Affaire Serrano: au-delà de la destruction, l'oeuvre divise les catholiques


Mercredi 20 Avril 2011 - 17:29
AFP


Paris - Les catholiques français condamnent dans leur grande majorité la destruction des photos de l'américain Andres Serrano à Avignon, mais sont plus divisés quant à l'oeuvre elle-même que certains jugent offensante.


Affaire Serrano: au-delà de la destruction, l'oeuvre divise les catholiques
"Immersion Piss Christ", photo grand format d'un crucifix immergé dans un bain d'urine, exposée au sein de la Collection Lambert, a été détruite à coups de marteau, il y a trois jours par des catholiques traditionalistes.

Pour le cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon et Primat des Gaules, cette exposition est "une offense, une blessure profonde pour nous, surtout en cette Semaine Sainte, car elle touche Celui qui nous +a aimés jusqu'à l'extrême+".

Selon lui, "Jésus nous a préparés: +Heureux serez-vous lorsqu'on vous insultera+ et il nous demande: +Priez pour ceux qui vous persécutent.+ J'espère que nous aurons assez de courage intérieur pour le faire."

"Les chrétiens, comme tous les croyants, ont droit à être respectés dans leur foi. Ce serait un beau cadeau de paix, nous pouvons le demander à Dieu pour cette fête de Pâques", conclut le cardinal, qui ne demande pas le retrait de la photographie controversée.

Pour la revue catholique protestataire Golias, sur son site internet, "on peut contester le bon goût et même la décence de la photographie dénoncée" mais demander son retrait, comme l'a fait l'archevêque d'Avignon, "semble maladroit". Ceux qui s'en sont pris à cette photo "ne comprennent rien à l'art", a déclaré à l'AFP son rédacteur en chef Christian Terras.

Le metteur en scène Olivier Py, futur directeur du Festival d'Avignon et chrétien convaincu, ne s'est ainsi "pas senti agressé par cette oeuvre" qu'il ne juge "pas blasphématoire, pas plus que les oeuvres de Serrano en général".

"Sans doute, faudrait-il éclairer l'oeuvre controversée à la lumière du travail d'Andres Serrano", a dit M. Py à l'AFP : "Ce qui est perçu par certains comme une photo blasphématoire -et chacun a parfaitement le droit de la ressentir comme telle- peut être interprété différemment. Peut-être l'artiste a-t-il voulu montrer le Christ dans toute sa dimension d'homme, dans son incarnation la plus totale, dans son dénuement le plus extrême face à sa mort atroce".

"J'estime que les actes de violence qui ont conduit à la destruction de l'oeuvre de Serrano salissent la cause qu'ils prétendent défendre. Ce sont des réactions indignes d'un chrétien. La liberté d'expression d'artiste est fondamentale et certainement pas bornée par des oukases religieux", a-t-il conclu.

Le spécialiste des religions Odon Vallet souligne, pour sa part, que "si on avait trempé un Coran ou une Bible hébraïque dans de l'urine, jamais une telle +oeuvre+ n'aurait été exposée. La République étant laïque, elle doit avoir la même attitude à l'égard de toutes les religions. Et si on s'attaque à une figure du catholicisme, c'est probablement que les risques sont moins grands qu'en s'attaquant à une figure de l'islam".

"Mais la réponse est violente et maladroite, car elle fait de l'artiste une victime", a-t-il poursuivi: "ceux qui ont attaqué l'oeuvre sont dans l'illégalité et font une publicité énorme à une exposition qui, jusque là, n'était connue que dans un contexte régional".

De son côté, Bernard Antony, président de l'Agrif (Association contre le racisme anti-blanc et anti-chrétien, extrême-droite), déclare dans un communiqué avoir "réagi sur le plan judiciaire contre "l'abjecte provocation de +Piss Christ+ en Avignon".

"L'exposition de cette misérable pseudo-création est insupportable pour les chrétiens une fois encore visés par les crachats du fétide +art contemporain+", ajoute le président de l'Agrif.


           

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