Ferdinand-Victor-Eugène Delacroix


Mercredi 10 Décembre 2008 - 20:13
Le Monde des Arts


Ferdinand-Victor-Eugène Delacroix naît le 7 Floréal de l'an VII , soit en 1798 à Charenton Saint-Maurice, tout près de Paris, d’un haut fonctionnaire de l'Etat Charles delacroix et d’une mère d’origine allemande, parente de J.F. Oeben, l’ébéniste de Louis XV et de Louis XVI.


Ferdinand-Victor-Eugène Delacroix
Or, au moment de sa naissance, il semble que son père malade depuis 1797 n'était pas en mesure de procréer, et il semble que l'on puisse attribuer sa paternité au Prince de Talleyrand, l’homme du concordat et du congrès de Vienne et grand séducteur qui protegea l'artiste au début de sa carrière. Talleyrand étant Premier Ministre, il fût envoyé à l’étranger juste l’année de la naissance de l’artiste.

Le père d'Eugène Delacroix meurt en 1806. Le petit garçon et sa mère s’installent alors à Paris. Eugène y fréquente le Lycée Impérial ( aujourd’hui Lycée Louis Le Grand ) où son talent pour le dessin s'exprime au grand jour. Son oncle, le peintre H.F. Reisener, en 1815, le recommande à P.N.Guerin, qui est un ancien élève de David et un peintre académique de renom.
Eugène Delacroix fait son apprentissage du dessin et de la peinture, et fait la connaissance d’artistes talentueux tels que Géricault et Gros. Il se lie aussi d’amitié avec le peintre paysagiste Bonington qui le conduit à étudier la peinture de la nature.
Il fréquente les peintres mais aussi le musée du Louvre où il copie les grands maîtres qu'il admire : Rubens, Velasquez, Rembrandt, Véronèse, partagé qu'il est déjà par d’un côté, l’aspiration à la tradition et au classicisme, de l’autre, par l’introspection et le besoin de chercher derrière les apparences et le réel. Ce conflit l'habitera toute sa vie sans jamais le résoudre, mais il sera à la source de ses oeuvres les plus modernes, et les plus significatives de par leur énergie libératrice et leur couleur.

En 1822, Delacroix fait sa première entrée dans le monde artistique de l’époque en exposant " Dante et Virgile aux Enfers ", une œuvre vigoureuse, à la composition ambitieuse et aux couleurs très travaillées, qui sera achetée malgré les critiques dont elle est l’objet, par l’Etat . Deux ans plus tard, il peint "Le Massacre de Scio" dont la composition et l’énergie sont plus puissantes encore, et dont l’Etat se porte une nouvelle fois acquéreur, indifférent à la critique. Ces deux toiles concrétisent la polémique entre romantisme et classicisme, entre dessin et couleur, laquelle suivra le peintre toute sa vieet et qui le mettra en opposition à Ingres.

En 1825, Delacroix décide de passer trois mois en Angleterre, séjour qu'il consacre à l'étude de Constable, le plus grand peintre paysagiste européen de l’époque, dont il cherche à capturer la technique qui donne du poids à l’atmosphère, et une vibration aux couleurs. C’est une période importante pour l’artiste qui cherche à se concentrer davantage sur les couleurs, et sur ses effets physiques et psychologiques.

L’œuvre qu’il expose au salon de 1827,"La Mort de Sardanapale", est le fruit de ses recherches : tout en étant très colorée est traitée avec vigueur , elle demeure classique et d'une solennité académique, mais riche aussi d'une certaine complexité révélatrice de l'état psychologique dans lequel se trouve Delacroix derrière les apparences de la vie mondaine.
En apparence, tout va bien : l’artiste fréquente les salons littéraires parisiens, et rencontre Stendhal, Mérimée, Victor Hugo, Alexandre Dumas. Passionné aussi de musique, il voit aussi Paganini et Fredéric Chopin, dont il fera deux portraits très pénétrants et se fait la compagnie d' écrivains et de poètes comme Théophile Gautier ou Baudelaire qu'il préfère à celle des peintres.

La peinture est pour lui une passion : dans son journal qu'il a commencé en 1822, interrompu quelques années, puis qu'il reprend en 1847 jusqu'à sa mort -, il s’interroge sur l’art et les artistes, il compare les oeuvres du passé pour en saisir leurs correspondances et leurs différences, et pour en pénétrer leur mystère ou leur grandeur.

Il exprime le besoin de trouver des indications pour comprendre sa propre peinture, pour l'expliquer et en trouver les règles, et en chercher encore le sens du naturel et la magie des couleurs .« Il y a un homme qui fait clair sans contraste violent, qui fait le plein air qu’on a toujours répété impossible, disait-il, c’est Paul Veronèse. A mon avis, il est probablement le seul qui ait surpris le secret de la nature. Sans imiter précisément sa manière, on peut passer par beaucoup de chemins sur lesquels il a posé de véritables flambeaux ».

C'est en 1832 qu'il décide de faire un long voyage au Maroc et en Algérie : il découvre la magnificence de la lumière et de la couleur dans les paysages, mais aussi des gens différents, plus simples, et plus authentiques. Il y découvre aussi la sensualité et le mystère des intérieurs, dont le tableau " Les Femmes d'Alger dans leur appartement " retranscrit en 1834 des sensations intenses qui dès lors alimenteront beaucoup son oeuvre tout le reste de sa vie.

Ces nouvelles découvertes ne lui suffisent pas pour autant . Delacroix ne se veut pas révolutionner l’art, et ne veut pas s’abîmer dans ses visions intérieures : il veut peindre pour les autres, innover, mais aussi faire carrière sans se trahir.
A son retour du Maroc, il se consacre entre 1838 et 1847 à une commande publique qui est celle de décorer le Salon du Roi du Palais-Bourbon et qui lui permet d’affronter de vastes surfaces et de renouer avec la tradition de la décoration baroque, comme celle de Rubens. Mais à côté, il continue de peintre des portraits et diverses toiles orientales. Il travaille aussi à la décoration du Palais du Luxembourg entre1840 et 1846, mais aussi à celle du plafond central de la Galerie d’Apollon au Louvre ou à la Chapelle des Saints Anges de Saint-Sulpice.
A son amie George Sand, il dit : « Nous travaillerons jusqu'à l’agonie : que faire d’autre au monde, à moins de se saouler, quand vient le moment où la réalité n’est plus à la hauteur du rêve ? ».
Louvre Paris

Delacroix mène une double vie : celle d'une vie dans les salons, avec les belles dames, et les hommes cultivés de l'époque, en aspirant à l'Académie académicien, et celle d'une vie cachée montrant en réalité un homme sans espérance et secret qui ne parvient à délivrer ses tourments et ses désirs que dans la peinture. C’est l’homme qui écrivait dans son journal : " L’homme porte dans son âme des sentiments innés qui ne seront jamais satisfaits par les objets réels, et c’est à de tels sentiments que l’imagination du poète et du peintre donnera forme et vie." Delacroix était aussi un homme de passion, et cherchait les moyens d’exprimer cette passion de la manière la plus visible.

Ce fut une vie plutôt d'apparence tranquille que mena Eugène Delacroix, rythmée par les événements extérieurs, mais parsemée de beaucoup de zones d’ombre, dont il ne parlera jamais, même dans le journal pourtant qu’il aura tenu une grande partie de sa vie. L'origine de sa naissance, et les raisons de croire que son père légal ne fût pas son géniteur, fût sans doute la cause de ce caractère double et complexe, dans lequel Eugène Delacroix trouva les signes de son génie et de son talent. Baudelaire lui reconnaissait son admiration, et le considérait comme le plus grand peintre du siècle de par le mélange de tradition classique et de ferveur romantique, de certitudes et de contradictions qu'il mettait dans son oeuvre.

Lorsqu’il meurt, le 13 août 1863, d'une longue maladie qui lui rongeait la gorge, le milieu académique lui demeure encore hostile, mais les jeunes peintres reconnaissent en lui le vrai maître de son temps, et en lui un génie authentique.


           

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