Pour la première fois depuis plus de dix ans, la majorité prend le risque de déplaire à une corporation qui fait pourtant partie de sa clientèle électorale : le ministère de la santé demande en effet aux médecins de s'engager à travailler ponctuellement dans les zones désertifiées, sous peine d'amende. Cette mesure de contrainte est fermement rejetée par la plupart des organisations de médecins libéraux.
Avec près de 2,6 millions de Français qui connaissent de sérieuses difficultés pour trouver un médecin, la progression des déserts médicaux s'est transformée en enjeu politique. Au ministère de la santé, on ne compte plus les lettres d'élus locaux s'alarmant de la disparition progressive des praticiens, en campagne ou en banlieue. Le projet de loi "Hôpital, patients, santé, territoire", de la ministre de la santé, Roselyne Bachelot, prévoit certes des mesures incitatives pour que les médecins s'installent dans les "zones blanches" (aides à la création de maisons médicales pluridisciplinaires, régionalisation de la répartition de l'offre médicale). Mais le gouvernement souhaite aller plus loin et demande un effort supplémentaire aux médecins dans le cadre des discussions tarifaires qu'ils mènent avec l'Assurance-maladie.
En contrepartie d'une revalorisation de la consultation du généraliste de 22 à 23 euros, que les médecins réclament depuis plusieurs mois, le gouvernement met en avant le principe d'un "Contrat santé-solidarité" : les praticiens qui souhaitent s'installer en "zones sur-denses" (soit la grande majorité des nouvelles installations), et ceux qui y exercent déjà, devront travailler ponctuellement en zones désertifiées, soit sous la forme d'une consultation en cabinet secondaire, soit en participant au système de gardes. S'ils refusent, ils devront payer une indemnité.
La menace de cette sanction financière a mis le feu aux poudres : "C'est une hérésie totale, réagit Michel Chassang, président de la Confédération syndicale des médecins français (CSMF), principale organisation représentative. Mettre en place une sorte de service médical obligatoire est inacceptable pour les médecins libéraux. Nous ne sommes pas en Union soviétique !"
L'initiative du gouvernement tranche avec la lune de miel qui caractérisait jusqu'ici les relations entre la droite et les médecins. Echaudée par l'expérience malheureuse des ordonnances Juppé en 1996, qui avait jeté plusieurs milliers de médecins dans la rue pour protester contre des mesures d'économies forcées - et abouti à la sanction des urnes un an plus tard, aux législatives -, la majorité s'était employée, depuis, à s'attirer à nouveau les grâces du corps médical. A peine réélu président de la République, en 2002, Jacques Chirac acceptait le passage de la consultation du généraliste à 20 euros et la fin de l'obligation d'effectuer des gardes de nuit et de week-end. S'appuyant sur la CSMF, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin réussissait ensuite à faire adopter le principe du médecin traitant et du parcours de soin coordonné, en 2004. Parallèlement, il fermait les yeux sur l'augmentation inquiétante des dépassements d'honoraires.
Mais les temps ont changé. Les difficultés d'accès aux soins des Français ont convaincu le président de la République de hausser le ton. "Nous avons trop longtemps laissé les professions de santé autogérer leur démographie, déclarait Nicolas Sarkozy le 18 septembre 2008. Il est temps d'agir et de faire des choix. Si certains ont du mal à le faire, nous les ferons à leur place." Ce changement fait plutôt consensus entre la majorité et l'opposition. " Le gouvernement a pris conscience que si on ne fait rien, on va vers une crise sanitaire forte, analyse Jean-Marie Le Guen, député (PS, Paris). Il paie très lourdement des années de laisser-faire, où on a arrosé le sable. Il est clair que les formes traditionnelles de la médecine libérale ne sont plus capables de relever le défi de la démographie médicale."
Les discussions entre les syndicats de médecins et l'Assurance-maladie étant dans l'impasse, la question pourrait être réglée par voie d'amendement, lors de l'examen de la loi sur l'hôpital par les députés. Le débat pourrait être musclé : "La démographie médicale et les dépassements d'honoraires cristallisent les passions, explique Jean-Marie Rolland, rapporteur (UMP, Yonne) de la loi, médecin de profession. Il y a un noyau de parlementaires UMP et de membres de l'opposition qui souhaitent que l'on soit plus coercitif et qui pourraient vouloir remettre en question la liberté d'installation des médecins."
Les bons connaisseurs du système de santé sont pourtant dubitatifs sur l'efficacité d'une telle mesure : "La coercition est une mesure inadaptée, explique Philippe Boënnec (UMP, Loire-Atlantique), également médecin. Plus on va mettre de contraintes à cette profession, plus elle va se décourager, alors qu'on manque de plus de plus de généralistes. Il faut au contraire les encourager en passant des contrats incitatifs, au niveau régional, pour qu'ils travaillent dans les zones déficitaires."
Avec près de 2,6 millions de Français qui connaissent de sérieuses difficultés pour trouver un médecin, la progression des déserts médicaux s'est transformée en enjeu politique. Au ministère de la santé, on ne compte plus les lettres d'élus locaux s'alarmant de la disparition progressive des praticiens, en campagne ou en banlieue. Le projet de loi "Hôpital, patients, santé, territoire", de la ministre de la santé, Roselyne Bachelot, prévoit certes des mesures incitatives pour que les médecins s'installent dans les "zones blanches" (aides à la création de maisons médicales pluridisciplinaires, régionalisation de la répartition de l'offre médicale). Mais le gouvernement souhaite aller plus loin et demande un effort supplémentaire aux médecins dans le cadre des discussions tarifaires qu'ils mènent avec l'Assurance-maladie.
En contrepartie d'une revalorisation de la consultation du généraliste de 22 à 23 euros, que les médecins réclament depuis plusieurs mois, le gouvernement met en avant le principe d'un "Contrat santé-solidarité" : les praticiens qui souhaitent s'installer en "zones sur-denses" (soit la grande majorité des nouvelles installations), et ceux qui y exercent déjà, devront travailler ponctuellement en zones désertifiées, soit sous la forme d'une consultation en cabinet secondaire, soit en participant au système de gardes. S'ils refusent, ils devront payer une indemnité.
La menace de cette sanction financière a mis le feu aux poudres : "C'est une hérésie totale, réagit Michel Chassang, président de la Confédération syndicale des médecins français (CSMF), principale organisation représentative. Mettre en place une sorte de service médical obligatoire est inacceptable pour les médecins libéraux. Nous ne sommes pas en Union soviétique !"
L'initiative du gouvernement tranche avec la lune de miel qui caractérisait jusqu'ici les relations entre la droite et les médecins. Echaudée par l'expérience malheureuse des ordonnances Juppé en 1996, qui avait jeté plusieurs milliers de médecins dans la rue pour protester contre des mesures d'économies forcées - et abouti à la sanction des urnes un an plus tard, aux législatives -, la majorité s'était employée, depuis, à s'attirer à nouveau les grâces du corps médical. A peine réélu président de la République, en 2002, Jacques Chirac acceptait le passage de la consultation du généraliste à 20 euros et la fin de l'obligation d'effectuer des gardes de nuit et de week-end. S'appuyant sur la CSMF, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin réussissait ensuite à faire adopter le principe du médecin traitant et du parcours de soin coordonné, en 2004. Parallèlement, il fermait les yeux sur l'augmentation inquiétante des dépassements d'honoraires.
Mais les temps ont changé. Les difficultés d'accès aux soins des Français ont convaincu le président de la République de hausser le ton. "Nous avons trop longtemps laissé les professions de santé autogérer leur démographie, déclarait Nicolas Sarkozy le 18 septembre 2008. Il est temps d'agir et de faire des choix. Si certains ont du mal à le faire, nous les ferons à leur place." Ce changement fait plutôt consensus entre la majorité et l'opposition. " Le gouvernement a pris conscience que si on ne fait rien, on va vers une crise sanitaire forte, analyse Jean-Marie Le Guen, député (PS, Paris). Il paie très lourdement des années de laisser-faire, où on a arrosé le sable. Il est clair que les formes traditionnelles de la médecine libérale ne sont plus capables de relever le défi de la démographie médicale."
Les discussions entre les syndicats de médecins et l'Assurance-maladie étant dans l'impasse, la question pourrait être réglée par voie d'amendement, lors de l'examen de la loi sur l'hôpital par les députés. Le débat pourrait être musclé : "La démographie médicale et les dépassements d'honoraires cristallisent les passions, explique Jean-Marie Rolland, rapporteur (UMP, Yonne) de la loi, médecin de profession. Il y a un noyau de parlementaires UMP et de membres de l'opposition qui souhaitent que l'on soit plus coercitif et qui pourraient vouloir remettre en question la liberté d'installation des médecins."
Les bons connaisseurs du système de santé sont pourtant dubitatifs sur l'efficacité d'une telle mesure : "La coercition est une mesure inadaptée, explique Philippe Boënnec (UMP, Loire-Atlantique), également médecin. Plus on va mettre de contraintes à cette profession, plus elle va se décourager, alors qu'on manque de plus de plus de généralistes. Il faut au contraire les encourager en passant des contrats incitatifs, au niveau régional, pour qu'ils travaillent dans les zones déficitaires."