Abolir les frontières


Vendredi 13 Février 2009 - 14:30
Canoe.ca/Elsa Pépin


De passage à Montréal pour le tournage du film Oscar et la dame rose, adapté de son propre roman, l’auteur français Éric-Emmanuel Schmitt nous a accordé une entrevue à propos de son spectacle présenté au Festival Montréal en lumière et de son dernier roman, Ulysse from Bagdad.


Abolir les frontières
L’écrivain se réjouit de rencontrer le public avec cette mise en lecture inspirée de son livre Ma vie avec Mozart. Il sera accompagné sur scène du comédien Benoît McGinnis, qui incarne le jeune narrateur du livre, alors que l’orchestre de chambre I Musici, auquel s’ajoutent une chanteuse et un chanteur d’opéra, un piano et une clarinette, feront vivre la musique de Mozart.
Ma vie avec Mozart est une correspondance imaginée entre l’écrivain et le compositeur. Schmitt a réuni des lettres adressées à Mozart au fil des questionnements existentiels qui ont ponctué sa vie. «Je parle de Mozart philosophe, qui aide à vivre et console. Pour moi, la musique est un aliment spirituel», explique Schmitt. Le spectacle aborde l’adolescence, les premières amours, les premiers deuils et la fonction salutaire de la musique lors ces passages difficiles. Schmitt a eu recours à la médiation musicale pour exprimer des émotions parfois bloquées, mais nécessaires. «Une vie heureuse n’est pas une vie qui ignore le malheur, c’est une vie qui l’intègre dans le tissu des jours.» Pour l’écrivain, une des plus grandes qualités de Mozart est d’être accessible et profond, d’être simple sans être simpliste. L’auteur veut ouvrir la culture classique à tous les publics et favoriser les échanges entre les disciplines. Le livre était déjà un objet mixte qui mêlait les lettres et la musique. La mise en lecture poursuit le métissage alliant littérature, théâtre et musique classique. «Je suis partisan de tous les croisements. J’ai horreur de tout ce qui est élitiste, sectaire. J’adore quand des adolescents m’arrêtent dans la rue pour me dire qu’ils ont aimé mon livre sur Mozart. Je me dis que c’est réussi!»
Le désaccord des identités
Le dernier roman de Schmitt est d’ailleurs un réquisitoire contre toute forme de sectarisme et de simplification. Ulysse from Bagdad est une odyssée moderne menée par Saad Saad, un jeune Irakien qui fuit son pays durant la guerre, après que son père se soit fait assassiner par les Américains. Le jeune héros cherche à rejoindre l’Europe, passe par la tentation terroriste, puis connaît les cahots de la migration clandestine. Ce conte philosophique sur l’exil aborde la difficile conciliation des identités qui cohabitent en nous. «Saad Saad est arabe, irakien, musulman, démocrate et amateur de liberté. Toutes ses identités ne résonnent pas ensemble. Il est comme un orchestre symphonique désaccordé, raconte l’auteur. J’ai voulu parler de la difficulté de parler d’une seule voix. Mon Ulysse accepte sa complexité et cherche une place sur Terre pour la vivre. La simplification de l’être c’est la bêtise, le fanatisme ou l’intégrisme, contre lesquels je me bats.»
Le roman fait d’ailleurs le procès de l’exclusion, questionnant l’origine des guerres et pointant du doigt la fraternité comme une source d’ostracisme. «L’origine des conflits, c’est le nous», peut-on lire. Le jeune Irakien rejeté de tous en vient à rêver d’un monde apatride. «Si l’humanité progresse, c’est à travers la raréfaction des frontières. Nous sommes en train de tout mondialiser, mais une donnée à laquelle on ne touche pas, c’est la migration», explique l’auteur.
Ulysse from Bagdad met en scène un type social problématique: le migrant clandestin, à qui on refuse le statut d’homme en Europe. «Il est sans droits, sans papiers. C’est un sous-homme, explique Schmitt. J’ai voulu montrer que le clandestin est un héros moderne qui échappe à un passé tragique et survit à des conditions terribles. Il est un résistant de l’humanité.»
Politique et philosophique, Ulysse from Bagdad est un roman qui pose les jalons d’un humanisme fondé sur la disparition des frontières. Utopique, certes, mais cette quête qui revisite le mythe de la tour de Babel est également burlesque, folle et aussi accessible qu’une mélodie de Mozart !
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Ulysse from Bagdad, de Éric-Emmanuel Schmitt, Éd. Albin Michel
Titre du film : Ma vie avec Mozart
Avec : Avec Éric Emmanuel Schmitt, Benoît McGinnis, I Musici


           

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