Berlin perd patience face aux scandales de l'industrie automobile


Jeudi 27 Juillet 2017 - 14:38
AFP


A deux mois des législatives, Berlin a haussé le ton jeudi contre l'un des fleurons de l'économie allemande, l'automobile, décrédibilisée par les soupçons de cartel et de tricherie sur les émissions polluantes des véhicules diesel.


"Une part du lien de confiance non seulement entre l'industrie automobile et les consommateurs mais également entre l'industrie automobile et les responsables politiques a été détruit", a estimé en des termes inhabituellement durs la ministre allemande de l'Environnement, Barbara Hendricks, à l'issue d'une entrevue avec le patron de Volkswagen.

Cette posture tranche avec la traditionnelle harmonie entre le gouvernement allemand et ce secteur clé, l'un des plus grands employeurs et exportateurs du pays.

- 'Trop confiants' -

"L'industrie automobile est sans conteste un pilier important de l'économie allemande dont dépendent plusieurs centaine de milliers d'emplois et c'est pourquoi les responsables politiques avaient toujours une oreille attentive à ses intérêts", a rappelé la ministre devant la presse.

Mais "la proximité entre responsables politiques et industrie a été trop grande dans le passé et a conduit à ce que l'industrie automobile se sente, d'une certaine façon, trop confiante", a jugé Mme Hendricks, membre SPD du gouvernement de coalition entre les sociaux-démocrates et les conservateurs de la chancelière Angela Merkel.

Cette mise au point intervient près de deux ans après la révélation, en septembre 2015, que le groupe Volkswagen (marques Porsche, Seat, Audi, etc) a installé sur 11 millions de ses véhicules diesel dans le monde un logiciel lui permettant de faire passer ses engins pour moins polluants qu'ils n'étaient vraiment.

Un scandale qui a coûté cher à Volkswagen, à la fois financièrement et en terme d'images. Il fait boule de neige dans l'ensemble du secteur.

Dans plusieurs pays, des constructeurs font l'objet d'enquêtes ou de poursuites judiciaires et sont sommés par investisseurs et clients de rendre des comptes.

Toujours prompt à batailler pour défendre les intérêts de ses constructeurs en Chine ou dans l'UE - Angela Merkel l'a fait pendant des années pour limiter les contraintes environnementales - Berlin a dernièrement semblé prendre ses distances, dans le sillage du scandale du diesel.

"Une voiture Made in Germany avait jadis une bonne réputation, mondialement", regrette l'hebdomadaire Die Zeit, qui craint la perte de vitesse des constructeurs allemands si rien n'est fait.

La pression sur le gouvernement Merkel s'est encore accentuée avec les informations du Spiegel de vendredi. Le magazine affirme que les constructeurs allemands auraient tenu pendant plus de 20 ans des réunions secrètes pour s'accorder sur nombre d'aspects techniques de leurs voitures. Ils auraient ainsi lésé possiblement consommateurs et sous-traitants, posant les bases de la tricherie sur les émissions polluantes.

Dans la foulée, les Verts ont exigé, sans succès, le départ du ministre des Transports (CSU), Alexander Dobrindt, l'accusant d'avoir fermé les yeux.

A moins de deux mois des élections législatives allemandes du 24 septembre, le dossier est à la fois prioritaire et extrêmement sensible.

- Sommet sur le diesel -

Pris en tenaille entre le souci de ne pas léser l'industrie automobile, vitale pour le pays, et leurs obligations en matière de santé publique, Mme Hendricks et M. Dobrindt ont invité constructeurs et pouvoirs publics à un "forum national sur le diesel" le 2 août.

Les participants espèrent en ressortir avec des solutions concrètes et uniformes pour réduire les émissions d'oxydes d'azote en Allemagne, alors que plusieurs villes du pays réfléchissent à interdire à la circulation, les jours de forte pollution, les véhicules roulant au gazole, et que les consommateurs se détournent du diesel.

Le bras de fer a commencé. La ministre de l'Environnement a affirmé que les interdictions de circulation, redoutées par les constructeurs, pouvaient être nécessaires malgré les signes de bonne volonté de l'industrie automobile.

Volkswagen s'est dit prêt jeudi à améliorer près d'un million de voitures diesel supplémentaires en Allemagne, dont des Porsche, afin d'en réduire les émissions polluantes.

Sa marque Audi veut rappeler jusqu'à 850.000 véhicules diesel en Europe. Daimler va étendre une mesure de rappel à plus de trois millions de véhicules diesel Mercedes-Benz sur le Vieux continent, tandis que BMW est prêt à corriger 50% de sa flotte diesel Euro-5 dans le pays, soit environ 350.000 véhicules.


           

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