Aux Antilles, la grève contre la "vie chère" continue


Mardi 17 Février 2009 - 14:25
Le Point.fr/AFP


Des élus des Antilles françaises, paralysées par des grèves, ont appelé à "assouplir" ces mouvements en raison de leur impact sur l'économie et la vie quotidienne, alors que de nouvelles manifestations étaient attendues samedi.


A la Guadeloupe, où le "collectif contre l'exploitation" (LKP) a lancé le mouvement le 20 janvier, Victorin Lurel, président (PS) du conseil régional, et Jacques Gillot, président (app-PS) du conseil général, ont demandé un "assouplissement de la grève générale pour que le pays vive plus normalement". Ils ont également souhaité être reçus par le président Nicolas Sarkozy.
Alors que les établissements scolaires restent fermés et que les manifestants contraignent régulièrement les commerces à baisser leur rideaux de fer, les deux élus ont proposé l'octroi "jusqu'en mai, peut-être en juin", d'une "prime salariale" de 100 euros mensuels (50 pour chaque collectivité) aux salariés touchant moins de 1,4 fois le SMIC. Cette proposition, qui pourrait selon eux toucher entre 37.000 et 40.000 bénéficiaires, est une "perche au LKP et au patronat pour (trouver) un accord". Selon des sources patronales, le mouvement en Guadeloupe ferait perdre en un mois environ 100 millions d'euros de PIB. Or, selon l'Insee, les quatre départements français d'outremer avaient en 2007 un PIB par habitant pratiquement deux fois inférieur à celui de la métropole. En Martinique, paralysée depuis 10 jours, plusieurs parlementaires - Alfred Almont (UMP), Serge Letchimy (PPM, app-PS), Louis-Joseph Manscour (PS) et Alfred Marie-Jeanne (MIM, indépendantiste)- avaient invité vendredi en ordre dispersé à "desserrer l'étau" de la grève.
Jégo a entamé des consultations à Paris
Une manifestation est prévue à Fort-de-France et, en Guadeloupe, un défilé au Moule où la répression d'une manifestation le 14 février 1952 avait fait quatre morts. De longues files d'attente se sont formées samedi matin devant les stations-services réquisitionnées dans la banlieue de Pointe-à-Pitre, où un hypermarché a rouvert sous la protection d'un important dispositif de sécurité. Des dizaines d'acheteurs se ruent, chariots remplis à ras bord, comme Lidya Edwige qui se lamente de n'avoir "plus rien à manger depuis deux semaines". Aucun incident n'a été relevé, mais devant l'établissement un gendarme a déclaré craindre un "durcissement". En Martinique, dès quatre heures du matin, les automobilistes faisaient la queue aux stations-services, dont 45 devaient rouvrir à... midi. Le "collectif du 5 février", qui mène la grève dans l'île, s'était engagé à faciliter l'approvisionnement en carburant.
Rentré la veille des Antilles, le secrétaire d'Etat à l'Outre-mer Yves Jégo a de son côté entamé samedi des consultations. Il a reçu le président de l'Autorité de la concurrence, Bruno Lasserre, qui doit proposer des solutions pour la fixation des prix de l'essence et des produits de consommation courante "d'ici l'été". Et, il s'est également entretenu avec le Haut Commissaire aux solidarités actives, Martin Hirsch, pour accélérer la mise en place du RSA, anticipée à 2009 dans les DOM. Pendant ce temps, le mouvement lui a fait tâche d'huile à La Réunion où une centaine de manifestants ont fait irruption dans un hypermarché de Saint-Denis, distribuant des tracts contre la vie chère.
La grève contre la vie chère se poursuit samedi aux Antilles, tandis qu'à l'Élysée, Nicolas Sarkozy a pris l'initiative vendredi d'un conseil interministériel de l'outre-mer. En Guadeloupe, paralysée depuis 25 jours, les négociations sont rompues. La grève se durcit en gagnant l'aéroport et le collectif LKP, à l'origine du mouvement, organise une manifestation ce samedi.
Dans la banlieue de Pointe-à-Pitre, de très longues files d'attente se sont formées samedi matin devant plusieurs stations-service réquisitionnées. Leur accès n'est plus exclusivement réservé aux clients et services prioritaires, mais ouvert à tous depuis vendredi, "pour permettre à la population de s'approvisionner en carburant", selon la préfecture. À Baie-Mahault, un hypermarché Carrefour a également rouvert samedi matin sous la protection d'un important dispositif de sécurité. Des gendarmes mobiles sont positionnés dans les parkings et dans les couloirs de la galerie commerciale, dont toutes les boutiques sont restées fermées. Les accès à l'hypermarché, une seule entrée et une seule sortie, sont filtrés par des vigiles assistés de gendarmes.
Sur le front des négociations, le LKP dit qu'il ne reprendra la discussion avec les médiateurs envoyés de Paris qu'à condition que l'État signe le préaccord élaboré dimanche avec le patronat. Ce dernier prévoit que l'État finance la hausse prévue de 200 euros des bas salaires. Le Premier ministre François Fillon refuse. Le porte-parole du gouvernement, Luc Chatel, a enfoncé le clou vendredi. "Aux partenaires sociaux de prendre leurs responsabilités et de travailler pour reprendre les discussions", a-t-il dit. Victorin Lurel, président PS de la région Guadeloupe, a, lui, estimé sur France Inter que l'exécutif avait "dévalorisé la parole de l'État", en revenant sur les promesses faites par le secrétaire d'État à l'outre-mer. Quant à Yves Jégo, il a démenti à plusieurs reprises vendredi avoir promis quoi que ce soit en matière de salaires. Il a affirmé sur France 2 que l'État ferait "respecter le droit" en Guadeloupe, dénonçant "un climat de terreur, de pression" sur certains commerçants pour qu'ils ferment leurs magasins.
Un conseil interministériel de l'outre-mer
La CGT a mis en garde le gouvernement contre la tentation du "pourrissement" ou "la stratégie de l'usure" en Guadeloupe. En Martinique, où la grève a commencé il y a dix jours, les négociations ont repris vendredi matin. Le "collectif du 5 février" a relevé "trois avancées notables" parmi 39 propositions soumises par Yves Jégo : baisse supplémentaire du carburant, prime de 200 euros en avril aux 50.000 foyers aux plus bas revenus et, comme en Guadeloupe, anticipation à 2009 du RSA. Cette dernière mesure s'appliquera aussi en Guyane et à La Réunion, tout comme la hausse des aides à la restauration scolaire et l'aide au logement social.
À l'Élysée, Nicolas Sarkozy a annoncé vendredi la mise en place "sans délai" d'un conseil interministériel de l'outre-mer qui devra "faire dans les prochains mois des propositions sur la rénovation de la politique menée par l'État en outre-mer". "La société antillaise a le sentiment, aujourd'hui, qu'elle n'est pas entendue, a-t-il dit. Nous devons continuer à nous battre, tous les jours, pour que la République fasse une plus grande place à tous ceux qui incarnent la diversité de la France." Ni le Président ni le Premier ministre ne devraient pourtant se rendre dans l'immédiat aux Antilles. Yves Jégo ne programme pas de voyage non plus. Le risque d'une contagion, lui, se précise. À La Réunion, un collectif a appelé à une grève générale avec manifestation le 5 mars sur des revendications faisant écho à celles des Antilles.
La numéro un socialiste Martine Aubry dit enfin craindre "une propagation des événements qui agitent les Antilles" . Onze organisations de gauche, dont le NPA, ont appelé à une manifestation de soutien lundi à Paris.


           

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