Mais l'armée, qui dirige de facto le pays depuis qu'elle a destitué le 3 juillet son successeur, le président islamiste Mohamed Morsi, a immédiatement coupé court aux spéculations, en prévenant que M. Moubarak ne serait pas libéré s'il sort de prison mais "assigné à résidence", probablement dans un hôpital militaire, selon des responsables de la sécurité.
Ce rebondissement ajoute à la confusion en Egypte où l'armée et la police mènent depuis plus d'une semaine une campagne de répression sanglante des manifestations des partisans de M. Morsi, premier président élu démocratiquement en Egypte et issu des Frères musulmans. Ce dernier est détenu au secret par l'armée et accusé de complicité de meurtres.
Mercredi, un tribunal a ordonné la remise en liberté de M. Moubarak, détenu depuis avril 2011, dans une affaire de corruption, la dernière qui le retenait derrière les barreaux dans l'attente de ses procès.
Mais le Parquet doit annoncer avant qu'aucune charge ne permet de garder l'ex-président en détention, ou en revanche l'inculper pour de nouvelles charges, comme cela a été le cas jusqu'à présent, pour le maintenir en détention préventive.
Si M. Moubarak sort de la prison de Tora du Caire, un hélicoptère militaire viendra le chercher, selon des hauts responsables du ministère de l'Intérieur cités par l'agence officielle Mena.
Agé de 85 ans et malade, il sera probablement transféré dans un des hôpitaux militaires où il a déjà séjourné depuis son arrestation.
Procès des Frères musulmans et Moubarak dimanche
Quelle que soit la décision du Parquet, M. Moubarak reste accusé et son procès pour "meurtre de manifestants" lors de la révolte de janvier-février 2011 reprendra dimanche au Caire. Il est aussi inculpé dans d'autres affaires de corruption et attend son jugement.
Le jour de la reprise de son procès doit s'ouvrir celui des dirigeants des Frères musulmans arrêtés par l'armée après le coup de force contre M. Morsi et ses partisans.
Le Guide suprême Mohamed Badie et ses deux adjoints, Khairat al-Chater et Rachad Bayoumi, doivent comparaître pour "incitation au meurtre" de manifestants anti-Morsi qui avaient attaqué le QG des Frères musulmans le 30 juin, journée de mobilisation massive pour réclamer le départ de M. Morsi.
Depuis une semaine, près d'un millier de personnes ont péri, pour l'immense majorité des pro-Morsi, quand militaires et policiers se sont lancés dans une répression sanglante de leurs manifestations et arrêté plus d'un millier d'islamistes. Le dernier en date est Ahmed Aref, porte-parole de la confrérie.
Face au coup porté aux Frères musulmans avec l'arrestation de ses chefs et l'autorisation donnée aux forces de l'ordre autorisées pour tirer, les islamistes peinent à mobiliser depuis quatre jours et seuls quelques centaines de personnes ont manifesté tout au plus.
"Vendredi des martyrs"
La journée de vendredi constituera un test de la capacité des Frères musulmans à rassembler dans la rue: les pro-Morsi appellent à de grandes manifestations pour le "vendredi des martyrs" après la mort de centaines de partisans du président déchu dans les violences.
L'armée s'est appuyée sur la mobilisation massive anti-Morsi du 30 juin pour justifier sa destitution, alors qu'une grande partie des Egyptiens reprochaient au président renversé d'avoir accaparé les pouvoirs au profit des Frères musulmans et d'avoir achevé de ruiner une économie exsangue.
Face à cet engrenage de la violence, l'Union européenne a décidé la suspension des licences d'exportation vers l'Egypte d'équipements sécuritaires et d'armes et va réexaminer l'aide importante qu'elle apporte au Caire.
Washington fait également peser la menace d'une rupture des aides financières, mais l'Arabie saoudite a promis qu'elle compenserait avec ses alliés du Golfe tout arrêt de l'aide occidentale.
En une semaine, au moins 970 personnes ont péri dans les heurts entre pro-Morsi et forces de l'ordre, selon un décompte de l'AFP, incluant 102 policiers tués par des manifestants ou islamistes. Ce bilan en une semaine est plus important que celui de 850 morts en 18 jours de révolte contre M. Moubarak en 2011.
Alors que la répression fait craindre un retour des islamistes à la clandestinité et une radicalisation de leur frange la plus dure, 25 policiers ont été tués lundi dans le Sinaï, l'attentat le plus meurtrier depuis des années contre la police.
Jeudi, deux soldats ont encore péri dans une attaque contre leur convoi à Ismaïliya, sur le canal de Suez, selon des sources de sécurité.
Enfin, Human Rights Watch a dénoncé des attaques contre 42 églises et de nombreuses écoles, maisons et entreprises tenues par des coptes, les chrétiens d'Egypte, et rapporté des témoignages accusant les forces de l'ordre d'avoir été absentes lors de ces attaques confessionnelles.