Leur destin tumultueux les a portés vers ces contrées lointaines et méconnues au rythme des pérégrinations qui ont fait entrecroiser l'histoire du Maroc et du Vietnam au gré des aventures coloniales de l'occupant français à l'époque.
Ces Marocains qui ont fini par se faire adopter par le pays d'accueil, où ils se sont mariés avec des vietnamiennes, ont été installés par le leader charismatique vietnamien Ho chi Minh dans cette partie du pays, jusqu'à leur retour au Maroc, en 1972.
La porte "Bab Al Maghabriba" reste un témoin vivant de cette présence marocaine en terre vietnamienne. Elle servait de porte d'entrée du Kolkoze spécialisé dans l'élevage bovin dont s'occupaient les anciens combattants de l'armée française qui ont été faits prisonniers ou qui ont rallié les résistants vietnamiens.
Seuls "Bab Al Maghariba" et quelques dépendances qui servent d'habitations à des ruraux viétnamiens demeurent encore en l'état dans ce kolkoze, au milieu de plantations de maïs. La masse imposante du portail offre un paysage insolite au cÂœur de cette nature verdoyante, avec cette ressemblance frappante avec Bab Assoufara à Rabat ou Bab Boujloud à Fès.
Malgré les vicissitudes du temps et le délaissement dont il a pâti, après le départ du dernier soldat marocain en 1965, ce monument, assailli par la jungle, continue à défier le temps, symbolisant la présence marocaine dans ces lieux et les sacrifices consentis par les Marocains aux cô tés de leurs frères d'armes vietnamiens pour la cause de la liberté.
Hussein Ferdani, un Marocain qui a à coeur la préservation de ce legs patrimonial, a déployé moult efforts pour sensibiliser les autorités locales à la conservation du site, et réussi à obtenir un financement modeste pour la restauration de l'édifice.
Pour comprendre les péripéties de cette aventure marocaine au Vietnam, il faut revenir au 2 décembre 1945, lorsque Ho Chi Min a annoncé à Hanoï, en présence de Bao Dai, dernier empereur vietnamien, la proclamation de la République démocratique du Vietnam, que la France coloniale a tout de suite rejetée, partant de sa vision d'une "Union Française" groupant dans le même giron ses possessions coloniales.
Il s'en est suivi, le conflit armé entre les troupes coloniales et les insurgés vietnamiens, déclenché par le bombardement du port de Haiphon, le 23 novembre 1946, pour se terminer avec le désastre de Dien Bien Phu, lequel a sonné le glas de la présence française, pour que le terrain soit cédé aux Américains.
La France avait engagé les hostilités en mobilisant près de 200 milles soldats, levés dans ses territoires sous sa domination coloniale en Afrique du Nord et en Afrique Noire, de préférence parmi les populations rurales jeunes et disposant d'un physique robuste pouvant supporter les rudes conditions de combat en terre inhospitalière. Ces soldats, parmi lesquels des milliers de Marocains, ont constitué l'avant-garde des troupes françaises.
Des milliers de conscrits ont trouvé la mort au combat, des centaines d'autres ont été fait prisonniers alors que d'autres ont fait le choix de rallier les forces vietnamiennes insurgées, surtout que la stratégie de Ho Chi Min était basée, entre autres, sur l'intensification des campagnes médiatiques et la guerre psychologique ciblant notamment les combattants originaires des possessions coloniales de la France, noyau dur des troupes combattantes, pour les encourager à faire sédition et rejoindre ses forces.
Hamed Benomar Lahrach, (1914-1971), dont la vie est racontée par Abdellah Sâaf dans un livre qui a fait grand bruit, est l'un de ces combattants marocains du Vietnam qui a milité dans les rangs de l'ex-parti communiste marocain et siégé au sein de son comité central. Il a rejoint les rangs des révolutionnaires vietnamiens à la demande de Ho Chi Min pour prendre en charge l'entraînement et l'encadrement des combattants marocains ayant déserté l'armée coloniale ou qui étaient tombés captifs des "Viet Minh".
Les survivants marocains de cette période se rappellent toujours ces péripéties. L'un d'eux Miloud Bensaleh Bouchaïb raconte dans un témoignage que Benomar Lahrach était responsable du camp de Son Tay chargé de la supervision des activités d'enseignement et d'endoctrinement révolutionnaire.
Ce témoin raconte que le cadre militaire marocain faisait partie de la hiérarchie militaire vietnamienne et son action était d'une haute importance dans l'issue de la confrontation avec les troupes coloniales.
La direction révolutionnaire vietnamienne a convenu, par la suite, de regrouper les combattants nord-africains au Son Tay sur les contreforts du mont Ba Vin pour les préparer à la constitution de cellules de guérilla anti-coloniales dans leurs propre pays, sous l'encadrement de militaires vietnamiens en charge surtout de l'endoctrinement idéologique.
L'opération qui a reçu l'aval personnel de Ho Chi Min devait s'installer dans la durée, ce qui a permis à ces éléments de se marier avec des vietnamiennes, d'exercer des métiers dans les filières de leur formation et de vivre en harmonie avec la population.
La construction de la Porte des Marocains date de cette époque, précisément entre 1954 et 1960, raconte à la MAP le gouverneur de la région. Les Marocains avec d'autres compagnons d'armes étrangers s'occupaient alors de l'élevage bovin et de la production de lait dans le Kolkoze. Les Marocains avaient été les derniers à partir en 1965, avec l'intensification des bombardements américains sur le Vietnam du Nord. Ils ont été transférés plus au nord à Yen Baï (160 km au nord de Hanoï).
Dans cette contrée éloignée de leur premier point de fixation, les Marocains ont commencé une autre aventure tourmentée, en voyant s'éloigner la perspective d'un retour proche à la mère patrie, qu'ils ont quittée 18 ans durant, surtout après le retour au Maroc de Benomar Lahrach, dont la présence représentait une sorte de protection.
Après moult péripéties marquées par les affres de l'éloignement et la rupture des contacts avec les leurs, des tentatives pour nouer le contact notamment avec l'ambassade du Maroc à Pékin ont fini par donner des résultats concluants en 1969, ce qui a balisé la voie au rapatriement de ceux qui restaient en vie parmi eux.
C'est ainsi que cette aventure a pris fin pour quelque 70 survivants marocains de cette Odyssée avec l'atterrissage de l'avion qui les ramenait à la base militaire de Kénitra, le 15 janvier 1972. Après l'ouverture de l'ambassade du Maroc à Hanoï en 2006 (les deux pays disposaient d'ambassadeurs itinérants depuis 1961), Houssein Ferdani, premier ambassadeur résidant à Hanoï, s'était trouvé confronté aux prolongements de ce dossier épineux.
Le premier à avoir déterré ce dossier, relate l'ambassadeur, est la chercheuse académique Nilcey Delanoe, professeur d'histoire à l'université de Nanterre, née au Maroc. Son père n'est autre que Guy De Lanoé, président du Mouvement "Conscience française", et l'un des 75 signataires de la pétition pour le retour d'exil de feu Mohammed V.
Cette chercheuse a eu plusieurs rencontres avec les Marocains revenus du Vietnam et rassemblé leurs témoignages sur cette époque, indique le diplomate marocain. Il raconte comment il a été instruit par cette chercheuse sur l'existence d'un monument dédié aux Marocains mais dont la localisation, dit-il, équivaut à la recherche d'une aiguille dans une botte de foin. Le site n'a pu être localisé qu'au prix de recherches laborieuses, grâce notamment à une vieille femme qui connaissait les soldats marocains.
"Nos efforts ont ainsi été couronnés de succès", souligne l'ambassadeur, d'autant que les autorités locales représentées par le comité populaire local ont accueilli très favorablement le geste marocain et montré leur disposition à oeuvrer à la restauration du site.
Dans cette perspective, les contacts avec les ministères de la culture et des affaires étrangères ont débouché sur l'allocation d'une enveloppe financière qui, bien que modeste, va permettre de restaurer "Bab Al Maghariba" pour qu'elle demeure une imposante illustration de l'Odyssée marocaine au Vietnam.
Abderrazak Tribak - MAP
Ces Marocains qui ont fini par se faire adopter par le pays d'accueil, où ils se sont mariés avec des vietnamiennes, ont été installés par le leader charismatique vietnamien Ho chi Minh dans cette partie du pays, jusqu'à leur retour au Maroc, en 1972.
La porte "Bab Al Maghabriba" reste un témoin vivant de cette présence marocaine en terre vietnamienne. Elle servait de porte d'entrée du Kolkoze spécialisé dans l'élevage bovin dont s'occupaient les anciens combattants de l'armée française qui ont été faits prisonniers ou qui ont rallié les résistants vietnamiens.
Seuls "Bab Al Maghariba" et quelques dépendances qui servent d'habitations à des ruraux viétnamiens demeurent encore en l'état dans ce kolkoze, au milieu de plantations de maïs. La masse imposante du portail offre un paysage insolite au cÂœur de cette nature verdoyante, avec cette ressemblance frappante avec Bab Assoufara à Rabat ou Bab Boujloud à Fès.
Malgré les vicissitudes du temps et le délaissement dont il a pâti, après le départ du dernier soldat marocain en 1965, ce monument, assailli par la jungle, continue à défier le temps, symbolisant la présence marocaine dans ces lieux et les sacrifices consentis par les Marocains aux cô tés de leurs frères d'armes vietnamiens pour la cause de la liberté.
Hussein Ferdani, un Marocain qui a à coeur la préservation de ce legs patrimonial, a déployé moult efforts pour sensibiliser les autorités locales à la conservation du site, et réussi à obtenir un financement modeste pour la restauration de l'édifice.
Pour comprendre les péripéties de cette aventure marocaine au Vietnam, il faut revenir au 2 décembre 1945, lorsque Ho Chi Min a annoncé à Hanoï, en présence de Bao Dai, dernier empereur vietnamien, la proclamation de la République démocratique du Vietnam, que la France coloniale a tout de suite rejetée, partant de sa vision d'une "Union Française" groupant dans le même giron ses possessions coloniales.
Il s'en est suivi, le conflit armé entre les troupes coloniales et les insurgés vietnamiens, déclenché par le bombardement du port de Haiphon, le 23 novembre 1946, pour se terminer avec le désastre de Dien Bien Phu, lequel a sonné le glas de la présence française, pour que le terrain soit cédé aux Américains.
La France avait engagé les hostilités en mobilisant près de 200 milles soldats, levés dans ses territoires sous sa domination coloniale en Afrique du Nord et en Afrique Noire, de préférence parmi les populations rurales jeunes et disposant d'un physique robuste pouvant supporter les rudes conditions de combat en terre inhospitalière. Ces soldats, parmi lesquels des milliers de Marocains, ont constitué l'avant-garde des troupes françaises.
Des milliers de conscrits ont trouvé la mort au combat, des centaines d'autres ont été fait prisonniers alors que d'autres ont fait le choix de rallier les forces vietnamiennes insurgées, surtout que la stratégie de Ho Chi Min était basée, entre autres, sur l'intensification des campagnes médiatiques et la guerre psychologique ciblant notamment les combattants originaires des possessions coloniales de la France, noyau dur des troupes combattantes, pour les encourager à faire sédition et rejoindre ses forces.
Hamed Benomar Lahrach, (1914-1971), dont la vie est racontée par Abdellah Sâaf dans un livre qui a fait grand bruit, est l'un de ces combattants marocains du Vietnam qui a milité dans les rangs de l'ex-parti communiste marocain et siégé au sein de son comité central. Il a rejoint les rangs des révolutionnaires vietnamiens à la demande de Ho Chi Min pour prendre en charge l'entraînement et l'encadrement des combattants marocains ayant déserté l'armée coloniale ou qui étaient tombés captifs des "Viet Minh".
Les survivants marocains de cette période se rappellent toujours ces péripéties. L'un d'eux Miloud Bensaleh Bouchaïb raconte dans un témoignage que Benomar Lahrach était responsable du camp de Son Tay chargé de la supervision des activités d'enseignement et d'endoctrinement révolutionnaire.
Ce témoin raconte que le cadre militaire marocain faisait partie de la hiérarchie militaire vietnamienne et son action était d'une haute importance dans l'issue de la confrontation avec les troupes coloniales.
La direction révolutionnaire vietnamienne a convenu, par la suite, de regrouper les combattants nord-africains au Son Tay sur les contreforts du mont Ba Vin pour les préparer à la constitution de cellules de guérilla anti-coloniales dans leurs propre pays, sous l'encadrement de militaires vietnamiens en charge surtout de l'endoctrinement idéologique.
L'opération qui a reçu l'aval personnel de Ho Chi Min devait s'installer dans la durée, ce qui a permis à ces éléments de se marier avec des vietnamiennes, d'exercer des métiers dans les filières de leur formation et de vivre en harmonie avec la population.
La construction de la Porte des Marocains date de cette époque, précisément entre 1954 et 1960, raconte à la MAP le gouverneur de la région. Les Marocains avec d'autres compagnons d'armes étrangers s'occupaient alors de l'élevage bovin et de la production de lait dans le Kolkoze. Les Marocains avaient été les derniers à partir en 1965, avec l'intensification des bombardements américains sur le Vietnam du Nord. Ils ont été transférés plus au nord à Yen Baï (160 km au nord de Hanoï).
Dans cette contrée éloignée de leur premier point de fixation, les Marocains ont commencé une autre aventure tourmentée, en voyant s'éloigner la perspective d'un retour proche à la mère patrie, qu'ils ont quittée 18 ans durant, surtout après le retour au Maroc de Benomar Lahrach, dont la présence représentait une sorte de protection.
Après moult péripéties marquées par les affres de l'éloignement et la rupture des contacts avec les leurs, des tentatives pour nouer le contact notamment avec l'ambassade du Maroc à Pékin ont fini par donner des résultats concluants en 1969, ce qui a balisé la voie au rapatriement de ceux qui restaient en vie parmi eux.
C'est ainsi que cette aventure a pris fin pour quelque 70 survivants marocains de cette Odyssée avec l'atterrissage de l'avion qui les ramenait à la base militaire de Kénitra, le 15 janvier 1972. Après l'ouverture de l'ambassade du Maroc à Hanoï en 2006 (les deux pays disposaient d'ambassadeurs itinérants depuis 1961), Houssein Ferdani, premier ambassadeur résidant à Hanoï, s'était trouvé confronté aux prolongements de ce dossier épineux.
Le premier à avoir déterré ce dossier, relate l'ambassadeur, est la chercheuse académique Nilcey Delanoe, professeur d'histoire à l'université de Nanterre, née au Maroc. Son père n'est autre que Guy De Lanoé, président du Mouvement "Conscience française", et l'un des 75 signataires de la pétition pour le retour d'exil de feu Mohammed V.
Cette chercheuse a eu plusieurs rencontres avec les Marocains revenus du Vietnam et rassemblé leurs témoignages sur cette époque, indique le diplomate marocain. Il raconte comment il a été instruit par cette chercheuse sur l'existence d'un monument dédié aux Marocains mais dont la localisation, dit-il, équivaut à la recherche d'une aiguille dans une botte de foin. Le site n'a pu être localisé qu'au prix de recherches laborieuses, grâce notamment à une vieille femme qui connaissait les soldats marocains.
"Nos efforts ont ainsi été couronnés de succès", souligne l'ambassadeur, d'autant que les autorités locales représentées par le comité populaire local ont accueilli très favorablement le geste marocain et montré leur disposition à oeuvrer à la restauration du site.
Dans cette perspective, les contacts avec les ministères de la culture et des affaires étrangères ont débouché sur l'allocation d'une enveloppe financière qui, bien que modeste, va permettre de restaurer "Bab Al Maghariba" pour qu'elle demeure une imposante illustration de l'Odyssée marocaine au Vietnam.
Abderrazak Tribak - MAP