Diego, pas fait pour ça


Mercredi 11 Février 2009 - 10:19
Le Monde.fr/François Bégaudeau, écrivain


Maradona brillera-t-il comme sélectionneur national ? Depuis quatre mois qu'il a pris ses fonctions, les résultats obtenus dans les éliminatoires sud-américains sont bons, mais la systématique qualification de l'Argentine pour le Mondial les rend insuffisamment probants.


Diego, pas fait pour ça
Pour spéculer sur la réussite future d'El Pibe, autant s'appuyer sur les statistiques historiques et voir si en général les sélectionneurs ayant reniflé des saladiers de cocaïne, frayé avec la mafia napolitaine et marqué des buts de la main s'en sortent mieux que les autres. On parviendra, ce faisant, à des conclusions étonnantes et incontestablement scientifiques.
On peut aussi examiner si les grands joueurs deviennent de grands entraîneurs. Là, bilan contradictoire. D'un côté, on ne sache pas que Pelé ait particulièrement brillé dans ce domaine. De l'autre il y a le Cruyff de Barcelone, le Beckenbauer du mondial 1990. Au milieu, le cas Platini, plutôt efficace pendant quatre ans à la tête de l'équipe de France, puis démuni à l'Euro 92. Découvrant peut-être, contrarié dans la structurelle volonté de puissance du numéro 10, que le roi sélectionneur est nu.
Dans l'autre sens, les meilleurs coachs de la dernière décennie, Mourinho, Scolari, Wenger, furent des joueurs moyens ; quant à nos récentes pointures hexagonales, Perrin d'abord prof de maths et Houllier d'abord prof d'anglais, elles démontrent implacablement que les clubs gagneraient à recruter leurs entraîneurs parmi le riche vivier des enseignants reconvertis experts en foot (fbegaudeau@free.fr).
Or les actuelles réussites de Blanc et Guardiola laissent accroire que d'avoir été grand joueur plutôt que prof de français en collège n'empêche pas de bien diriger un onze. S'il y a un début de vérité en ce domaine, le voici : la grande majorité des entraîneurs performants furent des joueurs dont le sens du placement et l'inclination à ajuster leur art à celui de l'équipe dénotaient une capacité pré-coacheuse à comprendre les tenants tactiques d'un match.
Parmi eux, beaucoup de 10 ou de meneurs reculés (Guardiola, donc), de 6 occupant le centre névralgique du jeu (Ancelotti, Puel), et bien sûr de libéros (si l'expression "patron de sa défense" a un sens, c'est Gerets qui l'accrédita au Standard de Liège puis au PSV).
Diego n'est pas de cette famille. On ne se souvient pas de lui tendant le bras pour replacer un partenaire, tel un Deschamps depuis le rond central puis le banc. Diego est un anarchiste tendance individualiste, un aventuriste comme on dit à l'extrême gauche. Il prend le ballon comme un mercenaire prend les armes, et vous révolutionne un match en quelques dribbles bien persos. A-t-il jamais réfléchi à ce jeu en termes de système ? Il est permis d'en douter.
Sa réussite - on la souhaite - sera la preuve qu'un sélectionneur vaut moins pour son génie tactique que pour son charisme. Son échec - on ne le souhaite que pour tout ce qu'il promet de moments romanesques - sera la preuve qu'un irrespectueux peine toujours à devenir respectable. Pas plus mal.


           

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