Amélioration des madrasas au Pakistan


Samedi 18 Juillet 2009 - 12:15
Hdhod - Heather DuBois


Heather DuBois - Alors qu'il était à Sarajevo pour y recevoir le prix des artisans de la paix 2006 décerné par le Centre Tanenbaum pour la compréhension interreligieuse lors d'une conférence des artisans religieux de la paix, Azhar Hussain s'est couché tard tous les soirs pour parler aux chauffeurs de taxi locaux. Outre le fait qu'il apprécie les bonnes histoires, il s'est entretenu avec eux, estimant que le meilleur moyen de comprendre une culture, une religion et des traditions c'est de parler avec les gens du cru et de tirer un enseignement de ce qu'ils racontent.


Cette simple démarche exprime l'attitude de Hussain face à la résolution des conflits: le dialogue et les expériences partagées sont indispensables pour développer la confiance et la compréhension, surtout au niveau de la base.

Hussain est vice-président pour la diplomatie préventive au Centre international pour la religion & la diplomatie (ICRD) et chef du projet qu'il a élaboré relatif aux Madrasas au Pakistan. Le programme, qui entre maintenant dans sa cinquième année, a formé plus de 2'200 administrateurs et enseignants provenant de plus de 1'400 madrasas (écoles religieuses) à travers le Pakistan. Une monographie publiée récemment, l'Amélioration des Madrasas et la sécurité globale: un modèle pour un engagement basé sur la foi donne un aperçu de la mise en oeuvre de ce programme au Pakistan, qui est vite en train de devenir un modèle prometteur, méritant d'être étudié plus en profondeur et d'être reproduit dans toutes les écoles.

Au lieu de tenir compte des demandes de marginalisation des madrasas, l'ICRD a cherché à identifier, souligner et accentuer le rôle positif qu'elles peuvent jouer dans la construction de la paix et la résolution des conflits. Les ateliers de formation prévus par le programme ont puisé dans le support et les ressources existants pour les droits de l'homme, la tolérance religieuse, l'esprit critique, la résolution des conflits et l'inclusion de disciplines sociales et scientifiques dans le programme d'études.

Toutes les écoles de pensée islamique qui prévalent au Pakistan sont représentées dans ces ateliers qui encouragent la participation en assurant une place aux différents courants de pensée. C'est devenu la norme malgré les divisions sectaires existantes. Les éducateurs ont désormais la possibilité de discuter des programmes d'enseignement, ainsi que de la philosophie islamique, avec les chefs religieux d'autres sectes.

L'aspect interreligieux de ce modèle est une réussite supplémentaire et remarquable.

Les diplômés des programmes de formation de formateurs de l'ICRD ont déjà dirigé plus de cent ateliers d'une journée dans quatre provinces du Pakistan pour d'autres éducateurs. Certains ont continué et lancé leurs propres programmes de formation sur l'enseignement de la paix et la tolérance religieuse. L'un des partenaires locaux de l'ICRD a également initié une série de séminaires interreligieux pour favoriser la coopération entre chefs pakistanais musulmans et chrétiens en réduisant l'extrémisme religieux et la discrimination religieuse.

Lors d'un de ces ateliers auquel participaient des chefs de 16 madrasas encerclant la Vallée de Swat, l'un des participants (engagé dans un groupe de militants bien connu) se leva, vers la fin, et déclara n'avoir suivi cet atelier que pour discréditer tout l'enseignement que l'on y recevait. Mais suite à sa participation, il a eu le sentiment, pour la première fois de sa vie, de comprendre le but véritable et pacifique du Coran. Il déclara: ''Après une telle expérience, je veux aider mes étudiants à apprécier les différents groupes religieux qui vivent dans notre communauté et dans notre pays. Il faut que mes enfants sachent que c’est en étant pacifiques qu’ils peuvent répandre un islam authentique.''

Un autre participant a eu recours aux principes islamiques du pardon (alliés aux techniques de résolution des conflits qu'il avait apprises dans le cadre de l'atelier) pour empêcher les aînés de son village d'exécuter une fille supposée avoir violé le code tribal en contactant un garçon du village voisin. De même, un autre partenaire local travaillant avec l'ICRD a joué un rôle clef en assurant la libération des 21 Coréens chrétiens retenus en otages par les talibans en Afghanistan en juillet 2007. Les geôliers se sont laissé convaincre grâce aux principes de l'islam qui ont été invoqués.

L'ICRD agit maintenant à plusieurs niveaux pour agrandir l'échelle du projet relatif aux madrasas pakistanaises, l'étendant aux écoles de filles et aux universités, rapprochant les administrateurs et les professeurs importants, facilitant des visites d'étude aux Etats-Unis et développant des certificats.

En pleine expansion et en plein succès du projet des madrasas pakistanaises, il y a la conviction que les acteurs locaux, y compris les acteurs religieux, peuvent jouer un rôle crucial dans la pacification (mais seulement s'ils sont acquis à la cause). Si le passage d'une démarche de confrontation à une démarche constructive, humaine, ne peut être dictée, elle peut être inspirée. Et, comme avec les chauffeurs de taxi à Sarajevo, Hussain nous a montré que ça commence souvent par une simple conversation.


           

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