"Allez dégage Bachar", le chant révolutionnaire des rebelles en Syrie


Mardi 4 Septembre 2012 - 11:06
AFP


Alep - Il est omniprésent comme le bruit des tirs sur le front syrien, les rebelles l'entonnent pour se donner du courage: "Yalla irhal ya Bachar" (Allez dégage Bachar) est devenu leur chant révolutionnaire incontesté.


"Allez dégage Bachar", le chant révolutionnaire des rebelles en Syrie
Dans les zones contrôlées par les rebelles, ce refrain est diffusé, sur un air rythmé, à plein volume dans les minibus et a même été adopté comme sonnerie de téléphone par les partisans de la "révolution".

Souvent, les combattants en font leur cri de guerre avant de quitter leur repaire pour une opération contre l'armée.

Lors des désormais rituelles marches contre le régime du président Bachar al-Assad, les militants le chantent en choeur.

L'auteur de cet hymne, Ibrahim Qachouch, était un chanteur de la ville de Hama (centre), peu connu avant le début de la révolte en mars 2011.

Quelques mois plus tard, son refrain entêtant fait son apparition sur YouTube, et ne tarde pas à faire un tabac.

"Tu as perdu ta légitimité/tu paieras cher le sang des martyrs, Bachar/toi et tes discours, que le diable t'emporte/la liberté est à nos portes", dit le chant, qui s'en prend également à Maher, frère cadet du président et perçu comme un des symboles de la répression.

Et toujours, le refrain qui martèle "Yalla irhal ya Bachar", dont le rythme est calqué sur la "dabké", célèbre danse folklorique du Levant, pour laquelle les danseurs se tiennent la main et frappent le sol avec leurs pieds.

Mais cette attaque en règle contre le président Assad, Qachouch l'a payée de sa vie.

Un jour de juillet 2011, celui qui a été baptisé "l'oiseau moqueur de la révolution" est arrêté et peu après son corps retrouvé dans une rivière. Sa gorge a été tranchée et les cordes vocales arrachées, rapportent des militants qui voient un message clair du régime.

"Ses paroles nous donnent du courage (...) Ibrahim Qachouch a une place spéciale dans le coeur des gens, je crois", dit l'un des organisateurs d'une manifestation récente à Marea, dans le nord-ouest de la Syrie.

"On n'a pas beaucoup de héros mais on a notre ange gardien: Ibrahim Qachouch", explique ce jeune homme, qui se fait appeler... Mohamed Qachouch.

"Le régime a ses chars, nous on a cet hymne"

Dans le quartier de Jdidé, à Alep (nord), Abou Mohammed, un commandant rebelle, aime narguer avec ce chant les soldats du régime, dont les positions sont parfois à une dizaine de mètres, c'est-à-dire à portée de voix.

Il l'a enregistré sur son téléphone et, avec l'aide d'un haut-parleur, le fait résonner à plein volume.

"Peut-être qu'ils ont trop peur pour faire défection, mais je suis sûr qu'ils apprécient", dit-il.

"Les paroles sont très simples. Je pense que tous les Syriens peuvent s'y retrouver. Le régime a des chars et beaucoup d'armes. Nous, nous avons cette musique, c'est pour ça qu'on la met pendant les combats", ajoute-t-il.

Outre "Yalla irhal ya Bachar", beaucoup d'autres chansons anti-régime ont vu le jour.

Etendu sur un matelas de la maison abandonnée de son frère à Alep, Abdallah parcourt les chansons sur son ordinateur. "C'est le moment de la journée que je préfère", dit ce soldat rebelle de l'Armée syrienne libre (ASL).

"Cette chanson me fait toujours pleurer", dit-il, en parlant de "Ya hef" (honte à vous), écrite par Sameh Choukeir, un célèbre chanteur exilé à Paris.

Un répertoire musical anti-régime très varié a fleuri sur la Toile, où les internautes peuvent même trouver un remix rap de la chanson de Qachouch.

La révolte a forcé les célébrités syriennes à choisir leur camp, comme la chanteuse Assala Nasri qui a opté pour celui de la rébellion et fait le tour du monde pour rassembler des fonds en sa faveur.

Une autre des personnalités les plus populaires auprès des rebelles est Abdelbasset Al-Sarout, le gardien de but junior de l'équipe nationale qui a rejoint la lutte armée.

La blessure qu'il a reçue durant des affrontements avec l'armée pourrait menacer sa carrière, mais grâce à sa chanson "Haram aalék" (N'as-tu pas pitié), devenue un tube, il pourrait se reconvertir dans la musique.

"Quand leurs lèvres ont été scellées pendant si longtemps, les gens veulent chanter", dit Abdallah. "Ils veulent crier".


           

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