Attentats: hommages et obsèques, avant la réplique du gouvernement


Mardi 13 Janvier 2015 - 16:07
AFP


Paris - L'unité, exprimée par des manifestations sans précédent, s'est prolongée mardi par un hommage solennel et chargé d'émotion aux trois policiers tués par des islamistes radicaux et les obsèques de leurs quatre victimes juives en Israël.


Attentats: hommages et obsèques, avant la réplique du gouvernement
La mobilisation populaire pourra aussi s'exprimer de nouveau mercredi dans les kiosques où sera proposé un numéro de 16 pages de Charlie Hebdo, mettant en Une le prophète Mahomet qui proclame "Je suis Charlie", sous le titre "Tout est pardonné", et tiré à trois millions d'exemplaires.

Les survivants du massacre du 7 janvier (12 morts) ont décidé de tenir tête aux terrorisme avec ce dessin de Une, reproduit dans de nombreux journaux dans le monde.

Les principales fédérations musulmanes ont appelé au calme et à éviter les "réactions émotives" avant cette parution mais celle-ci a déjà été dénoncée comme "une provocation" par l'instance représentant l'islam auprès des autorités égyptiennes, Dar al-Ifta.

Cette séquence émotionnelle devait se poursuivre la semaine prochaine - date à préciser, peut-être mardi - avec une cérémonie aux Invalides pour les 17 personnes ayant péri sous les coups de trois jihadistes revendiqués.

Emotion aussi à l'ouverture d'une séance spéciale à 15 heures à l'Assemblée nationale avec un hommage du président Claude Bartolone aux 17 victimes suivi d'une minute de silence et d'une Marseillaise entonnée par tout l'hémicycle .

Solennité et larmes : en présence des plus hautes autorités de l'Etat réunies dans la cour de la préfecture de police, sur l'île de la Cité, François Hollande a salué mardi matin la mémoire de Franck Brinsolaro, 49 ans, Ahmed Merabet, 40 ans (morts à Charlie Hebdo) et Clarissa Jean-Philippe, 27 ans, (tombée à Montrouge) cités "à l'ordre de la Nation" et promus chevaliers de la légion d'Honneur.

Ils sont morts "pour que nous puissions vivre libres", a dit le président pour qui "la menace est "encore là", venue de "l'intérieur" et de "l'extérieur". "Nous devons être intraitables devant l'apologie du terrorisme", a martelé le président. Plusieurs lourdes condamnations ont été prononcées ces derniers jours contre des personnes qui avaient salué les actes terroristes de la semaine dernière.

A Jérusalem, au même moment, dans l'immense cimetière du Har Hamenouhot (mont du Repos), près de 2.000 personnes assistaient aux funérailles des quatre juifs tués vendredi dans la supérette casher.

Des proches anéantis, des officiels, des anonymes français et israéliens - Paris étant représenté par Ségolène Royal - s'étaient rassemblés pour Yohav Hattab, Yohan Cohen, Philippe Braham et François-Michel Saada. Eux aussi ont été faits à titre posthume chevaliers de la légion d'Honneur. "L’antisémitisme n'a pas sa place en France," a déclaré Mme Royal. Le président israélien Reuven Rivlin avait auparavant jugé inacceptable que les juifs aient peur de marcher dans les rues d'Europe.

En début d'après-midi, les obsèques du policier Ahmed Merabet se sont déroulées devant une foule silencieuse de plusieurs centaines de personnes réunies au cimetière musulman de Bobigny (Seine-Saint-Denis). Son cercueil était recouvert d'un drapeau français et entouré de trois hommes portant des petits coussins bleus ornés de son képi et de ses décorations.

- Pas de 'patriot act' français -

Si l'enjeu français, comme l'a dit le Premier ministre, est de ne "pas laisser retomber l'esprit du 11 janvier", référence aux près de quatre millions de manifestants dimanche dans tout le pays, ici et là des fissures sont apparues: Dieudonné se revendiquant "Charlie Coulibaly", du nom du meurtrier de l'Hyper Casher, plus d'une cinquantaine d'actes antimusulmans recensés depuis l'attentat contre Charlie Hebdo, lycéen passé à tabac à Châteauroux, difficultés dans certains établissements scolaires à faire accepter la minute de silence jeudi...

Sur le terrain, le nombre de militaires déployés dans le cadre d'un plan Vigipirate maintenu à son plus haut niveau, doit passer de 5.400 lundi soir à 8.500 mardi pour atteindre 10.500 mercredi.

Parallèlement, près de 5.000 policiers et gendarmes protègent les écoles et lieux de culte juifs de France, avec un préfet spécialement chargé par le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, de coordonner la protection de l'ensemble des lieux cultuels, y compris les mosquées.

Manuel Valls prendra la parole vers 15H30 à l'Assemblée et devrait formuler certaines propositions pour apporter "une réponse exceptionnelle" à "une attaque exceptionnelle par sa violence et sa barbarie".

Pas question d'un "patriot act" à la française, sur le modèle de la législation d'exception adoptée aux Etats-Unis après le 11 septembre, mais le Premier ministre a d'ores et déjà annoncé vouloir améliorer le "renseignement" et "généraliser" l'isolement en prison "des détenus islamistes radicaux".

Autres chantiers qu'a laissé entrevoir M. Valls: "améliorer" le système des écoutes administratives et judiciaires et combattre la diffusion de messages de "haine" sur internet.

Plusieurs députés socialistes ont cependant appelé à ne pas tomber "dans la surenchère législative" alors que la loi Cazeneuve sur le terrorisme vient tout juste d'être adoptée.

Lors de cette séance, l'UMP devrait relayer les propositions lancées lundi par son président Nicolas Sarkozy. L'ex-chef de l'Etat avait qualifié de "priorité absolue" l'adoption du système de collecte européen des données fournies par les voyageurs aux compagnies aériennes (PNR), actuellement bloqué au Parlement européen. Il avait aussi demandé - point qui devrait faire débat - que les jihadistes partis de France ne puissent y revenir.

Davantage que des mesures législatives, l'ex-Premier ministre, François Fillon, a privilégié pour sa part une approche géostratégique différente passant par un rapprochement avec Moscou et Téhéran.

Le chef du groupe socialiste Bruno Le Roux entend faire "un appel répété à l'opposition pour lui dire +travaillons ensemble+" alors que l'UMP semble divisée sur la stratégie à adopter.

L'Assemblée hésite encore sur la meilleure façon d'enquêter sur les attentats de la semaine dernière, entre une commission composée des seuls députés, à laquelle tient le groupe UMP, ou une mission d'information commune avec le Sénat.

La séquence parlementaire se terminera avec le vote, à l'Assemblée puis au Sénat, sur la prolongation des frappes aériennes françaises en Irak contre l'organisation Etat islamique, qui ont débuté le 19 septembre. Ce feu vert parlementaire, obligatoire pour toute intervention militaire française au delà de quatre mois, s'annonce acquis, tous les groupes politiques le soutenant à l'exception des députés Front de gauche qui s'abstiendront.

- Un Français arrêté en Bulgarie -

D'autant qu'un des auteurs du carnage à la rédaction de Charlie Hebdo, Chérif Kouachi, avait participé à une filière de recrutement pour l'Irak et que le preneur d'otages du magasin casher se réclamait de l'EI et demandait l'arrêt des frappes françaises en Irak.

Un Français arrêté en Bulgarie le 1er janvier pour avoir tenté de se rendre en Syrie est précisément soupçonné de liens avec Chérif Kouachi, a annoncé la justice bulgare à l'AFP.

Autre préoccupation gouvernementale: faire passer, après les attentats, le message des valeurs républicaines dans tous les établissements scolaires, où la ministre de l'Education a dénombré une "centaine d'incidents".

Manuel Valls réunissait précisément mardi matin les recteurs au lycée Louis-Le-Grand à Paris, après une consultation lundi entre Najat Vallaud-Belkacem, les syndicats enseignants et lycéens, et les associations de parents. Les professeurs ne doivent pas se sentir isolés ni démunis face aux demandes des élèves, a déclaré la ministre.


           

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