A Francfort, le livre (très) ancien connaît peu la crise


Vendredi 8 Octobre 2010 - 13:56
AFP


Francfort (Allemagne) - Loin de l'effervescence technologique et multimédia dont rivalisent fébrilement les producteurs de livres électroniques, la Foire du Livre de Francfort recèle, dans le pavillon réservé aux livres rares et anciens, une oasis de calme et de sérénité.


A Francfort, le livre (très) ancien connaît peu la crise
Les visiteurs y feuillettent avec un luxe de précaution de véritables trésors, comme cette édition originale de "L'origine des espèces" de Charles Darwin, une Bible magnifiquement illustrée datant du XIIIe siècle ou des équations griffonnées à la main par Albert Einstein.

Pour la première année, l'"antiquariat" a son espace réservé à la Foire de Francfort, à des années-lumières du brouhaha de la halle principale, avec son atmosphère frénétique et ses présentations tape-à-l'oeil de nouveautés high-tech.

Ici, le temps s'écoule bien plus posément. "J'ai même réussi à vendre un livre, hier", se réjouit Daniel Kretzer, un spécialiste des textes théologiques.

"C'était un texte catholique datant de 1768", précise-t-il, tout en parcourant avec beaucoup de soin un ouvrage en latin finement relié.

S'offrir une tranche d'histoire comme celle-là n'est cependant pas donné. Le livre de M. Kretzer a trouvé preneur pour 480 euros. La mise à prix pour l'édition originale d'une carte espagnole de l'Europe remontant à 1588 est de 85.000 euros.

Malgré ces tarifs prohibitifs, M. Kretzer estime que les affaires ne tournent pas si mal. "La plupart de mes clients sont des pasteurs, des professeurs, des bibliothécaires, qui dépendent tous de fonds publics, donc la récession n'affecte pas trop notre secteur", assure-t-il.

Mais même dans ce sanctuaire des livres précieux à l'atmopshère confinée, on n'échappe pas tout à fait au débat sur la numérisation et sur les livres électroniques, qui accapare la 62 édition de la Foire.

"Comme tout le monde dans l'édition, nous ne savons pas exactement dans quelle mesure nous serons touchés par le numérique. Si tous les livres jamais publiés sont numérisés, alors cela devrait avoir un impact", estime M. Kretzer.

C'est justement ce qu'essayent de faire Dan Burnstone et sa société, ProQuest. Ils ont lancé un projet de mise en ligne de tous les livres publiés en Europe entre 1475 et 1700.

"Nous ne savons pas à combien de livres nous nous attaquons au juste, mais nous pensons que ça doit être autour du million", explique M. Burnstone, lors d'une présentation technologique dans la halle principale.

Ce projet nécessite de scanner des livres fragiles et précieux à travers toute l'Europe, une tâche longue et fastidieuse.

Dès novembre, environ 4.000 volumes de la bibliothèque de Florence (Italie) datant d'avant l'an 1600 seront mis en ligne, dont certains ouvrages majeurs de la Renaissance et des livres ayant appartenus à l'astronome Galilée.

Moritz Backhaus, 30 ans, qui travaille pour le courtier en livres anciens Antiquariat im Hufelhandhaus, est bien plus catégorique sur l'impact du numérique sur son secteur.

"Les gens qui achètent mes ouvrages n'en ont rien à faire du livre électronique. Ceux qui veulent l'oeuvre elle-même peuvent toujours trouver une version électronique sur Google Books. Mais si vous êtes un collectionneur, vous avez besoin de la copie physique", assure-t-il.

Il reconnaît toutefois vendre "assez peu" lors de la Foire et que "le gros de (son) activité se fait sur internet".

"On ne peut pas reproduire le cachet d'un livre ancien sur un livre électronique", se moque Daniel Kretzer. "Mais au fond, personne ne lit vraiment ces livres là", glisse-t-il en feuilletant son volume vieux de plus de 300 ans.


           

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