Corée du Nord : Beaucoup de bruit pour rien ?


Lundi 30 Mars 2009 - 08:55
courrierinternational.com/Hwang Pang-yol


Pyongyang vient de placer le missile balistique Taepodong-2 sur le pas de tir. La communauté internationale entend sanctionner le régime nord-coréen s'il procède à un tel lancement. Une menace inutile puisque Pyongyang reviendra de toute façon à la table des négociations, estime un journal sud-coréen.


Corée du Nord :  Beaucoup de bruit pour rien ?
La Corée du Nord a annoncé, le 24 mars, son intention de ne pas participer aux prochains pourparlers à six [les deux Corée, Chine, États-Unis, Japon et Russie] sur son programme nucléaire, si le Conseil de sécurité des Nations unies la sanctionne pour le lancement d'une fusée prévu entre les 4 et 8 avril. "En refusant de nous reconnaître le droit de jouissance pacifique de l'espace, le Japon et les États-Unis violent l'esprit de la déclaration commune [des six pays] du 19 septembre 2005 basé sur le respect mutuel et l'égalité", dénonce le communiqué du ministère nord-coréen des Affaires étrangères. "Si le Conseil de sécurité donne raison à cette attitude hostile et discriminatoire, cela signifie qu'il invalide la déclaration commune. Par conséquent, ces négociations n'auront plus de sens", ajoute-t-il.
Ces propos ont une double signification. D'une part, Pyongyang veut être maître du jeu, en anticipant la réaction de la communauté internationale à ce futur lancement qui, d'après elle, ne devrait pas faire l'objet d'une sanction ; la résolution 1718 de l'ONU, qui lui en impose une série, a été adoptée en 2006 par le Conseil de sécurité suite à un essai nucléaire auquel elle avait procédé et ne peut être appliquée dans le cas d'un lancement de satellite [que la communauté internationale soupçonne d'être en fait un tir de missile]. D'autre part, pour beaucoup d'analystes sud-coréens, en dépit des apparences, ce lancement sera suivi d'une reprise de pourparlers. Kim Yong-hyon, professeur de l'Université Tongguk, croit qu'"il y aura dans l'immédiat des échanges verbaux assez violents, qui ne tarderont pas à laisser place à des négociations". "Les Nord-Coréens n'ont pas dit qu'ils ne toléreraient aucune sanction de l'ONU. Il s'agit surtout d'un avertissement de principe avant le passage à l'acte", commente un autre spécialiste de la diplomatie et de la sécurité.
La Corée du Sud et le Japon rappellent la possibilité d'une sanction, affirmant que le lancement d'une fusée correspondrait à une violation de la résolution 1718 du Conseil de sécurité, mais la Russie et surtout la Chine restent discrètes. Le représentant sud-coréen aux pourparlers à six, Wi Sung-rak, a reconnu, le 24 mars, après une rencontre avec son homologue chinois Wu Dawei, que "même si les deux pays sont d'accord sur la nécessité de réagir de manière solidaire, il y a une divergence quant au niveau de la riposte." De son côté, Washington risque d'être plus à l'écoute de Pékin, partenaire indispensable à sa sortie de crise économique. Séoul étudierait la possibilité d'appliquer à nouveau la résolution 1718 dont l'application est en réalité suspendue, mais les cinq membres permanents du Conseil de sécurité risquent de ne pas l'approuver de manière unanime.
Beaucoup d'analystes donnent raison à l'ancien président sud-coréen Kim Dae-jung, selon lequel "Pyongyang va tirer un missile, le président du Conseil de sécurité de l'ONU va publier un communiqué, les six pays vont revenir à la table des négociations". En prévision d'une réaction modérée des Américains et des Chinois, Kim Tae-hyo, secrétaire de la présidence sud-coréenne aux Stratégies internationales, veut s'assurer d'une marge de manœuvre. "Même si la Corée du Nord tire un missile, nous allons soutenir l'effort de la communauté internationale en vue de résoudre le problème du nucléaire nord-coréen par le dialogue", a-t-il déclaré le 23 mars. Les Nord-Coréens veulent fixer la limite des sanctions à son encontre et signifier sans doute qu'ils sont par ailleurs prêts à revenir aux pourparlers à six. La détention des deux journalistes américaines [qu'ils ont arrêtées le 17 mars à la frontière sino-nord-coréenne] peut leur offrir une occasion de reprendre contact avec les Américains. "Cette affaire pourra servir d'amortisseur aux menaces contre le Nord. Les deux femmes seront probablement relâchées après le lancement de la fusée", avance le professeur Kim.


           

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