En conflit avec Macron, le chef d'état-major des armées démissionne


Mercredi 19 Juillet 2017 - 11:55
AFP


Le chef d'état-major des armées français Pierre de Villiers, en conflit avec le président Emmanuel Macron au sujet des coupes prévues dans le budget défense, a démissionné mercredi, une décision sans précédent qui marque la première crise d'ampleur du quinquennat.


"Dans les circonstances actuelles, je considère ne plus être en mesure d'assurer la pérennité du modèle d'armée auquel je crois pour garantir la protection de la France et des Français, aujourd’hui et demain, et soutenir les ambitions de notre pays. Par conséquent, j’ai pris mes responsabilités en présentant, ce jour, ma démission au président de la République, qui l'a acceptée", écrit le général de Villiers dans un communiqué.

Le maintien ou non du chef d'état-major des armées, en poste depuis 2014, agitait depuis plusieurs jours les milieux militaires, alors qu'Emmanuel Macron a multiplié les rappels à l'ordre brutaux à l'égard du général 5 étoiles.

A l'origine de la colère du chef de l'État, les critiques formulées par le général sur les 850 millions d'euros d'économies réclamées cette année aux armées, dans un contexte de serrage de vis budgétaire global, avec une baisse prévue de 4,5 milliards d'euros des dépenses de l'État en 2017.

Après avoir sèchement recadré le général de Villiers la veille du 14 juillet devant un parterre militaire interdit, en martelant "Je suis votre chef" et en reprochant à son chef d'état-major, sans le nommer, d'avoir mis de façon "indigne" une polémique budgétaire "sur la place publique", le président a enfoncé le clou dans les colonnes du Journal du Dimanche.

"Si quelque chose oppose le chef d'état-major des armées au président de la République, le chef d'état-major des armées change", a asséné M. Macron.

Personnalité intègre et rugueuse, apprécié de ses hommes, Pierre de Villiers avait assuré quelques jours auparavant devant la commission Défense à l'Assemblée, à huis clos, qu'il n'allait pas se "laisser baiser" et que la situation de l'armée n'était "pas tenable".

- "Mauvaise nouvelle" -

Dans une tribune au Figaro vendredi, il appelait encore à "préserver l'indispensable cohérence entre les menaces, les missions et les moyens", à l'heure où la France est engagée tous azimuts contre le terrorisme, du Sahel (Barkhane) au Moyen-Orient (Chammal) en passant par le territoire national (Sentinelle).

Le même jour, dans une "lettre à un jeune engagé" publiée sur Facebook, il semblait adresser des messages subliminaux à l'exécutif : "Parce que tout le monde a ses insuffisances, personne ne mérite d'être aveuglément suivi".

Pour les armées, l'arbitrage budgétaire annoncé la semaine passée est d'autant plus dur à digérer que le président Macron avait multiplié les signaux favorables en direction des militaires depuis son arrivée au pouvoir.

Remontée des Champs-Elysées à bord d'un command car puis visite à des blessés de guerre le jour de son investiture, déplacement sur la base militaire française de Gao, au Mali, ou encore, plus récemment, hélitreuillage à bord du sous-marin nucléaire lanceur d'engins (SNLE) Le Terrible...

Au-delà des symboles, le chef de l'État s'est engagé dès son arrivée à consacrer 2% du PIB à l'effort de défense d'ici à 2025, conformément à ses engagements de campagne.

Les réactions politiques n'ont pas tardé à pleuvoir après l'annonce du départ de Pierre de Villiers.

"Cette démission illustre les dérives très graves et les limites très inquiétantes de Monsieur Macron, aussi bien dans son attitude que dans sa politique", affirme la présidente du Front national Marine Le Pen dans un communiqué.

"L'excès d'autoritarisme d'@EmmanuelMacron aboutit à la démission du chef d'état-major Pierre de Villiers, une mauvaise nouvelle pour nos armées", a tweeté le député LR Damien Abad, membre de la commission Défense.

"La question n'est pas de savoir qui est le chef mais si les moyens opérationnels sont conformes aux objectifs politiques", a renchéri dans un communiqué le député François Cornut-Gentille (LR), spécialiste des questions de défense, qui juge toutefois cette démission "utile car elle va permettre d'ouvrir le débat nécessaire sur le financement de nos armées".

"La défense ne pouvait pas échapper aux réductions budgétaires", défendait au contraire lundi dans Le Monde le général Jean-Paul Palomeros, ancien chef d'état-major de l'Armée de l'air, proche de M. Macron. Et de rappeler que le président a promis d'augmenter le budget défense en 2018, à 34,2 milliards d’euros.


           

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