Arnost Lustig, un romancier tchèque inspiré par l'Holocauste


Samedi 26 Février 2011 - 11:37
AFP


Prague - L'écrivain tchèque Arnost Lustig, décédé samedi à 84 ans, a puisé son inspiration dans la Seconde guerre mondiale et surtout dans l'Holocauste dont il était un survivant.


Arnost Lustig
Arnost Lustig
"Tout ce que j'ai appris d'important sur l'Homme, je l'ai appris pendant la guerre", confiait-t-il.

Issu d'une famille juive de commerçants, Arnost Lustig était né le 21 décembre 1926 dans le modeste quartier ouvrier pragois de Liben. "Je suis né d'une maman juive et d'un papa juif, dans le pays tchèque. Cela m'a déterminé", résumera-t-il un jour.

Banni de l'école à cause de son origine juive, il est déporté à 16 ans dans le camp de concentration de Terezin. Plus tard, il passe aussi par les camps de Buchenwald et d'Auschwitz.

"Je suis un miraculé. J'ai survécu, car j'ai pu rejoindre ceux qui pouvaient travailler. Mon père a été envoyé directement dans une chambre à gaz", se souvenait cet homme ridé à la chevelure blanche.

En avril 1945, il réussit à prendre la fuite d'un transport de la mort vers un autre camp nazi, Dachau. Il se cache à Prague et participe au soulèvement anti-nazi. De cette expérience, il puise l'inspiration pour sa nouvelle "Les ténèbres n'ont pas d'ombre", portée à l'écran en 1964 sous le titre de "Diamants de la Nuit".

Après la guerre, il se lance dans des études de sciences politiques et sociales. En 1948, il devient correspondant d'un journal pragois en Israël et couvre la guerre israélo-arabe.

Lors de sa deuxième visite en Israël, un an plus tard, il épouse la poétesse Vera Weislitzova, elle aussi ancienne prisonnière d'un camp de concentration nazi.

De retour en Tchécoslovaquie, il travaille pour la radio et la télévision, dirige la rubrique culturelle d'un magazine pragois renommé, écrit des scénarios pour le plus important studio de cinéma du pays, Prague-Barrandov.

Ses débuts littéraires datent de la seconde moitié des années 1950, l'époque où la doctrine stalinienne de "réalisme socialiste" cède petit à petit la place à une perception plus objective de la vie réelle.

Depuis ses premiers ouvrages "La Nuit et l'Espoir" (1957) et "Diamants de la Nuit" (1958), Lustig met au centre de son intérêt des caractères apparemment non-héroïques de gens simples, notamment des vieux et des jeunes, confrontés à une situation extrême due à la guerre.

Très souvent, ses personnages principaux sont des femmes, comme c'est le cas de "Dita Saxova", ou de "Prière pour Katerina Horovitzova".

"Les femmes ont ce quelque chose qui fait vivre les poètes", confiait Arnost Lustig, auteur aussi de "La première station Bonheur", "Le Transport du Paradis" et "L'odeur amère des amandes".

Après l'écrasement du mouvement réformateur du "Printemps de Prague" par les troupes soviétiques en août 1968, il opte pour l'émigration et s'installe aux Etats-Unis où il enseigne à l'American University Washington D.C.

Après la chute du communisme dans son pays en 1989, il partage sa vie entre les Etats-Unis et la République tchèque. Il surprend voire choque ses fidèles lecteurs en dirigeant de 1995 à 1997 la version tchèque du magazine Playboy.

Il était passionné d'Ernst Hemingway, William Faulkner, Thomas Mann et aussi de Franz Kafka, natif de Prague comme lui.

"Kafka était un prophète. Il sentait que la société était malade, il voyait ce que les autres ne voyaient pas encore. C'est pourquoi ceux qui étaient au pouvoir, tous les puissants de ce monde, avaient peur de lui", avait estimé Arnost Lustig lors d'un entretien avec l'AFP en 2007.


           

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