Essebsi dresse un sombre tableau de la Tunisie face à un public survolté


Mercredi 13 Juillet 2011 - 17:15
AFP


Tunis - Le Premier ministre Béji Caïd Essebsi a dressé mercredi un sombre tableau de la situation tunisienne et assuré que son gouvernement "faisait de son mieux", lors d'une intervention très chahutée devant la Haute instance chargée des réformes politiques.


Béji Caïd Essebsi
Béji Caïd Essebsi
Economie en récession, mouvements sociaux à répétition, craintes sécuritaires: "il y a des dérives", a affirmé M. Essebsi, qui s'exprimait pour la deuxième fois depuis sa prise de fonctions fin février devant la Haute Instance.

"La situation économique est très mauvaise", a-t-il commencé. "Des sit-in et grèves répétées ont entraîné l'arrêt des activités de plusieurs entreprises importantes pour le pays", a-t-il poursuivi, citant particulièrement les conflits affectant le principal groupe pourvoyeur de devises, le Complexe chimique tunisien.

Avec un recul de 3,3% de la croissance au premier trimestre et 0% au deuxième, l'économie tunisienne est officiellement en récession six mois après la chute du régime de Ben Ali.

"Nous avons trouvé le pays dans une situation lamentable, avec 700.000 chômeurs. Nous faisons de notre mieux mais nous ne possédons pas une baguette magique!", a lancé M. Essebsi.

"Plus de 700.000 réfugiés sont entrés en Tunisie depuis le début de la guerre, et cela a aussi pesé sur le pays", a-t-il rappelé, soulignant que 100.000 Libyens étaient actuellement "bien accueillis en Tunisie".

"Il n'est pas facile de gérer le pays dans des conditions pareilles", a-t-il souligné, abordant les interrogations sécuritaires et religieuses. Il a fustigé la récente création d'un syndicat policier: "quand la police fait grève, qui va assurer la sécurité ?". Et a dénoncé "l'utilisation de questions religieuses à des fins politiques":"Maintenant, on prie sur l'avenue Bourguiba et on change d'imams dans les mosquées. L'Etat ne permettra plus cela!".

M. Essebsi a exhorté les partis politiques à "travailler ensemble dans l'intérêt du pays" dans la période transitoire avant l'élection d'une Assemblée constituante prévue le 23 octobre.

Mais il a perdu son sang froid lorsque des membres de la Haute instance l'ont interpellé sur la récente nomination d'un secrétaire d'Etat au ministère des Affaires étrangères, Khemaies Jhinaoui, coupable d'avoir été en charge du bureau d'intérêt en Israël avant l'Intifada de 2000.

"C'était un fonctionnaire et il n'avait pas le choix", s'est énervé M. Essebsi, sous les huées de certains qui criaient: "Jhinaoui démission!". Le thème de la lutte contre la normalisation des liens avec l'Etat hébreu est soulevé par une partie de la classe politique tunisienne depuis quelques semaines.

La "période historique" que traverse la Tunisie actuellement "est la plus difficile qui soit et il faut qu'il ait une responsabilité commune", a-t-il insisté à la fin de son intervention.

Sans convaincre. "Langue de bois et toujours la langue de bois!", ont lancé des membres de la Haute instance.

"Nous sommes déçus, il n'a pas répondu concrètement aux questions. Il n'a parlé que de généralités sans entrer dans les détails", a réagi l'ancien juge Mokhtar Yahyaoui.

"Il a parlé comme un responsable administratif plutôt qu'un politicien", a regretté l'économiste Hassine Dimassi.

Mise en place après la révolution, la Haute instance, présidée par le juriste Yadh Ben Achour, comprend les représentants d'une douzaine de partis, d'organisations syndicales et d'associations.

Elle prépare et adopte des projets de lois qui sont ensuite soumis au président de la République par intérim, Foued Mebazaa. Elle a aussi un droit de regard sur l'activité du gouvernement.


           

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