Cannes : l'Iranien Bahman Ghobadi explore la scène musicale underground


Mardi 12 Mai 2009 - 09:45
AFP/Hiedeh FARMANI


Le réalisateur iranien Bahman Ghobadi explore la scène musicale underground téhéranaise et son jeu avec la censure dans "On ne sait rien des chats persans", qui inaugure le 14 mai la programmation "Un certain regard" du 62e Festival de Cannes.


Le film raconte l'histoire de deux jeunes musiciens qui essaient de monter un groupe pour jouer dans un festival en Europe après leur sortie de prison.
"C'est un visage différent et inconnu de Téhéran" avec de véritables musiciens, y compris des femmes interdites de chant public en solo, explique-t-il à l'AFP.
"De nombreuses libertés sociales ont été supprimées en Iran sans offrir de remplacement", dit-il en qualifiant sa dernière oeuvre de "cri contre le statu quo".
Toutes les productions artistiques, qu'elles soient littéraires, musicales ou cinématographiques, sont ainsi soumises à une autorisation du ministère de la Culture. De nombreux genres de musique dite occidentale sont interdits pour "décadence", comme le rap, qualifié d'"obscène".
Cela n'empêche pas l'apparition de groupes underground. Et une répression des concerts illégaux, avec l'arrestation par exemple en 2007 de 230 personnes assistant à un concert de rock près de la capitale.
Cela n'empêche pas non plus de nombreux musiciens de diffuser leurs tubes sur des sites internet, et même d'y tenir des compétitions.
"Nous avons passé beaucoup de temps avec ces gamins, écouté leurs histoires, leurs rêves, leurs déceptions", raconte à l'AFP le scénariste Hossein Mortezaïan Abkenar.
"Leurs paroles, leurs instruments ou leur musique, si elle est dansante, sont interdits", explique-t-il.
Pour Bahman Ghobadi, un fan de musique qui joue de la batterie et de l'harmonica, les "autorités craignent l'expérimentation, elles veulent que tout le monde joue la musique iranienne traditionnelle ou de la pop fade".
Le film inclut le groupe de rock et blues "Mirza", le rappeur "Hichkas", avec son hit "Khoda Pasho" (Réveillez Dieu), ainsi que des musiciens de pop iranienne ou de heavy metal.
M. Ghobadi, 40 ans, a fait lui-même l'expérience de la censure.
"Demi-Lune", primé au festival international de Saint-Sebastien 2006, a été interdit de diffusion en Iran "sous le prétexte qu'il incite au séparatisme kurde", a dit le réalisateur, qui est lui même kurde iranien.
Le film contait l'histoire d'un légendaire musicien kurde iranien envisageant de donner un dernier concert au Kurdistan irakien.
"On ne sait rien des chats persans", dont le titre évoque la discrétion des félins, est sa première oeuvre située dans la capitale.
"Un temps pour l'ivresse des chevaux", qui se passait au Kurdistan iranien, l'a révélé avec une Caméra d'or en 2000 au Festival de Cannes.
Comme le sujet, son dernier film est une production underground. Il n'a pas demandé d'autorisation de tourner, après s'être vu refuser un permis pour un autre projet.
Les grands cinéastes iraniens contemporains, comme Abbas Kiarostami, Palme d'or à cannes en 1997, ne peuvent généralement pas diffuser leurs films en Iran. Ils font la joie en revanche des festivals étrangers, ce qui leur assure une source de revenus.
Les musiciens qu'a filmé M. Ghobadi n'ont pas cette chance, remarque-t-il: "mon film est un hommage à ces gens".


           

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