiciens dans le besoin.


Roberto Ceretti, l'artisan qui offre ses guitares de prix contre une chanson
Isolé dans les collines du nord-ouest de l'Italie, l'atelier de Roberto Ceretti est rempli de guitares en cours de fabrication et de piles de bois de cèdre, d'acajou et de pommier, avec un grand tableau couvert d'esquisses de guitares classiques.

"J'ai fabriqué ma première guitare à l'âge de 12 ans, avec du carton. Cela n'a pas marché, évidemment, mais la passion est restée", explique ce quinquagénaire père de trois enfants, qui s'est vraiment lancé il y a seulement une quinzaine d'années, en transformant en atelier sa maison de vacances décrépite dans les forêts du Piémont.

Il fabrique désormais cinq à six guitares par an, qu'il vend pour une chanson afin d'aider les musiciens frappés par la crise économique et les coupes franches dans les subventions à la culture.

Il travaille avec le bois d'arbres qu'il a lui-même abattus -- de préférence en hiver parce que le bois risque moins de casser -- puis transportés et taillés chez lui. Il récupère aussi parfois des séquoias ou des sapins dans les jardins de la région.

Il sélectionne avec soin le bois pour son grain et utilise d'autres matériaux naturels, comme des fémurs de vaches pour les sillets.

S'inspirant de maîtres comme Antonio Torres Jurado, un luthier espagnol du XIXe siècle célèbre pour avoir dessiné la première guitare classique moderne, il aime insister sur les courbes de ses instruments.

Une guitare artisanale moderne, aux riches tonalités, peut valoir jusqu'à 25.000 euros, mais Roberto Ceretti ne s'est pas engagé dans cette voie pour l'argent.

- 'Pas des prostituées' -

"Les guitares ne sont pas des prostituées qu'on peut mettre derrière une vitre. Ce sont des instruments qu'il faut garder toute la vie, dont il faut prendre soin avec amour", assure cet artisan qui reçoit aussi beaucoup de musiciens dont l'instrument a besoin d'une réparation.

"Mes clients ne sont que des musiciens. Je ne fais pas de guitares pour les collectionneurs ou pour les gens qui veulent juste accrocher quelque chose à la mode sur leur mur", insiste-t-il.

Avec sa barbe poivre et sel, sa chemise de bûcheron et ses grosses bottes, il se voit d'ailleurs plus comme un charpentier que comme un artiste.

Ce père de trois enfants a installé sa famille dans une maison adjacente à l'atelier et y mène une vie spartiate en utilisant l'eau d'une source voisine plutôt que celle du robinet, et le bois des environs pour cuisiner et se chauffer.

Son travail requiert une grande patience, pour récolter ses matériaux seulement au moment parfait, selon un calendrier dicté par les cycles lunaires, qui ont un impact sur la présence des vers dans le bois.

Et quand le bois est prêt, il faut compter encore un mois pour fabriquer la guitare. Une vocation exigeante qu'il considère comme "incroyablement gratifiante" mais dont ses enfants ne semblent pas vouloir hériter.

"Si vous êtes musicien aujourd'hui en Italie, vous ne gagnez pas votre vie. Alors je ne fais pas payer mes guitares, je les échange", essentiellement contre des machines et des outils, explique-t-il.

Ceux qui en ont les moyens paient entre 2.000 et 7.000 euros leur guitare, "mais cela n'arrive pas souvent".


           

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