En Afrique du Sud, les chasseurs de coronavirus entrent dans les townships


Samedi 4 Avril 2020 - 12:03
AFP


Johannesburg - Armés des questionnaires et de kits de dépistage, ils sont l'avant-garde d'une armée en combinaisons bleues levée par les autorités pour aller débusquer le coronavirus au coeur des townships les plus menacés d'Afrique du Sud.


Ce matin, leur petite escouade s'est enfoncée entre les immeubles du quartier de Yeoville, tout près du centre de Johannesburg. Un des hauts-lieux de la pauvreté et du trafic de drogue dans la plus grande ville du pays.

"On a demandé à un habitant de faire le tour de tout le pâté de maisons pour que tout le monde vienne consulter et, si possible, se faire tester", dit l'infirmière Xola Dlomo.

En plein confinement, quelques-uns ont répondu à l'appel. "Ils sont là et même prêts à un test", se réjouit-elle.

Le président Cyril Ramaphosa a imposé à ses 57 millions de compatriotes de rester chez eux pendant au moins trois semaines, dans l'espoir de ralentir la progression inquiétante de la pandémie sur son territoire.

Le Covid-19 n'a pour l'heure contaminé que 1.500 personnes et fait 7 morts dans le pays, bien loin des milliers de victimes recensées dans certains pays européens.

Mais il a commencé à faire son apparition dans les townships. Le chef de l'Etat redoute par dessus tout qu'il ne se propage à toute vitesse dans ces taudis où vivent, entassées les unes sur les autres, les populations les plus pauvres du pays, souvent sans eau et sans toilettes.

Pour en avoir le coeur net, il a lancé une campagne de dépistage, inédite en Afrique, qui doit mobiliser 10.000 médecins, infirmières et bénévoles. Leur mission ? Traquer l'infection, porte à porte, chez les plus vulnérables.

A Yeoville, ces fantassins, répartis en huit petits groupes, sont chargés de ratisser un kilomètre carré.

"Notre but, c'est d'informer les gens. Certains ne comprennent pas la quarantaine", explique leur chef, Kegorapetse Ndingandinga, "leur santé est notre priorité absolue".

La tête en arrière, Michael Moshane, 58 ans, se prépare à un prélèvement nasal, assis sur un mur en briques. "C'est un peu désagréable mais il faut être fort", dit-il, "c'est indispensable pour savoir dans quel état vous êtes".

A ce jour, un peu plus de 47.500 tests de ce type ont été réalisés en Afrique, pour l'essentiel dans des laboratoires privés, selon le décompte des autorités sanitaires.

Un nombre nettement insuffisant, a jugé le ministre de la Santé Zweli Mkhize, persuadé de ne voir avec ses statistiques que la partie émergée de la pandémie.

"Les transmissions locales augmentent en silence", a-t-il averti cette semaine. "Dans les quartiers pauvres, les gens qui présentent des symptômes légers ne vont pas aussitôt à l'hôpital, nous ne connaissons pas la réalité du problème".

Son plan vise donc à doper le dépistage, comme l'a fait avec succès la Corée du Sud pour contrôler l'épidémie.

En renforçant les capacités de 10 laboratoires publics du pays et surtout, grâce à une flotte de 67 laboratoires mobiles, il espère passer la semaine prochaine de 5.000 à 30.000 tests par jour.

Très ambitieux. Car au premier jours de la

campagne vendredi, l'affluence est restée plutôt limitée.

Pour Moshone, qui vit à Yeoville depuis vingt-six ans, ce n'est pas une surprise. La crainte de ses voisins lui rappelle les années 1990, quand le virus VIH a déferlé sur le pays. "Jusqu'à ce que le sida fasse ses premiers morts", note-t-il, "personne ici n'avait pris très au sérieux la menace".

Cette fois, l'infirmière Dlomo veut y croire. "Peut-être qu'en nous voyant dans le quartier, les gens vont réaliser que le danger existe et qu'ils doivent prendre des précautions".

Pas sûr, à voir le peu d'empressement des populations des townships à respecter les consignes de confinement et les règles de distanciation sociale. Depuis une semaine, les files d'attentes devant les supermarchés ne raccourcissent pas, malgré le déploiement de la police et de l'armée.

"Moi et ma famille, on reste chez nous mais quand je vois comment tous les autres gens continuent à sortir, je suis très mécontente", lâche une habitante, Zandile Siwela.

"Ils ne veulent pas s'isoler dans leur maison. Ils sortent avec leurs enfants, ils s'en foutent", renchérit une voisine, Masechaba Motaung, très agacée. "Les Africains prennent toujours les choses trop à la légère".

Pas le ministre Zweli Mkhize, en tout cas. Cette semaine, il a suggéré publiquement que la lente progression de l'épidémie observée ces derniers jours n'était peut-être que "le calme avant une tempête dévastatrice".


           

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