Comment l'Arabie saoudite s'active contre ses critiques sur Twitter


Vendredi 8 Novembre 2019 - 09:17
AFP


Dubaï - Deux anciens employés de Twitter, un Américain et un Saoudien, ainsi qu'un second ressortissant saoudien viennent d'être inculpés aux Etats-Unis pour avoir fourni à Ryad des informations sur des utilisateurs du réseau social critiques envers la famille royale saoudienne.


Selon la justice américaine, le trio a procuré à Ryad les adresses de messagerie ou IP, les numéros de téléphone ou encore les dates de naissance de personnes critiques, sur Twitter, d'un personnage appelé "Royal Family Member-1" par un procureur américain.

Ce personnage ne serait autre, d'après le Washington Post, que le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane.

Voici un aperçu de la façon dont l'Arabie saoudite cible les dissidents et riposte aux critiques sur les réseaux sociaux.

Saoud al-Qahtani, un proche du prince Mohammed, a longtemps suscité la crainte dans le royaume, gagnant les surnoms de "Mr Hashtag" ou "seigneur des mouches" pour avoir dirigé une armée d'intervenants sur les réseaux sociaux chargés d'intimider ceux qui critiquent l'Arabie saoudite.

M. Qahtani a été écarté de la cour royale pour son rôle présumé dans le meurtre du journaliste critique du régime de Ryad Jamal Khashoggi, tué et démembré dans le consulat saoudien d'Istanbul.

Il n'est pas apparu en public depuis ce meurtre, commis début octobre 2018 et au retentissement planétaire. On ignore où il se trouve.

L'an dernier, le New York Times avait rapporté que M. Qahtani avait été l'artisan de la campagne destinée à harceler et à réduire au silence les critiques du royaume sur Twitter.

Selon le site d'investigation Bellingcat, il a également tenté "d'acquérir les moyens lui permettant d'interdire des comptes Twitter".

En septembre, Twitter a fermé des milliers de comptes dans le monde pour diffusion de fausses informations, y compris certains qui amplifiaient des messages pro-saoudiens dans le cadre d'une campagne de propagande régionale.

Il a aussi fermé le compte de M. Qahtani, suivi par environ 1,3 million de personnes.

L'Arabie saoudite a utilisé Twitter pour s'en prendre aux gouvernements critiques à son égard comme celui du Qatar, émirat qu'elle boycotte depuis juin 2017.

L'an dernier, une crise a éclaté avec Ottawa à cause d'un tweet en arabe de l'ambassade du Canada à Ryad appelant à la "libération immédiate" de militants saoudiens.

L'Arabie saoudite a expulsé l'ambassadeur du Canada et gelé tout commerce avec Ottawa.

Des responsables occidentaux ont indiqué que le Canada avait été prié de supprimer ce tweet, qui a été perçu comme une tentative de communiquer directement avec les Saoudiens, ce qui constitue une grave ingérence aux yeux de Ryad.

L'Arabie Saoudite compte plus de 11 millions d'utilisateurs de Twitter, selon la société de marketing et de recherche Talkwalker, qui précise qu'environ 70% des 34 millions d'habitants sont des "utilisateurs actifs des réseaux sociaux".

Mais la crainte de s'exposer à des poursuites a incité de nombreux Saoudiens à fermer leurs comptes Twitter.

Lors d'un débat télévisé l'an dernier, Abdallah al-Fawzan, membre du Conseil consultatif, a déclaré que les Saoudiens avaient le droit de qualifier une personne de "traître" si elle ne défend pas le pays ou reste silencieuse face aux critiques dirigées contre Ryad.

L'économiste saoudien Essam al-Zamil a été pris pour cible l'année dernière après avoir critiqué sur Twitter le projet du gouvernement d'introduire en Bourse le géant pétrolier Aramco.

Selon Human Rights Watch (HRW), M. Zamil, "qui a émis des doutes sur les projections de montants attendus de l'introduction en Bourse d'Aramco" est poursuivi en justice pour appartenance aux Frères musulmans, groupe déclaré hors-la-loi en Arabie saoudite.


           

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