Douglas Kennedy : Maître de son destin


Mercredi 6 Mai 2009 - 15:56
canoe.ca


Adulé en France et habitué à voir ses romans atteindre le rang de best-seller, l’écrivain américain Douglas Kennedy n’a rien perdu de sa simplicité et de sa gentillesse. Avec Quitter le monde, il signe son neuvième roman avec un talent qui ne se dément pas.


Douglas Kennedy : Maître de son destin
Traduit sous toutes les latitudes et encensé presque partout où il passe, cet auteur de 54 ans originaire de Manhattan a probablement accordé plus d’entrevues qu’il ne reste de baleines bleues dans le monde! Il n’y a d’ailleurs qu’à l’interviewer pour comprendre à quel point il y est habitué, ce qui a ses avantages et ses inconvénients. Il parle donc avec aisance de son dernier-né sans se faire prier. D’un autre côté, il s’est probablement déjà fait poser toutes les questions possibles et inimaginables et y a vraisemblablement répondu.
La question qui revient le plus souvent (et que nous nous sommes évidemment empressés de rayer de notre liste) est: «Où trouvez-vous vos idées?» Entre deux bouchées de bagel tartiné de fromage à la crème qu’il savoure au restaurant chic de l’hôtel W où il a choisi de séjourner pendant son bref séjour à Montréal, Douglas Kennedy explique: «Honnêtement, c’est une question juste, car lorsqu’on voit ce pavé de 500 pages (i.e. Quitter le monde), il est normal de se demander comment j’ai pu écrire ça.»
Avant de répondre: «Aucune idée! Quand je commence un roman, je connais le narrateur et une partie du dénouement, mais le reste vient en cours de route.» Il savait donc que Jane Howard en serait l’héroïne, «une femme brillante qui, même si elle comprend la littérature et reconnaît que la vie n’est pas manichéenne, commettra d’énormes erreurs», et que la mort de son enfant dicterait le dénouement.
À cœur ouvert
Cinq cents pages plus tard, il reconnaît que, sans être autobiographique, son roman en dit également long sur lui et sur sa propre enfance. Tout comme Jane, il est né un 1er janvier et il a longtemps cherché à se démarquer et à se surpasser afin d’attirer l’attention de ses parents et d’obtenir, par ricochet, amour et reconnaissance.
«Rares sont ceux qui ont connu une jeunesse parfaitement heureuse et, une fois adulte, on passe finalement son temps à se relever des fautes qui nous ont fait souffrir. Ma mère a quitté son poste dans les années 50 afin de pouvoir m’élever et elle l’a toujours regretté. Elle me l’a dit clairement. Alors si mes romans marchent autant, je pense que c’est parce que j’écris mes propres contradictions en posant des questions évidentes et que mon truc, c’est la vie de couple et les tensions perpétuelles qu’elle génère entre désir d’enfants et rêve d’une vie indépendante.»
Le hasard
Cela dit, le destin joue un rôle à part entière dans toute l’oeuvre de Douglas Kennedy, chamboulant sans crier gare espoirs, carrière et relations sentimentales. «Dans ce roman, je tenais à montrer que le hasard est partout, peu importe les décisions qu’on prend. Quand j’avais 28 ans, par exemple, j’ai essayé de draguer une Écossaise dans un bar de Glasgow. Après deux verres, il était évident qu’elle pensait que j’étais nul, alors je l’ai remerciée pour la conversation et j’ai été me commander un taxi. Mais au moment d’y monter, un type s’est approché de moi en disant: «Je vais prendre ce taxi, mec.» Je l’ai laissé faire en lui souhaitant bon voyage, même s’il était clair qu’il aurait préféré une dispute. J’ai donc été me commander un deuxième taxi et, ce faisant, j’ai rencontré Grace, la femme avec laquelle j’ai été marié pendant près de 25 ans. Si le mec n’était pas arrivé et que j’avais pris le taxi, tout aurait été différent.»
De la même manière, s’il n’avait pas abordé une illustre inconnue en train d’acheter son tout premier roman dans une librairie de Londres alors qu’il n’était pas encore célèbre, Douglas Kennedy aurait peut-être signé des milliers d’autographes de plus. Car la femme l’a vertement rembarré avec un «Dégagez, connard!» et après ça, l’écrivain n’est plus jamais allé vers un lecteur ou une lectrice!


           

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