Benjamin Stora
Ce professeur à l'université Paris 13 qui vient de publier "Voyages en postcolonies, Vietnam, Algérie, Maroc" (Ed. Stock), a récemment été consulté par le président François Hollande sur la dimension mémorielle de sa visite, mercredi et jeudi, en Algérie et plus généralement sur le Maghreb.
Q. Comment les Algériens, dans leur ensemble, appréhendent-ils la question mémorielle ?
R. "Ces questions mémorielles ont pris beaucoup d'importance depuis 2005 qui a marqué le grand tournant. Avant, ce préalable n'était pas aussi vivement posé dans les rencontres officielles franco-algériennes mais, depuis l'adoption en 2005 de la loi sur la colonisation par l'Assemblée nationale française (dont un article très controversé puis supprimé en 2006 évoquait "le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord"), les enjeux de mémoire ont pris une grande place en Algérie.
Il y a à la fois des calculs politiques des dirigeants mais aussi une opinion publique qui, maintenant, est concernée par cette question-là. Ce ne sont pas simplement des propos +d'en haut+ mais des histoires contenues du côté de la société civile et qui réapparaissent de manière vive. Cela ne veut pas dire que les Algériens ressassent le passé de façon permanente. Mais dans la jeunesse notamment, il y a une exigence de vérité. Dans le même temps, beaucoup de gens disent: +maintenant il faut aussi avancer+".
Q. Quelles sont les attentes ?
R. "Les Algériens ne sont pas uniquement polarisés sur la guerre d'Algérie, comme les Français. La question pour eux, c'est la colonisation, celle de l'imposition d'un système dans la durée, c'est-à-dire +pourquoi les Français sont-ils arrivés en Algérie et comment, pendant 130 ans, nous, Algériens, avons vécu avec cette histoire ?+ C'est cela qui les intéresse. De l'autre côté de la Méditerranée, ce n'est pas le même point de vue: les Français évoquent surtout la fin de la guerre, avec l'exode des pieds-noirs, le massacre des harkis, la fin de l'Algérie française, alors que les Algériens parlent des origines de la guerre. C'est la différence d'approche.
Ce que les Algériens attendent généralement, c'est la reconnaissance des exactions commises, au niveau de ce qu'avait ouvert la présidence de Jacques Chirac avec la condamnation des massacres de Sétif et Guelma en 1945 (en mai 45, des manifestations de nationalistes algériens ont été réprimées dans le sang dans le département alors français de Constantine). Le problème, c'est qu'il faut cibler quel type d'exactions. Cela a été fait pour Sétif et Guelma et récemment, pour la répression à Paris de la manifestation du 17 octobre 1961. Une prise de position de François Hollande allant dans ce sens est attendue en Algérie".
Q. Reconnaissance, cela ne signifie pas repentance ?
R. "La repentance, ce mot est rarement prononcé en Algérie. C'est un mot du vocabulaire religieux catholique, ce n'est pas dans le vocabulaire politique algérien. Plus personne ne la réclame en France d'ailleurs".
Q. Comment les Algériens, dans leur ensemble, appréhendent-ils la question mémorielle ?
R. "Ces questions mémorielles ont pris beaucoup d'importance depuis 2005 qui a marqué le grand tournant. Avant, ce préalable n'était pas aussi vivement posé dans les rencontres officielles franco-algériennes mais, depuis l'adoption en 2005 de la loi sur la colonisation par l'Assemblée nationale française (dont un article très controversé puis supprimé en 2006 évoquait "le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord"), les enjeux de mémoire ont pris une grande place en Algérie.
Il y a à la fois des calculs politiques des dirigeants mais aussi une opinion publique qui, maintenant, est concernée par cette question-là. Ce ne sont pas simplement des propos +d'en haut+ mais des histoires contenues du côté de la société civile et qui réapparaissent de manière vive. Cela ne veut pas dire que les Algériens ressassent le passé de façon permanente. Mais dans la jeunesse notamment, il y a une exigence de vérité. Dans le même temps, beaucoup de gens disent: +maintenant il faut aussi avancer+".
Q. Quelles sont les attentes ?
R. "Les Algériens ne sont pas uniquement polarisés sur la guerre d'Algérie, comme les Français. La question pour eux, c'est la colonisation, celle de l'imposition d'un système dans la durée, c'est-à-dire +pourquoi les Français sont-ils arrivés en Algérie et comment, pendant 130 ans, nous, Algériens, avons vécu avec cette histoire ?+ C'est cela qui les intéresse. De l'autre côté de la Méditerranée, ce n'est pas le même point de vue: les Français évoquent surtout la fin de la guerre, avec l'exode des pieds-noirs, le massacre des harkis, la fin de l'Algérie française, alors que les Algériens parlent des origines de la guerre. C'est la différence d'approche.
Ce que les Algériens attendent généralement, c'est la reconnaissance des exactions commises, au niveau de ce qu'avait ouvert la présidence de Jacques Chirac avec la condamnation des massacres de Sétif et Guelma en 1945 (en mai 45, des manifestations de nationalistes algériens ont été réprimées dans le sang dans le département alors français de Constantine). Le problème, c'est qu'il faut cibler quel type d'exactions. Cela a été fait pour Sétif et Guelma et récemment, pour la répression à Paris de la manifestation du 17 octobre 1961. Une prise de position de François Hollande allant dans ce sens est attendue en Algérie".
Q. Reconnaissance, cela ne signifie pas repentance ?
R. "La repentance, ce mot est rarement prononcé en Algérie. C'est un mot du vocabulaire religieux catholique, ce n'est pas dans le vocabulaire politique algérien. Plus personne ne la réclame en France d'ailleurs".