Élections au Maroc : un test pour les partis traditionnels et l’opposition islamiste


Vendredi 25 Novembre 2011 - 17:17
Abdelmalek Alaoui Analyste politique - leplus.nouvelobs.com


Alors que les Tunisiens ont élus le 23 octobre dernier leurs représentants à l’Assemblée constituante, les Marocains vont à leur tour élire leurs députés au Parlement, lors d’élections législatives anticipées le 25 novembre. Premier scrutin depuis le référendum organisant un changement constitutionnel, ces élections s’annoncent comme un véritable test pour les partis traditionnellement au pouvoir et l’opposition islamiste, sur fond de politisation de la jeunesse et de processus d’individualisation de la société.


Manifestation du Mouvement du 20 février pour le boycott des élections, Casablanca, Maroc, 20 novembre 2011 (Abdeljalil Bounhar/SIPA)
Manifestation du Mouvement du 20 février pour le boycott des élections, Casablanca, Maroc, 20 novembre 2011 (Abdeljalil Bounhar/SIPA)
Mais malgré des similitudes à l’échelle régionale dans l’attente de changements, dans l’usage des nouvelles technologies d’information et de communication et les craintes devant l’avenir, il importe de replacer les élections marocaines dans une histoire et des pratiques nationales.

Derrière le "Printemps arabe", tant les logiques à l’œuvre en faveur de la réforme que la mobilisation de la jeunesse s’inscrivent en effet dans un temps plus long que celui du seul événement. Ainsi, la réforme constitutionnelle adoptée au Maroc en juillet dernier est certes une réponse aux manifestants présents dans les rues, mais elle s’inscrit également dans le calendrier des réformes entreprises par la monarchie depuis plusieurs années, en ouvrant notamment la voie à un processus de décentralisation avancée en faveur des régions.

Une mobilisation populaire innovante

De même, la mobilisation populaire au Maroc à la suite de la chute de Ben Ali en Tunisie n’est pas nouvelle. Elle prolonge un cycle de protestations collectives, né à la faveur de l’ouverture de l’espace public dans les mois qui suivirent l’accession au pouvoir de Mohammed VI en 1999, tout en innovant néanmoins dans deux domaines :

- D’abord, alors que les revendications se cantonnaient précédemment à un registre socio-économique, le cahier revendicatif s’est ouvertement politisé.
 

 
 

- Ensuite, contrairement aux actions protestataires antérieures, locales ou sectorielles, le Mouvement du 20 février a coordonné à l’échelle nationale les manifestations grâce à l’utilisation des réseaux sociaux et d’Internet.

La principale différence entre la Tunisie et le Maroc réside toutefois dans une intégration précoce des islamistes dans le jeu politique. Contrairement au parti islamiste tunisien Ennahda, interdit en 1989, le Parti de la justice et du développement (PJD) marocain dispose de représentants élus depuis les élections législatives de 2002, et il participe à la vie politique nationale et locale, gérant notamment plusieurs municipalités.

Vers un raz de marée du PJD ?

L’hypothèse d’un raz de marée des électeurs en faveur du PJD sous l’effet du "Printemps arabe" doit en cela être replacée dans une histoire des pratiques et des implantations.


Abdelilah Benkirane, secrétaire général du PJD, Casablanca, Maroc, le 21 novembre 2011  (Abdeljalil Bounhar/SIPA)
Abdelilah Benkirane, secrétaire général du PJD, Casablanca, Maroc, le 21 novembre 2011 (Abdeljalil Bounhar/SIPA)
Les résultats électoraux des législatives de 2007 ont montré un PJD urbain, très présent dans les villes suivant un axe Tanger-Casablanca, mais bien moins implanté dans les campagnes et le Sud du pays, cette dernière région étant plutôt un fief de l’Istiqlal.

 
Ensuite, en acceptant d’entrer dans le jeu électoral, le PJD s’est éloigné d’électeurs plus radicaux, à commencer par les partisans de l’association Justice et Bienfaisance, interdite mais tolérée par les autorités.
 

 
Enfin, les débats des derniers mois sur la blogosphère marocaine montrent une opinion davantage attentiste que convaincue par le discours du PJD, tout comme d’ailleurs des autres partis.

Ruptures et permanences

Dans ce contexte, la continuité risque fort de prendre le pas sur la rupture même si, du fait du "Printemps arabe", du référendum constitutionnel et du récent scrutin tunisien, la mobilisation devrait être supérieure aux élections de 2007, avec seulement 37% de taux de participation.

Quoi qu’il en soit, la tâche s’annonce difficile pour le nouveau gouvernement qui devra poursuivre la lutte contre la pauvreté et répondre aux attentes qui demeurent, notamment dans le domaine de la lutte contre la corruption. Et à cet égard, si la croissance cette année a souffert de la diminution du nombre de touristes, la récente annonce du canadien Bombardier de construire une usine de composants aéronautiques dans la banlieue de Casablanca montre que le royaume pourrait bien bénéficier des craintes des investisseurs devant une instabilité des autres pays de la région.

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