"24 jours", un film "devoir de mémoire" sur l'affaire Halimi vue par la mère


Mercredi 30 Avril 2014 - 19:02
AFP


Paris - "Ma vie a basculé", dit l'actrice Zabou Breitman face caméra. Dans "24 jours", un film (sortie mercredi revendiquant un "devoir de mémoire", elle est la mère d'Ilan Halimi, ce jeune Juif enlevé, torturé et tué parce que Juif, en 2006, par le gang de Fofana.


Zabou Breitman
Zabou Breitman
Les premières et dernières images du film résument à elles seules le parti pris du réalisateur Alexandre Arcady dans sa narration de l'affaire. Ilan Halimi avait été tué après avoir été enlevé et torturé trois semaines durant par le "gang des barbares" dont le chef, Youssouf Fofana, a été condamné depuis à la perpétuité.

La mère, Ruth Halimi/Zabou Breitman, filmée en plans rapprochés façon documentaire, raconte le calvaire infligé à son fils.

Le metteur en scène, comme il l'explique à l'AFP, a choisi "délibérément" ce point de vue - tiré du livre éponyme de Mme Halimi qui ressort en poche en même temps que le film - pour raconter ce drame, où "pour la première fois depuis la Seconde guerre mondiale, un Juif a été tué parce qu'il était Juif".

"J'ai été estomaqué qu'une telle affaire survienne en France", se souvient Arcady. "Je ne voulais pas qu'on oublie. Il a fallu attendre ce livre pour comprendre. C'est un film sur le cri d'une mère, c'est aussi un devoir de mémoire".

Ses principaux acteurs abondent: "au fil des scènes, on se disait +c'est pas vrai+ ce qui a pu lui arriver, nous étions indignés et meurtris en jouant", confie Zabou Breitman à l'AFP.

- "Une bande de gamins sauvages" -

"Je suis rentré dedans sans avoir rien lu, j'ai pourtant été tout de suite dépassé et indigné à la fois, c'est rare dans un film", avoue Pascal Elbé. Il joue, avec plus de réserve que Breitman, le rôle du père, choisi par les ravisseurs comme interlocuteur principal et qui a été 600 fois en contact téléphonique avec eux, en vain.

"24 jours" suit l'affaire dans sa chronologie. Arcady revendique ce choix pour réaliser un "thriller, monté comme un polar de cinéma". "C'est vu du côté des victimes, pas des +barbares+", soutient-il aussi, "en suggérant la violence, sans la montrer ostensiblement".

Les images sont parfois dures, mais loin du calvaire subi par Ilan. L'image caricaturale de Fofana est assez proche de la réalité, selon ceux qui l'ont côtoyé, avocats ou policiers.

Ces derniers en revanche en prennent pour leur grade: ratés de l'enquête, non prise en compte du caractère antisémite de l'affaire, attitude souvent tranchée du commissaire de la brigade criminelle en charge des investigations. Ce dernier - aujourd’hui disparu - est incarné par Jacques Gamblin: ils se ressemblent d'ailleurs comme deux gouttes d'eau. Physiquement, jusque dans les gestes et attitudes.

"La mère d'Ilan est très lucide, elle était en opposition avec les enquêteurs", argumente Arcady. "Ils se sont trompés de chemin, ont été manipulés par une bande de gamins sauvages. Ils ont perdu du temps et de l'énergie, ils portent d'ailleurs cela comme une cicatrice et ils me l'ont dit".

Selon lui, il n'a pas été tenu compte d'une affaire qui "ressemblait par certains côtés à celle de Daniel Pearl", ce journaliste américain décapité en 2002 à Karachi. "Ils ont utilisé avec Ilan les mêmes mots", souligne Arcady, "mais cela faisait peur à l'époque; on avait aussi peur d'une nouvelle flambée des banlieues, on n'a pas cherché de ce côté".

"Cela venait après l'affaire du RER D", dit pour sa part Zabou Breitman en référence à cette jeune femme qui avait inventé une agression antisémite. "On ne voulait pas de vagues".

Un autre film sur l'affaire est annoncé pour septembre, réalisé par le comédien Richard Berry.


           

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