Indécis en France, ferme à l'étranger: le mystère Hollande


Mercredi 27 Novembre 2013 - 10:16
AFP


Paris - Indécis sur la fiscalité ou l'affaire Leonarda mais déterminé sur le Mali, la Syrie, l'Iran et aujourd'hui la Centrafrique, le mystère du président François Hollande s'explique, selon les experts, par le terrain: miné en France, libre à l'étranger.


"Qu'est-ce que j'ai fait depuis dix-huit mois en France si ce n'est prendre des décisions ?", s'insurge le chef d'Etat français, piqué au vif par une question sur son supposé manque d'autorité lors d'une récente visite en Israël. "Et pour la vie internationale, je n'ai pas non plus hésité !", ajoute-t-il.

En réalité, pour les experts, son image est diamétralement opposée selon que l'on considère la politique intérieure ou la politique étrangère.

"On a chez François Hollande une véritable dichotomie: on l'a trouvé ferme, décidé, déterminé pour le Mali, la Syrie, l'Iran", dit Frédéric Dabi, de l'Institut de sondages Ifop. "En revanche, en politique intérieure, s'est installée la critique sur un président hésitant, qui n'a pas la main ferme, qui ne tranche pas, qui recule".

Pour lui, "deux événements récents ont installé cette perception, qui est devenue une grille de lecture: Leonarda et le recul sur l'écotaxe".

Sur la taxe poids lourds, devant une fronde d'agriculteurs en Bretagne (ouest), son gouvernement recule et annonce qu'elle est suspendue et ne s'appliquera pas au 1er janvier.

Dans l'affaire Leonarda, collégienne rom en situation irrégulière expulsée avec sa famille au Kosovo, le président annonce une demi-mesure - le retour en France de la jeune fille mais "seule" - qui ne convainc personne.

Il veut "sans cesse trouver des compromis, alors que le pays attend un dépassement: non pas l'intérêt de tous, mais l'intérêt général", dit à l'AFP Stéphane Rozès, président de Cap (Conseils, analyses et perspectives).

Pour M. Dabi, "la France a une culture d'autorité". "La méthode Hollande ne passe pas bien parce que le compromis est vu comme une compromission et l'hésitation comme une incapacité à décider et à trancher".

Les Français ne comprennent pas davantage qu'il ne leur dise pas clairement, alors qu'il est au plus bas dans les sondages, quelle est sa politique pour le pays.

"Il a semblé pour François Hollande plus facile, en matière de politique intérieure, d'avancer sans énoncer", dit Stéphane Rozès.

"Il maquille et cache ce qu'il veut faire", confirme à l'AFP l'analyste Alain Duhamel.

"Fenêtre d'opportunité"

Sur la scène internationale, c'est le contraire. Le président lance en janvier une opération éclair au Mali contre les groupes islamistes armés: "L'un des rares moments de rebond de popularité de François Hollande", souligne Frédéric Dabi.

En août, il se dit prêt à "punir" le régime syrien de Bachar al-Assad, allant plus vite et plus loin que le président américain Barack Obama. Même s'il doit finalement reculer. En novembre, il tient tête à ses plus proches alliés sur le programme nucléaire iranien, exigeant et obtenant à Genève un accord plus "solide" que prévu.

Les experts voient à cela des explications de forme et de fond.

D'abord, la politique étrangère et de défense étant son "domaine réservé" selon les institutions de la Ve République, le président "n'a pratiquement pas de contrôle et peut faire ce qu'il veut", note Alain Duhamel. "Autant il a les mains entravées sur le plan intérieur, autant il a les mains libres sur le plan international".

"Il ne doit pas respecter les différents courants du parti socialiste: il est +La France+", constate aussi Dominique Moisi de l'Institut français des relations internationales (Ifri).

Mais, surtout, François Hollande profite de l'espace laissé au Moyen-Orient par les Etats-Unis, moins interventionnistes dans cette région sous Barack Obama. Et d'une place limitée de l'Allemagne sur la scène internationale, sans corrélation avec son poids économique.

"Il y a une fenêtre d'opportunité laissée ouverte par le vide américain", explique Dominique Moïsi. "Le +désir d'impuissance internationale+ de l'Allemagne pousse la France à jouer plus encore la carte qui est la sienne".

Pour lui, la France de Hollande bénéficie d'"un +upgrade+ (surclassement) sur la scène internationale par défaut - l'Amérique - et par dessein - l'Allemagne".


           

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