Des "chais urbains" fabriquent du vin en plein Paris


Samedi 29 Octobre 2016 - 12:44
AFP


Du vin "made in Paris". A des centaines de kilomètres des vignobles français, des "chais urbains" se lancent à Paris dans l'élaboration de vin, avec l'idée de faire revivre la tradition viticole francilienne au plus près de "là où les gens le boivent".


"C'est la première fois qu'une société privée presse du raisin dans Paris intra muros", indique Mathieu Bosser, l'un des fondateurs des Vignerons Parisiens. A ses pieds, un jus pourpre s'écoule du pressoir.

Le premier millésime est sorti l'an dernier, mais le jus avait été extrait sur les lieux de récolte, dans la vallée du Rhône, avant d'être vinifié à Paris. Le 2016 est, lui, pressé à l'arrière de la boutique de 200 m2 dans le quartier branché du Marais, dans le coeur de Paris. Les raisins sont arrivés trois semaines plus tôt, avant d'être stockés dans une des cinq cuves en inox, de 30 hectolitres chacune.

Le travail de la vigne est la seule étape qui n'est pas réalisée dans la capitale. "Mais on suit le raisin du cep à son arrivée ici. On travaille avec des vignerons dont on connaît la méthode, et on connaît l'historique de chaque parcelle", assure Mathieu Bosser.

Avec ses quatre associés, ils ont officiellement ouvert leur chai au printemps, quelques mois après la Winerie Parisienne, désormais installée à Montreuil (à l'est de Paris) dans une ancienne imprimerie de 1.200 m2.

Ces "chais urbains" s'inspirent des "urban wineries" apparues à San Francisco avant d'essaimer à New York, Londres ou Hong Kong, et s'inscrivent dans une longue tradition de vin à Paris. L'épicentre en était la halle aux vins du quai Saint-Bernard, fondée en 1665, puis les entrepôts de Bercy, à partir de la fin du XIXe siècle, qui ont servi au stockage et à l'assemblage jusque dans les années 1970.

- Ressusciter une production francilienne -

Avant l'épidémie de phylloxera du XIXe siècle, "la région était un des premiers bassins de production français avec 44.000 hectares plantés, et il y a eu du vin fait sur l'île de la Cité (dans Paris), et en petite couronne", autour de la capitale, rappelle Adrien Pelissié, un des deux fondateurs de la Winerie Parisienne.

Il explique être guidé par un "intérêt pour la production en circuit court et la réimplantation de l'artisanat au coeur des villes", et souhaite "ressusciter le patrimoine viticole de Paris", avec l'objectif de produire "d'ici quatre à cinq ans un vin issu à 100% de l'agriculture francilienne".

Il y a bien déjà le vin du clos Montmartre, issu des vignes de la célèbre butte parisienne, mais la production reste confidentielle, avec moins de 2.000 bouteilles par an.

La Winerie Parisienne produit pour sa part environ 50.000 bouteilles annuellement, des assemblages de cépages de différentes régions pour une "signature innovante" mêlant, dit-elle, "gourmandise, intensité du fruit et équilibre".

Leurs homologues du centre de Paris, après 19.000 bouteilles en 2015, comptent en produire 35.000 en 2016: des monocépages (syrah, cinsault, grenache, grenache blanc) cultivés en bio ou biodynamie, axés sur la "fraîcheur".

"On se considère comme un domaine avec une cave déportée de 500 kilomètres. On veut produire le vin là où les gens le boivent", dit Mathieu Bosser.

"On pourrait faire le même vin en Bretagne mais on a un fil rouge pédagogique: montrer aux Parisiens comment on fait du vin", explique-t-il, en soulignant que le chai des Vignerons Parisiens se visite.

"Paris est une des villes où on boit le plus de vin au monde mais il n'est pas facile de voir comment il est fabriqué. Aujourd'hui, en deux stations de métro, c'est possible. Et si ça intéresse les gens, on les pousse à aller voir des vignes", dit Mathieu Bosser.

Leurs vins se retrouvent chez certains cavistes et sur quelques tables bistronomiques ou de chefs étoilés (Piège, Alleno...)


           

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