Ses proches ont tout de suite compris lorsqu'ils ont reçu l'email codé d'un ami iranien qui l'attendait à l'aéroport d'où elle n'est jamais sortie : « La peintre est partie se reposer à Evin », était-il seulement écrit.
Ce que les religieux lui reprochent ? Essentiellement »Tabous », sorti en 2004, un film sur le désir sexuel et les frustrations de la société iranienne, qui a connu un grand succès clandestin en Iran. (Voir la bande annonce, en persan sous-titré)
Dans une interview au journal Elle à l'époque de la sortie du film, elle déclarait :
« Absolument tout le monde a une double vie à Téhéran. Et tout le monde sait que tout le monde a une double vie ».
L'intimité sexuelle des Iraniens, cette artiste de 34 ans la scrute depuis des années. Pour ses peintures, depuis les Arts déco qui l'ont amenée à Paris en 1998. Et pour ses films, depuis son premier documentaire, « Juste une femme », les premiers pas de la vie d'un homme devenu femme.
Elle y raconte comment, dans une société où il est impossible de vivre son homosexualité, changer de sexe est parfois la plus simple des solutions, adoptée par de nombreux gays sans que personne n'en parle. Ce documentaire, primé par un Teddy Award au festival de Berlin (2002), fut très remarqué par la critique et lui permit de réaliser un premier long métrage à 28 ans.
« La plupart des cinéastes s'autocensurent »
« Tabous » a la particularité d'être un documentaire entremêlé de scènes de fiction. Pour ces dernières, des acteurs français (dont Coralie Revel) se prêtent à un conte érotique, sur un poème du XIXe siècle d'Iraj Mirza, dont l'oeuvre n'a plus droit de cité depuis la révolution islamique.
Avoir osé filmer une femme nue sur la terre sacrée d'Iran, voilà qui vaut sans doute à Mitra Farahani d'être aujourd'hui en prison. Car aucun cinéaste n'était allé aussi loin dans la transgression.
Producteur de « Tabous », Cyriac Auriol se souvient de la réaction du milieu :
« La plupart des cinéastes s'autocensurent, mais elle n'est pas du tout sensible à cela. Des réalisateurs ont pu craindre que ce film leur vaudrait d'être encore plus contrôlés à l'avenir, comme si la liberté qu'elle s'accordait risquait de menacer la leur. »
C'est surtout Mitra elle-même qui a commencé à être inquiétée. Pas immédiatement, puisque pendant trois ans après la sortie de son film, elle continue ses aller-retours réguliers entre Paris et Téhéran. Jusqu'à ce qu'en 2007, trois personnes ayant collaboré à « Tabous », pistés par les services secrets, soient arrêtés.
Longuement interrogés sur leurs liens avec Mitra Farahani, ils sont finalement relâchés mais ont compris le message qu'ils avaient à lui transmettre. Sans qu'aucune « fatwa » soit officiellement prononcée, elle comprend qu'elle a intérêt à ne pas remettre les pieds en Iran.
« Enfermée en France »
Un ami témoigne de son état d'esprit et de ce qui a pu l'amener à prendre ce risque fou :
« Le fait de ne pas savoir ce que lui voulait le régime était très pénible pour elle. Elle se sentait enfermée en France, même si, après avoir été clandestine, elle venait d'obtenir une carte de séjour.
Récemment, elle venait de terminer le scénario de son prochain long métrage, Le Coq, encore un film sur le désir, et se passionnait pour l'élection, elle qui ne parle jamais de politique. Même si les élections ne se sont pas déroulées comme prévu, elle a maintenu le scénario qu'elle avait en tête : rentrer. Ses amis lui en veulent un peu d'avoir fait une aussi grosse connerie. »
A la descente d'avion, le suspense a pris fin. Dès qu'elle a montré son passeport, elle a été conduite dans le bureau de la police, où elle reste deux jours. Le fils d'une amie qui avait voyagé avec elle a pu prévenir l'entourage.
Puis, elle a été transférée à la prison d'Evin, celle-là où sont réunis pas mal de prisonniers politiques, comme la journaliste américano-iranienne Roxana Saberi, récemment libérée.
Le réalisateur iranien Bahman Gobadi a été emprisonné une semaine à son retour du festival de Cannes, début juin, probablement pour avoir dénoncé la répression qui frappe de jeunes musiciens.
Le cas de Mitra Farahani est peut-être plus délicat aux yeux des mollahs, puisque dans son film, même si elle donne la parole aux religieux, elle brise des tabous plus actuels que jamais.
Son sort dépendra de l'issue de la révolte en cours. Mais si le régime aujourd'hui menacé venait à se raidir, elle pourrait en faire les frais.
Ce que les religieux lui reprochent ? Essentiellement »Tabous », sorti en 2004, un film sur le désir sexuel et les frustrations de la société iranienne, qui a connu un grand succès clandestin en Iran. (Voir la bande annonce, en persan sous-titré)
Dans une interview au journal Elle à l'époque de la sortie du film, elle déclarait :
« Absolument tout le monde a une double vie à Téhéran. Et tout le monde sait que tout le monde a une double vie ».
L'intimité sexuelle des Iraniens, cette artiste de 34 ans la scrute depuis des années. Pour ses peintures, depuis les Arts déco qui l'ont amenée à Paris en 1998. Et pour ses films, depuis son premier documentaire, « Juste une femme », les premiers pas de la vie d'un homme devenu femme.
Elle y raconte comment, dans une société où il est impossible de vivre son homosexualité, changer de sexe est parfois la plus simple des solutions, adoptée par de nombreux gays sans que personne n'en parle. Ce documentaire, primé par un Teddy Award au festival de Berlin (2002), fut très remarqué par la critique et lui permit de réaliser un premier long métrage à 28 ans.
« La plupart des cinéastes s'autocensurent »
« Tabous » a la particularité d'être un documentaire entremêlé de scènes de fiction. Pour ces dernières, des acteurs français (dont Coralie Revel) se prêtent à un conte érotique, sur un poème du XIXe siècle d'Iraj Mirza, dont l'oeuvre n'a plus droit de cité depuis la révolution islamique.
Avoir osé filmer une femme nue sur la terre sacrée d'Iran, voilà qui vaut sans doute à Mitra Farahani d'être aujourd'hui en prison. Car aucun cinéaste n'était allé aussi loin dans la transgression.
Producteur de « Tabous », Cyriac Auriol se souvient de la réaction du milieu :
« La plupart des cinéastes s'autocensurent, mais elle n'est pas du tout sensible à cela. Des réalisateurs ont pu craindre que ce film leur vaudrait d'être encore plus contrôlés à l'avenir, comme si la liberté qu'elle s'accordait risquait de menacer la leur. »
C'est surtout Mitra elle-même qui a commencé à être inquiétée. Pas immédiatement, puisque pendant trois ans après la sortie de son film, elle continue ses aller-retours réguliers entre Paris et Téhéran. Jusqu'à ce qu'en 2007, trois personnes ayant collaboré à « Tabous », pistés par les services secrets, soient arrêtés.
Longuement interrogés sur leurs liens avec Mitra Farahani, ils sont finalement relâchés mais ont compris le message qu'ils avaient à lui transmettre. Sans qu'aucune « fatwa » soit officiellement prononcée, elle comprend qu'elle a intérêt à ne pas remettre les pieds en Iran.
« Enfermée en France »
Un ami témoigne de son état d'esprit et de ce qui a pu l'amener à prendre ce risque fou :
« Le fait de ne pas savoir ce que lui voulait le régime était très pénible pour elle. Elle se sentait enfermée en France, même si, après avoir été clandestine, elle venait d'obtenir une carte de séjour.
Récemment, elle venait de terminer le scénario de son prochain long métrage, Le Coq, encore un film sur le désir, et se passionnait pour l'élection, elle qui ne parle jamais de politique. Même si les élections ne se sont pas déroulées comme prévu, elle a maintenu le scénario qu'elle avait en tête : rentrer. Ses amis lui en veulent un peu d'avoir fait une aussi grosse connerie. »
A la descente d'avion, le suspense a pris fin. Dès qu'elle a montré son passeport, elle a été conduite dans le bureau de la police, où elle reste deux jours. Le fils d'une amie qui avait voyagé avec elle a pu prévenir l'entourage.
Puis, elle a été transférée à la prison d'Evin, celle-là où sont réunis pas mal de prisonniers politiques, comme la journaliste américano-iranienne Roxana Saberi, récemment libérée.
Le réalisateur iranien Bahman Gobadi a été emprisonné une semaine à son retour du festival de Cannes, début juin, probablement pour avoir dénoncé la répression qui frappe de jeunes musiciens.
Le cas de Mitra Farahani est peut-être plus délicat aux yeux des mollahs, puisque dans son film, même si elle donne la parole aux religieux, elle brise des tabous plus actuels que jamais.
Son sort dépendra de l'issue de la révolte en cours. Mais si le régime aujourd'hui menacé venait à se raidir, elle pourrait en faire les frais.