Affaire Drareni: le président Tebboune accuse RSF de vouloir "déstabiliser" l'Algérie


Mardi 22 Septembre 2020 - 12:36
AFP


Alger - Le président algérien Abdelmadjid Tebboune a accusé Reporters sans Frontières (RSF), qui a lancé une campagne internationale de solidarité en faveur de son correspondant emprisonné Khaled Drareni, de vouloir "déstabiliser" l'Algérie, une attaque "à côté de la plaque" selon l'ONG.


L'Algérie est "ciblée" par des ONG qui tentent de "saper la stabilité du pays", a déclaré M. Tebboune dimanche soir lors d'une rencontre avec deux représentants de la presse écrite algérienne.

"Les Etats ne nous attaquent pas frontalement mais chargent des organisations non gouvernementales de cette mission", a-t-il ajouté, interrogé sur le sort du journaliste Khaled Drareni, fondateur du site d'information Casbah Tribune et correspondant pour la chaîne de télévision française TV5 Monde et RSF.

Devenu le symbole du combat pour la liberté de la presse en Algérie, M. Drareni, 40 ans, a été condamné en appel le 15 septembre à deux ans de prison ferme pour "incitation à attroupement non armé" et "atteinte à l'unité nationale". Ce verdict a soulevé l'indignation en Algérie et au-delà.

En visant Robert Ménard, ancien secrétaire général de RSF qui a quitté l'ONG en 2008, M. Tebboune a affirmé que si RSF comptait "des journalistes respectables", il était toutefois "inadmissible de nommer un fils de colon qui tente à chaque fois de donner des leçons aux Algériens, d'où l'importance d'enquêter sur les fondateurs de ces organisations ainsi que sur les modalités de leur financement". M. Ménard est aujourd'hui maire de Béziers, en France, soutenu par le Rassemblement national.

"Ces attaques sont complètement à côté de la plaque", a réagi auprès de l'AFP le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire, rappelant que M. Ménard "n'a aucune influence sur l'organisation".

"Ce sont évidemment des accusations mensongères et dérisoires" qui "visent à camoufler au fond sa difficulté à défendre des violations de la liberté de la presse qui sont absolument évidentes pour des millions d'Algériens", a-t-il ajouté.

M. Tebboune assure qu'"aucune personne n'est incarcérée (en Algérie) pour un article qu'elle a rédigé". "Nous interdisons les injures et les atteintes aux affaires relevant de la sécurité de l'Etat", a-t-il nuancé.

Khaled Drareni a été condamné parce qu'il est "impliqué dans une affaire n'ayant aucune relation avec la presse", a affirmé le président sans autre précision et sans jamais nommer le nom du journaliste durant l'entretien.

Détenu depuis le 29 mars, M. Drareni a été arrêté après avoir couvert en mars à Alger une manifestation du "Hirak", mouvement de contestation pacifique né en février 2019 et réclamant un changement du "système" en place depuis l'indépendance en 1962.

Il est aussi accusé d'avoir critiqué sur Facebook "la corruption et l'argent" du système politique, selon RSF.

Le ministre de la Communication Ammar Belhimer lui reproche d'avoir travaillé sans carte de presse professionnelle et d'être à la solde "d'ambassades étrangères".

"Son maintien en détention est la preuve d'un enfermement du régime dans une logique de répression absurde, injuste et violente", a dénoncé M. Deloire.

Pour le cinquième lundi consécutif, quelque 150 personnes --avocats, opposants politiques, journalistes, militants, étudiants et sympathisants-- se sont retrouvés à la Maison de la presse à Alger pour réclamer sa libération, a constaté l'AFP.

Les manifestants ont brandi une affiche à l'effigie de M. Drareni et des portraits d'autres détenus d'opinion, comme le journaliste Abdelkrim Zeghileche ou le jeune militant Mohamed Tadjadit.

"Le jugement de Khaled Drareni est une condamnation de la presse", a déclaré son avocat Mustapha Bouchachi.

L'Algérie figure à la 146e place (sur 180) du classement mondial de la liberté de la presse 2020 de RSF.


           

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