Au Tchad, des conflits à chaque frontière


Jeudi 29 Novembre 2018 - 11:24
AFP



Immense pays s'étendant de l'Afrique centrale à la bande sahélo-saharienne, le Tchad, allié des pays occidentaux dans la lutte anti-jihadiste, est confronté à des défis militaires à chacune de ses frontières.

Depuis plus de trois mois, N'Djamena a ouvert un nouveau front dans le massif du Tibesti (nord), avec une opération contre des rebelles tchadiens venus de Libye et des insurgés toubou, ethnie majoritaire dans le nord.

L'armée a fortement renforcé ses effectifs dans la zone et se déploie depuis les bases de Faya Largeau, Tanoua ou encore Dowor, selon des sources militaires.

Dans l'ouest du pays, dans la région du lac Tchad, N'Djamena lutte depuis 2015 contre la fraction de Boko Haram affiliée à l'organisation de l'Etat islamique.

"Les attaques de Boko Haram sur le sol tchadien ont globalement diminué en quatre ans, même si on observe une augmentation depuis neuf mois", constate Richard Moncrieff, directeur Afrique centrale du centre d'analyse International Crisis Group (ICG).

En octobre, huit soldats tchadiens sont morts dans un affrontement avec le groupe armé jihadiste nigérian à Kaiga Kindji, base militaire tchadienne du lac.

L'armée tchadienne est intégrée dans une force multinationale mixte (FMM), appuyée par les pays occidentaux, qui rassemble des forces de quatre pays la région (Nigeria, Niger, Cameroun, Tchad).

Dans l'est, une autre force mixte, cette fois tchado-soudanaise est active, fruit du rapprochement en 2010 entre le Tchad et le Soudan qui se faisaient la guerre par rebelles interposés.





En 2008, des rebelles tchadiens venus du Darfour (ouest soudanais) ont été sur le point de renverser le président tchadien Idriss Déby en marchant sur N'Djamena.

Ces opposants politico-militaires au Soudan sont aujourd'hui trop faibles pour constituer une nouvelle menace pour N'Djamena, selon des sources proches des rebelles.

Les tensions restent cependant vives dans l'Est où l'on constate, entre autres, une montée en puissance d'attaques dans la région du Ouaddai menées par de "jeunes arabes nomades tchadiens (...) utilisés au Soudan dans les milices janjawid", explique Jérôme Tubiana, spécialiste du Tchad et du Soudan.

Dernier front pour le Tchad, le Sud, frontalier avec la Centrafrique, pays dont la grande majorité du territoire est contrôlé par des groupes armés.

La Centrafrique et le sud du Tchad ont abrité des mouvements politico-militaires tchadiens importants dans les années 1980-1990.

Aujourd'hui, la menace est moins forte mais N'Djamena y surveille encore quelques rebelles tchadiens de l'Union des forces pour le changement et la démocratie (UFCD) d'Adoum Yacoub, ainsi que des groupes peuls.

N'Djamena a été accusé d'avoir déstabilisé Bangui en aidant la rébellion de la Séléka à majorité musulmane à renverser le régime du président François Bozizé en 2013.

L'effort militaire tchadien, dont les soldats se déploient aussi au Mali, bénéficie du soutien des pays occidentaux qui voient en N'Djamena un allié contre le "terrorisme".





Les Etats-unis ont donné 135,5 millions de dollars entre 2015 et 2017 aux forces de sécurité nationales, selon le commandement américain pour l'Afrique (Africom).

Ex-colonie française, le Tchad est également un allié historique de Paris, qui avait soutenu et sauvé Idriss Déby lors de l'offensive rebelle venue de l'est en 2008.

N'Djamena abrite des militaires français et équipements aéronautiques de l'opération anti-jihadiste Bakhane, ainsi que le commandement de la force du G5-Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad) qui lutte contre les "groupes armés terroristes".

Le Tchad doit contribuer à hauteur de 10 millions d'euros au financement de cette nouvelle initiative régionale soutenue par la France.

Le pays, qui "surdéploie" son armée, selon M. Moncrieff, est pourtant en proie à de graves difficultés économiques qui sont un facteur de "fragilité interne".

Le manque de diversification de l'économie, la mauvaise gestion des fonds pétroliers ou encore une dette contractée auprès du géant du négoce de matières premières Glencore, ont plongé ce pays pauvre dans une crise aggravée par la chute du prix du baril à partir de 2014-2015.

Les mesures d'austérité lancées en 2016 ont entraîné plusieurs grèves de fonctionnaires, qui ont perdu un tiers de leurs revenus depuis 2016.

Le taux de malnutrition aiguë a atteint des "proportions alarmantes dans la capitale" en 2018, selon l'ONG Médecins sans frontières (MSF). Le budget de la santé a été réduit de plus de 50% en quatre ans.


           

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