Accord au bout de la nuit à Bruxelles sur les questions migratoires


Vendredi 29 Juin 2018 - 11:40
Reuters


Bruxelles - Après des heures de tractations, les dirigeants de l’Union européenne réunis à Bruxelles ont trouvé au bout de la nuit de jeudi à vendredi un accord sur les questions migratoires, s’épargnant ainsi une nouvelle crise.


L’accord annoncé peu après 04h30 (02h30 GMT), au terme de neuf heures de débat, englobe des engagements encore flous sur un renforcement des frontières extérieures de l’Union européenne et explore la mise en place de “plateformes régionales de débarquement” hors du territoire européen “en coopération étroite avec les pays tiers concernés, le HCR et l’OIM”.

Les dirigeants des Vingt-Huit ont accepté de se partager sur une base volontaire la charge de l’accueil des réfugiés et de créer sur leur territoire des “centres contrôlés” “avec le plein soutien de l’UE” pour étudier au cas par cas les demandes d’asile.

L’Italie bloquait depuis jeudi soir l’adoption par le Conseil européen de déclarations communes sur le commerce international ou bien encore la défense; Rome réclamait au préalable que ses partenaires de l’UE répondent d’abord à ses exigences sur la question des migrants, une initiative rare qui illustre les profondes divisions au sein de l’Union européenne.

“L’Italie n’a plus besoin de mots et de déclarations, nous avons besoin d’actes concrets”, avait prévenu le président du Conseil italien, Giuseppe Conte, à son arrivée à Bruxelles, jeudi en début d’après-midi.

“L’Italie n’est plus seule”, s’est-il réjoui vendredi à l’aube.

Le gouvernement italien, né de l’alliance entre les contestataires du Mouvement 5 Etoiles et la Ligue d’extrême droite, décidera ultérieurement de se doter ou non de centres d’accueil de migrants, a-t-il ajouté.

A Rome, son ministre de l’Intérieur, Matteo Salvini, dirigeant de la Ligue d’extrême droite et pilier de la coalition, a salué l’accord, notant que l’Italie avait obtenu 70% de ce qu’elle cherchait.

FORMULATION COMPLEXE
Dans un relevé de conclusions dont la formulation complexe est à même de satisfaire leurs opinions divergentes, les Vingt-Huit s’accordent sur la création de centres communs où seront étudiées les demandes d’asile (“plateformes régionales de débarquement” hors de l’UE, avec la coopération du HCR et de l’OIM; “centres contrôlés” sur le territoire européen).

Ils s’engagent aussi à restreindre les “mouvements secondaires de demandeurs d’asile entre des Etats membres (qui) risquent de remettre en question l’intégrité du Régime d’asile européen commun”.

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Mais ils indiquent clairement que la quasi-totalité de leurs engagements se prendront sur la base du volontariat.

“Toutes les mesures prises au regard de ces centres contrôlés, y compris la relocalisation et la réinstallation (ndlr, des migrants), se feront sur la base du volontariat”, peut-on notamment lire.

Les Vingt-Huit ont également décidé de renforcer leurs frontières extérieures, notamment en augmentant les aides à destination de la Turquie et de l’Afrique du Nord, afin d’éviter de renouer avec des flux comparables à ceux que l’Europe avait enregistré en 2015.

MERKEL PRUDENTE
S’exprimant après l’adoption du texte, Emmanuel Macron a évoqué “une volonté de mieux protéger les frontières, de renforcer les règles d’accueil”. “La coopération européenne l’a emporté (...). La solidarité que nous devons aux premiers pays d’entrée a été actée lors de ce sommet”, a ajouté le président français.

“Accord trouvé sur les migrations: une approche européenne confirmée, un agenda complet acté (...), les propositions françaises adoptée”, a-t-il poursuivi sur son compte Twitter.

Plus mesurée, la chancelière allemande Angela Merkel, qui avait prévenu jeudi matin avant son départ pour Bruxelles que l’Union européenne jouait son destin sur ce défi, a jugé que le texte européen était positif tout en soulignant que les divergences persistaient au sein de l’Union.

“Nous aurons encore beaucoup à faire pour rapprocher les différente points de vue”, a-t-elle dit à la presse vers 05h00.

Il n’est pas acquis en effet que l’accord de Bruxelles atténuera la pression que ses alliés bavarois de la CSU exercent sur elle à Berlin. L’Union chrétienne sociale, qu’inquiète la percée du parti d’extrême droite Alternative für Deutschland (AfD), a menacé de fermer les frontières de la Bavière, une initiative qui serait susceptible de faire chuter le gouvernement allemand en place depuis trois mois seulement.

“C’est un signal positif que quelque chose va dans la bonne direction en Europe”, a cependant commenté le député CSU Hans Michelbach vendredi matin sur la chaîne allemande ARD.

Le dîner de travail, qui s’est déroulé dans une atmosphère particulière tendue selon des diplomates, et l’attitude de blocage adoptée par Giuseppe Conte, contraignant le président du Conseil européen Donald Tusk et le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker à annuler leur conférence de presse jeudi en début de soirée, laisseront sans doute des traces.

“Tout cela, c’est de la pure politique, avec des émotions aussi fortes qu’en 2015”, rapportait un diplomate européen, alors même que moins de 45.000 migrants sont arrivés en Europe depuis le début de l’année, selon les chiffres de l’Onu, bien loin de la crise de 2015, quand les entrées se comptaient en milliers par jour.


           

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