Blé: L'Afrique futur grenier du monde? Rien ne l'empêche théoriquement !


Jeudi 10 Mars 2016 - 11:43
AA - Tunis - Esma Ben Said avec la contribution de Mahamat Ramadane et Fiston Mahamba


L'Afrique, dont la population explosera démographiquement d'ici 2050, devrait produire, plutôt qu'importer son blé, afin d'assurer sa sécurité alimentaire, préconise les experts.


L'Afrique, futur grenier du monde ? Pas impossible, si le continent parvient à passer d'importateur compulsif de blé à producteur, dans un continent qui possède d'immenses terres arrables, un climat favorable, et où la demande explose sous l'effet de l'accroissement démographique et du développement urbain, estiment les experts interrogés par Anadolu.

En 2015, les agriculteurs africains ont cultivé 27.2 millions de tonnes du blé consommé localement tandis que les pays africains ont dépensé plus de 12 milliards de dollars, pour importer quelques 43 millions de tonnes de blé, en 2015 (une légère baisse par rapport à 2014 mais 9 % de plus que la moyenne des cinq dernières années), selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) qui prévoit une croissance constante pour les prochaines années.

«Une tendance qui doit à tout prix changer pour que l’Afrique, qui possède tous les atouts nécessaires, puisse enfin assurer sa sécurité alimentaire, se protéger contre les aléas des marchés mondiaux et contre l’instabilité politique, surtout que la demande en blé explosera dans l'ensemble du monde dans les prochaines années», estime Abdérahim Moussa Djarma expert et enseignant chercheur tchadien de l'institut universitaire agroalimentaire d'Ati,joint par Anadolu.

A l’horizon 2050, l'Afrique connaîtra sa plus grande explosion démographique puisqu'elle comptabilisera 1/4 de la population mondiale (contre 16% aujourd’hui), et revendiquera trois des dix pays les plus peuplés de la planète, à savoir le Nigéria, la RD Congo (RDC) et l’Ethiopie, qui enregistreront près de 755 millions d’habitants à eux trois, selon des prévisions publiées le 18 août 2015 aux Etats-Unis par le Population Reference Bureau (PRB).

Cette croissance démographique exponentielle en cours, s’accompagne d’une émergence d’une «classe moyenne», qui constitue déjà 34% des quelque 1,1 milliard d’Africains, aujourd’hui, et qui devrait atteindre 42% d’ici 2060, d’après la Banque Africaine de développement.

Un nouveau type de population, donc, avec de nouvelles habitudes alimentaires. Les Africains réclament en effet davantage de produits transformés, plus rapides et faciles à consommer. Un phénomène qui consolide donc la place du blé (pain, pâtes alimentaires) au détriment du maïs ou du sorgho, souligne Jules Mbaïtésem, expert au Centre tchadien de contrôle qualité des denrées alimentaires, joint par Anadolu.

Si la consommation rurale reste prépondérante (Les deux tiers de la production sont absorbés par les campagnes, selon la FAO) en ville, la demande augmente sans cesse et seule l’importation peut pallier le déficit, au bonheur des exportateurs (surtout français en Afrique).

L’Egypte, premier importateur mondial a d’ailleurs dernièrement sauvé, les cours du blé européen en procédant à l’achat en février dernier, de 300 mille tonnes à la France, la Roumanie, l’Argentine et l’Ukraine, renseigne le cabinet Inter-Courtage.

Pourtant, l’Afrique pourrait tout à fait se passer de ces importations, assurent les experts qui estiment que le potentiel économique et biologique du continent permet l’autosuffisance, et plus encore, l'exportation.

«Les pays africains disposent de plus de 40% des réserves mondiales de terres exploitables mais aussi, la majorité d'entre eux, d’une condition climatique nettement favorable à la production du blé en grandes quantité et qualité», ajoute l’expert tchadien Djarma.

En effet, rien qu'avec l'eau de pluie, sans irrigation, mais avec les apports en fertilisants appropriés, «20 à 100% des terres arables» seraient propres à la culture du blé en Angola, Burundi, Éthiopie, Kenya, Madagascar, Mozambique, Rwanda, Tanzanie, RDC, Ouganda, Zambie et Zimbabwe, affirme une étude du Centre international d'amélioration du maïs et du blé, (CIMMYT) ONG basée à Mexico qui a étudié, en 2012, la situation des 12 pays.

La modélisation des cultures dans ces pays laisse même envisager un rendement de 1,2 à 3 tonnes/ha pour la majorité des pays d'Afrique centrale et orientale, dépassant même 4 t/ha sur les plateaux tempérés du Rwanda, Burundi et d'Ouganda - même si, reconnait l'étude, ces projections sont «probablement supérieures aux réalités du terrain».

Exemple des plus saillants, la RDC qui importe actuellement près de 80% de ses besoins en blé en provenance des pays de l’Afrique de l’Est (notamment l’Ethiopie qui produit environ 4,6 millions de tonnes de blé) d’après Kinshasa, «alors qu’elle a de quoi produire et même exporter», assure André Moliro, coordonnateur de l'organisation Congo Hopeland, qui agit pour l'intégration de la jeunesse dans l'agriculture au Congo.

«La RDC possède en effet 80 millions d’hectares arables et 4 millions de terres irrigables. Avec des terres dont la potentialité est aussi importante, le pays pourra booster son économie, donner de l'emploi aux jeunes encore sous le joug du chômage et éventuellement devenir l'un des plus grands pays exportateurs de blé en Afrique» dit-il.

Pour cela, le gouvernement devrait élever le budget lié au secteur agricole qui aujourd'hui atteint moins de 3% du budget national, sécuriser les milieux ruraux et encourager l'investissement des privés dans le domaine agricole en les exonérant de certaines taxes, préconise Moliro.

Mais atteindre l'autosuffisance risque d'être long, tempère l’étude qui précise que «le potentiel biologique est là, encore faut-il avoir accès aux marchés».

Les pays ayant un grand potentiel pour la production accrue de blé devront faire d’importants investissements dans l’infrastructure et l’appui technique nécessaires, tels que de nouvelles variétés améliorées de blé adaptées à ces régions, un secteur semencier efficace et le développement de chaînes de valeur de l’exploitation au marché pour les producteurs de blé, détaille le rapport.

Du côté des gouvernements, quelques efforts ont été enregistrés ces dernières années, comme au Mali qui a initié, en 2013 une campagne de multiplication de variétés prometteuses de blé.

En Egypte, une politique récente de réduction de la consommation de la céréale dans le pays et d’augmentation de la production nationale a fait ses preuves, Les importations de blé en 2015 ont varié entre 4 et 5 millions de tonnes, contre 6 millions de tonnes en 2014. L’année prochaine la production égyptienne de blé devrait atteindre les 10 millions de tonnes contre 9 millions actuellement, selon les prévisions de la FAO.

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